En 2024, près de la moitié des visiteurs au Maroc étaient des Marocains résidant à l'étranger. Pourtant, malgré leur attachement profond et leur présence massive, leur contribution économique au secteur touristique reste encore limitée. Le Maroc a enregistré un record de 17,4 millions d'arrivées touristiques en 2024. Près de la moitié — soit 8,6 millions — étaient des Marocains résidant à l'étranger (MRE), ce qui représente une hausse de 17 % par rapport à l'année précédente. En parallèle, les touristes étrangers étaient au nombre de 8,8 millions, en progression de 23 %. Cette dynamique met en lumière le rôle central des MRE dans la vitalité du tourisme national, tout en posant la question de leur contribution réelle à l'économie du secteur. Malgré leur nombre élevé, les MRE participent faiblement à la création de valeur touristique. La majorité d'entre eux logent dans leurs propres habitations ou chez des proches, limitant ainsi la consommation de services d'hébergement, de restauration et d'animation. Selon les experts, cette situation explique en partie pourquoi la hausse des arrivées ne se traduit pas par une augmentation proportionnelle des recettes. Le Maroc se classe ainsi 53e au niveau mondial en matière de rendement par touriste, avec une moyenne de 650 dollars par visiteur. À titre comparatif, l'Egypte, avec 15,7 millions de touristes en 2024, enregistre un revenu moyen par visiteur plus élevé et se classe 40e, avec une croissance des recettes touristiques de 22 %, contre seulement 2,4 % pour le Maroc. Lire aussi : Le Maroc considère la solution à deux Etats comme essentielle pour la stabilité régionale Le discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, prononcé le 6 novembre 2024 à l'occasion du 49e anniversaire de la Marche Verte, est venu rappeler l'importance stratégique des MRE. Le Souverain a annoncé une réorganisation profonde du cadre institutionnel autour de deux entités majeures : le Conseil de la Communauté marocaine à l'étranger, en tant qu'organe de réflexion représentatif et force de proposition, et la future Fondation Mohammedia des Marocains résidant à l'étranger, qui jouera le rôle de bras opérationnel chargé de coordonner les politiques publiques les concernant. Sa Majesté le Roi a appelé à l'adoption rapide de la loi portant création du nouveau Conseil et à la mise en place de la Fondation, qui sera chargée notamment de gérer le mécanisme national de mobilisation des compétences des MRE, d'accompagner les porteurs de projets, et de renforcer l'encadrement culturel, linguistique et religieux de la communauté marocaine établie à l'étranger. Le Souverain a également insisté sur la nécessité de simplifier et numériser les procédures administratives et judiciaires à destination des MRE, tout en soulignant l'importance d'augmenter leur part dans l'investissement privé national, actuellement limitée à 10 %. Les obstacles qui limitent l'impact des MRE sur le tourisme Par ailleurs, la faible diversification de l'offre touristique constitue un autre facteur structurel expliquant le rendement limité du secteur. Les premières générations de MRE privilégient les séjours familiaux dans des logements privés, tandis que les plus jeunes recherchent plutôt des activités de loisirs, culturelles et festives. Or, cette diversité de besoins reste encore peu intégrée dans les offres proposées par les opérateurs touristiques, souvent trop centrées sur des formules classiques. La concentration géographique des arrivées constitue également un défi. Environ 80 % des touristes proviennent d'Europe, principalement de France, d'Espagne et du Royaume-Uni. En revanche, les marchés émergents comme l'Amérique du Nord, les pays du Golfe ou la Scandinavie, où résident pourtant d'importantes communautés marocaines dotées d'un pouvoir d'achat élevé, sont encore sous-exploités. Le développement de liaisons aériennes directes et à bas coût à partir de ces régions constitue un levier essentiel pour capter cette clientèle à fort potentiel. Le coût élevé des billets d'avion, notamment pour les familles, freine la fréquence des séjours. Selon les experts, il devient impératif d'élargir l'offre de vols, notamment low-cost, en direction des pays où vivent de grandes communautés marocaines. Une meilleure accessibilité favoriserait non seulement la venue des MRE, mais aussi leur consommation touristique locale, dès lors qu'une offre plus ciblée serait mise en place. L'enjeu est donc double : il s'agit de capitaliser sur la fidélité des MRE au Maroc, tout en adaptant les politiques publiques pour transformer cette fidélité en opportunité économique. Le discours de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI fixe un cap clair : faire des MRE non plus de simples visiteurs, mais de véritables acteurs du développement national. L'avenir du tourisme marocain ne se joue pas uniquement dans l'attraction des étrangers, mais aussi dans la valorisation pleine et entière de la diaspora marocaine.