Les participants à des panels tenus dans le cadre de la 1ère édition des "Matinées Durables" ont souligné, mardi à Casablanca, la nécessité de repenser le modèle économique de la gestion des déchets pour aboutir à une véritable économie circulaire. À cette occasion, les intervenants, représentants d'entreprises actives tant dans la production que dans la valorisation des déchets, ont été unanimes sur le fait que la transition vers l'économie circulaire exige un changement profond de paradigme, ainsi qu'une évolution majeure dans la perception citoyenne des déchets, désormais considérés comme une ressource plutôt qu'un simple rebut. Cette mise en relation directe a permis de favoriser une continuité dans la réflexion et d'ouvrir la voie à la discussion de solutions concrètes, pragmatiques et potentiellement opérationnelles à court terme. Ainsi, Driss Nahya, directeur général de Polluclean, a fait savoir que sa société est spécialisée dans la gestion des déchets industriels émanant de divers secteurs tels que l'industrie chimique, pétrolière, agroalimentaire, le commerce de grande distribution, ou encore l'industrie énergétique. Les déchets industriels présentent une forte hétérogénéité, du fait qu'ils peuvent être solides, liquides ou conditionnés de différentes manières, a-t-il expliqué, ajoutant que Polluclean a développé une expertise spécifique lui permettant d'extraire, à partir de ces déchets, les fractions valorisables, soit en matière ou bien en énergie. M. Nahya a noté que malgré l'existence d'un cadre légal, la collecte et le traitement des déchets restent insuffisants, estimant que le secteur nécessite une structuration autour d'acteurs professionnels, un renforcement du contrôle, ainsi qu'un soutien au financement des infrastructures de traitement. Lire aussi : Gestion des déchets verts : mécontentement de la Fédération sur la gestion actuelle à Rabat De son côté, Mourad Adali, vice-président de l'Association marocaine de recyclage et de valorisation des déchets plastique (AMRP) et vice-président de la Fédération marocaine de plasturgie (FMP), a partagé son expérience de terrain et sa vision d'un modèle circulaire où le plastique devient ressource. Il a indiqué que le marché de l'économie circulaire a traversé plusieurs phases (historique, juridique, législative, politique, sociétale et industrielle), rappelant que la FMP est, à ce jour, la seule à avoir accepté de s'acquitter de l'écotaxe, de manière volontaire et continue. Dans le cadre de sa vision pour ce modèle économique, la fédération a mis en place un Groupement d'Intérêt Economique (GIE) dédié au recyclage plastique, a fait savoir M. Adali, précisant que ce GIE est conçu pour fédérer les entreprises marocaines du secteur, en leur offrant un cadre collaboratif structuré. Et de poursuivre : "Nous avons également proposé au gouvernement une initiative concrète, à savoir la création de centres de tri et de valorisation dans chaque ville du Royaume, gérés par un conseil d'administration incluant à la fois des acteurs économiques, politiques et territoriaux". Pour sa part, Mounir El Bari, directeur général de GPC Carton et Papier et président de la Coalition pour la Valorisation des Déchets (COVAD), a fait remarquer que la gestion des déchets ne suffit plus et qu'il est impératif de passer à un modèle d'économie circulaire. Ce nouveau paradigme vise à rompre avec l'économie linéaire – produire, vendre et consommer – pour adopter une logique de réutilisation et de valorisation, a-t-il détaillé, mettant l'accent sur la responsabilité élargie du producteur (REP) pour responsabiliser les industriels quant au recyclage de leurs produits. M. El Bari a, par ailleurs, cité l'exemple du papier-carton, dont le succès tient à un modèle économique stable basé sur un prix fixe depuis 30 ans, ce qui a permis d'atteindre un taux de collecte élevé. Ce système encourage les acteurs économiques à investir dans la chaîne de ramassage et de recyclage, car ils disposent d'une visibilité, a-t-il expliqué, notant que les industriels locaux ne peuvent pas tout traiter, ce qui a conduit à autoriser partiellement l'export, bien que la priorité reste la transformation locale pour créer de la valeur. M. El Bari a, en outre, illustré la pertinence de ce modèle avec le secteur de l'emballage, essentiel pour la compétitivité du produit marocain à l'export, insistant sur le fait qu'un bon emballage, à base de matériaux recyclés, peut être un facteur de compétitivité face à la concurrence étrangère, tout en renforçant l'industrie nationale et en s'inscrivant dans une véritable logique d'économie circulaire. Cette première édition des "Matinées Durables" a également été l'occasion pour Nawal Rommache, Cheffe de département RSE au sein de Label Vie, de mettre en avant les différentes initiatives lancées par le groupe depuis plusieurs années, dans le cadre de sa politique environnemental et son engagement en faveur d'une démarche structurée d'économie circulaire. Elle a, à cet égard, évoqué l'équipement de la majorité des magasins de compacteurs permettant un premier niveau de tri, notamment pour les déchets ménagers mais aussi pour les plastiques, ainsi que la mise en place, depuis trois ans, d'une solution innovante "DLC Mémo" qui identifie et signale aux collaborateurs du magasin la liste des produits qui approchent de leur date de péremption. Selon Mme Rommache, le groupe a aussi déployé dans certains magasins des machines de collecte dédiées au recyclage des bouteilles en plastique et en verre, pour inciter les clients à ramener leurs contenants usagés en échange de bons d'achat, de points de fidélité ou de recharges, selon les modalités choisies. Quant à Reda Boukallal, directeur de Geocycle Maroc, filiale de LafargeHolcim Maroc et un acteur majeur de l'économie circulaire au Maroc, il a mis en avant l'importance de participer à cette 1ère édition des "Matinées Durables". Cet événement, a-t-il soutenu, s'inscrit pleinement dans la politique de LafargeHolcim Maroc qui consiste à décarboner le plus rapidement son industrie. Il s'agit également de s'inscrire dans une démarche d'économie circulaire, a indiqué M. Boukallal, soulignant que cette approche est mise en œuvre par le groupe depuis plus de deux décennies, et continue de l'être aujourd'hui, dans le but de maîtriser son impact environnemental et d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050. Placée sous le thème "L'économie circulaire : accélérer la transition vers un Maroc plus durable", cette édition s'inscrit dans une dynamique nationale de promotion d'un modèle de développement plus durable, fondé sur la coopération entre acteurs et l'intelligence collective.