L'Algérie organise cette semaine les 7es Rencontres Afrique-Europe des huissiers de justice, un rendez-vous professionnel réuni sous le haut patronage du président Abdelmadjid Tebboune. Présentée par les autorités comme une « victoire diplomatique » face au Maroc, l'accueil de l'événement illustre surtout la tendance d'Alger à transformer des rencontres techniques en démonstrations politiques. Plus de 180 participants étrangers issus de 33 pays et près de 700 professionnels algériens doivent assister à ces deux jours de débats autour des mutations du métier, de la numérisation des procédures et du rôle accru des huissiers dans la médiation ou la protection des droits. Des personnalités de l'Union internationale des huissiers de justice (UIHJ), de l'Union africaine des huissiers et de la Conférence de La Haye figurent parmi les invités. Pour Alger, l'événement dépasse la simple dimension technique. Les organisateurs n'ont pas hésité à mettre en avant le fait que l'Algérie a « remporté » l'organisation face au Maroc, présenté comme un concurrent direct, illustrant la volonté de transformer une réunion professionnelle en outil de rivalité diplomatique. Une rhétorique qui tranche avec la vocation de coopération internationale de ce type de rencontres. Lire aussi : Algérie : le « credo social » de Tebboune La mise en scène politique s'accompagne d'un discours sur « la reconnaissance internationale » des institutions algériennes, alors que la réalité du système judiciaire national reste critiquée pour son manque d'indépendance et ses restrictions à l'encontre des avocats et défenseurs des droits humains, notamment les emprisonnements de journalistes et opposant au narratif liberticide. Le contraste entre l'image projetée à l'international et la pratique quotidienne de la justice algérienne alimente les doutes sur la portée réelle de cet accueil. En marge des travaux, le gouvernement a également évoqué le processus d'adhésion à la Convention de La Haye de 1961 sur l'apostille, censée faciliter l'usage des documents publics à l'étranger. Si cette avancée technique a été saluée par les partenaires internationaux, elle reste limitée face aux défis structurels de modernisation d'un système juridique algérien encore perçu comme répressif à l'égard des voix discordantes. Au-delà de l'événement, l'exploitation politique de la rencontre met une nouvelle fois en lumière la priorité donnée par Alger à sa rivalité régionale avec Rabat, souvent au détriment d'une coopération constructive. Le choix de transformer un forum professionnel en outil de propagande illustre la difficulté de l'Algérie à se positionner autrement que dans l'opposition frontale à son voisin.