Le ministère algérien des Affaires étrangères a signifié, ce 7 août 2025, la rupture unilatérale de deux dispositifs bilatéraux jusque-là emblématiques du régime de faveur consenti à la France : l'accord de 2013 sur les exemptions de visa pour les détenteurs de passeports spéciaux, et la mise à disposition gracieuse de biens immobiliers à l'ambassade de France. Un nouvel épisode dans l'escalade diplomatique entre Paris et Alger, où chaque partie revendique désormais une stricte réciprocité des traitements. Alors que la France suspend unilatéralement les privilèges de visas pour les diplomates algériens, Alger répond avec une symétrie revendiquée, dans un climat de défiance généralisée. La convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de France à Alger, ce 7 août 2025, acte une nouvelle phase de crispation entre les deux capitales. Officiellement, il s'agissait de lui remettre deux notes verbales signifiant la dénonciation par l'Algérie de plusieurs accords diplomatiques avec la France. En réalité, c'est l'illustration spectaculaire d'un divorce assumé et d'une rupture d'équilibre dans une relation bilatérale historiquement conflictuelle. La première note, la plus symbolique, met fin unilatéralement à l'accord franco-algérien de 2013 exemptant les titulaires français de passeports diplomatiques et de service de visa pour entrer en Algérie. Désormais, tout diplomate français sera soumis aux mêmes procédures administratives que tout autre citoyen. Une « mesure de réciprocité », justifie Alger, qui fait suite à la décision du président Emmanuel Macron, prise le 6 août, de suspendre les visas diplomatiques accordés aux officiels algériens. Ce geste français intervient dans un contexte de tensions accrues, notamment après les traitements réservés à des intellectuels et journalistes franco-algériens comme Boualem Sansal ou Christophe Gleizes. Lire aussi : Passeport : Paris serre la vis face à Alger Ce revirement témoigne d'un durcissement algérien qui ne se contente plus de dénoncer l'extrême droite française ou les écarts verbaux de certains ministres européens. Pour Alger, c'est désormais l'ensemble de l'appareil d'Etat français qui est considéré comme hostile ou, à tout le moins, indifférent aux « principes d'égalité et de respect ». D'où l'adoption d'un langage de souveraineté musclée, voire menaçante, dans le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. Le deuxième front ouvert par Alger concerne les privilèges immobiliers de l'ambassade de France. Jusqu'ici, plusieurs biens immobiliers de l'Etat algérien étaient mis gracieusement à disposition de la représentation diplomatique française. Ce régime prend fin. Désormais, des contrats de location en bonne et due forme seront exigés, dans des conditions qui restent à déterminer. Il s'agit là encore d'un message politique autant que financier : Alger entend rompre avec les « avantages hérités du passé » et remettre en cause toute asymétrie, réelle ou perçue, dans la relation bilatérale. Cette posture s'inscrit dans une stratégie de fermeté assumée par les autorités algériennes, dans un contexte régional tendu. Le rejet de toute « logique d'intimidation ou d'injonction » devient un leitmotiv dans les déclarations officielles algériennes, y compris à l'égard d'acteurs partenaires jusqu'ici perçus comme stratégiques. Mais cette stratégie d'égalisation des rapports pose question. Car en s'alignant sur la méthode française — réciprocité stricte, suspension d'accords bilatéraux, fin des exemptions — Alger légitime, paradoxalement, l'instrumentalisation des outils diplomatiques qu'elle dénonçait naguère. Le pari d'Alger est clair : substituer à une relation d'influence une relation d'égal à égal. Mais ce rééquilibrage affirmé risque d'accélérer l'érosion du capital de confiance entre les deux pays, déjà mis à mal par l'affaire des visas en 2021, la crise mémorielle de 2022, et l'opposition algérienne au soutien européen au plan marocain pour le Sahara. À Paris, la décision du président Emmanuel Macron, officialisée le 6 août 2025 dans une lettre adressée à son Premier ministre François Bayrou, s'inscrit dans cette même dynamique de fermeté. Il s'agissait de suspendre formellement l'accord bilatéral de 2013 sur les exemptions de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques algériens. À l'Elysée, on justifie cette décision par un « besoin de cohérence stratégique » dans un climat de défiance croissante, tant sur les questions migratoires que sécuritaires.