L'économie marocaine repose de manière significative sur le secteur agricole. D'après les données de la Banque Mondiale, l'agriculture a contribué à hauteur de 10,1 % au produit intérieur brut (PIB) en 2024, confirmant son rôle stratégique dans la croissance nationale. Au-delà de sa contribution économique, ce secteur demeure un pilier social majeur, puisqu'il représente près de 30 % de l'emploi total au Maroc, selon les chiffres de la Banque Mondiale de 2023. Toutefois, la disponibilité en eau constitue un facteur déterminant pour la performance agricole. Le stress hydrique exerce, en effet, un impact négatif sur la productivité, réduit les volumes de production et compromet la durabilité du système agricole. Conscient de cet enjeu majeur, l'Etat a mis en œuvre, depuis 2008, plusieurs programmes visant à promouvoir l'économie d'eau en agriculture. Parmi les plus importants figurent le Programme national d'économie d'eau en irrigation, le Programme d'extension de l'irrigation, le Programme de sauvegarde des périmètres de petite et moyenne hydraulique ainsi que le Programme de promotion du partenariat public-privé. Ces initiatives ont favorisé la reconversion des agriculteurs vers des systèmes d'irrigation économes en eau. Grâce à ces efforts considérables, environ 30 % de l'eau utilisée en irrigation ont pu être économisés, soit près de 2 milliards de mètres cubes, l'équivalent de la consommation annuelle en eau potable du pays. Lire aussi : Transition financière : 27,4 MMDH de financements participatifs logés dans l'habitat La question de la durabilité des ressources hydriques demeure centrale pour garantir la souveraineté alimentaire de notre pays. Les besoins annuels en eau sont estimés à environ 16 milliards de mètres cubes, dont près de 85 % sont destinés à l'agriculture. Or, au cours des dernières années, le Maroc n'a reçu qu'environ 5 milliards de mètres cubes d'apports en eau, dont un tiers est réservé à la consommation potable. L'agriculture, pour sa part, puise près de 1 milliard de mètres cubes dans les barrages, tandis que le reste provient essentiellement des nappes phréatiques. Toutefois, la durabilité de ces nappes est sérieusement menacée : l'écart entre leur exploitation et leur régénération ne cesse de se creuser, aggravé par l'absence d'un enneigement significatif qui, autrefois, contribuait à leur recharge naturelle. À long terme, l'avenir de notre agriculture demeure fortement menacé par la raréfaction des ressources hydriques, qui risque de compromettre la durabilité de la production agricole et d'engendrer des retombées négatives sur l'économie nationale. Pour faire face à cette problématique, il est nécessaire de mettre en place des solutions à court, moyen et long terme. Trois pistes prioritaires peuvent être envisagées : 1. Renforcer la formation des agriculteurs sur l'optimisation de l'usage de l'eau. En effet, un décalage persiste entre la disponibilité des technologies d'irrigation et la maîtrise de leur utilisation. Le pilotage de l'irrigation constitue un levier essentiel, permettant un usage rationnel de l'eau susceptible d'économiser plus de 30 % des ressources dédiées à l'irrigation. 2. Développer la réutilisation des eaux usées domestiques et industrielles. Cela consiste à les traiter puis à les réinjecter dans les circuits agricoles et industriels, dans le but de diversifier les sources d'approvisionnement. 3. Poursuivre et intensifier les projets de dessalement de l'eau de mer, à l'image de l'expérience initiée à Agadir, qui a contribué à réduire la surexploitation des eaux souterraines et représente une alternative durable face au déficit hydrique. Le chemin vers une souveraineté hydrique reste long et ardu sachant que nous sommes dans une phase charnière qui nécessite des mesures concrètes et tangibles. (*) Abdelaziz Rhezali, expert agricole