Porté par la volonté d'accélérer son virage numérique et de renforcer sa place dans l'économie mondiale, le Maroc a déployé la stratégie « Maroc Digital 2030 », un programme quadriennal destiné à impulser une transformation digitale d'envergure. Pour soutenir cette ambition, la Banque mondiale s'apprête à accorder un financement de 250 millions de dollars, première tranche d'une enveloppe totale de 750 millions dédiée à cette stratégie. L'appui de la Banque mondiale intervient à un moment charnière pour l'économie marocaine. Bien que le pays affiche des signes de reprise, il demeure confronté à des fragilités structurelles persistantes. Celles-ci incluent des disparités régionales marquées, une difficulté à aligner la formation sur les besoins réels du marché du travail, une faible digitalisation des Très Petites et Moyennes Entreprises (TPME), et une création d'emplois qualifiés jugée trop lente. Actuellement, l'économie digitale marocaine ne représente que 4,5 % du produit intérieur brut (PIB), un niveau qui souligne l'ampleur du potentiel inexploité. De plus, le pays a vu son score dans l'Indice d'e-gouvernement de l'ONU reculer, passant de 0,73 en 2018 à 0,56 en 2024. Ce déclin révèle que les plateformes numériques existantes manquent encore d'intégration et d'efficacité, nécessitant une refonte profonde. La stratégie « Maroc Digital 2030 », pilotée par le ministère de la Transition numérique en coordination avec le ministère de l'Economie et des Finances, a pour ambition de combler ces écarts et de positionner le Maroc comme l'un des hubs numériques les plus dynamiques du continent africain. Les objectifs chiffrés à l'horizon 2030 témoignent de cette volonté de transformation, avec notamment la création de 240 000 emplois directs et une contribution additionnelle de 100 milliards de dirhams au PIB. Le plan s'articule autour de deux priorités fondamentales : la modernisation des services publics en ligne et la dynamisation de l'économie numérique. Lire aussi : Transition numérique: la stratégie « Maroc Digital 2030 », une « véritable feuille de route » Pour atteindre ces objectifs, la stratégie repose sur trois moteurs clés. Le premier est le développement des talents numériques, nécessitant un effort massif pour former 50 000 spécialistes chaque année. Le second moteur réside dans l'essor du cloud et l'expansion des centres de données. Fort de ses douze data centers opérationnels, le Maroc s'appuie sur la stratégie "Maroc Cloud" afin de consolider sa souveraineté numérique. Enfin, le troisième moteur est l'amélioration de la connectivité, un défi majeur compte tenu de la fracture numérique persistante où seulement 4,7 % des foyers ruraux disposent d'un accès fixe, contre 36,7 % en ville. À ces moteurs s'ajoutent deux leviers transversaux : l'Intelligence Artificielle (IA), domaine dans lequel le Maroc, classé 79e mondial en 2024, multiplie les initiatives, et l'usage inclusif du numérique, essentiel pour réduire l'écart entre hommes et femmes, particulièrement dans les régions rurales. L'écosystème des startups, bien que vital avec 470 jeunes pousses ayant levé 177 millions de dollars en 2024, est freiné par des lacunes réglementaires et des procédures de marchés publics peu adaptées au rythme de l'innovation. Un appui décisif de la Banque mondiale Le financement de 250 millions de dollars de la Banque mondiale, dont la validation est attendue début 2026, est structuré autour de deux volets qui répondent directement aux défis identifiés. Le premier volet vise la modernisation de l'e-Gouvernement et des infrastructures. Il se concentre sur la modernisation des services d'e-gouvernement, le renforcement de l'interopérabilité des systèmes, la généralisation de l'approche « Cloud First » et l'extension du haut débit dans les zones mal desservies, afin de corriger le recul observé dans l'indice d'e-gouvernement. Le second volet est le plus stratégique en matière d'intégration économique internationale, car il porte sur la Compétitivité et l'Intégration aux Chaînes de Valeur Mondiales (CVM). L'ambition est d'ancrer durablement le Maroc dans ces chaînes en agissant sur la compétitivité du secteur numérique. Les actions prévues incluent l'intégration accrue de l'Intelligence Artificielle dans les startups, le soutien aux entreprises d'offshoring et aux PME, l'adoption d'outils digitaux avancés et le développement de compétences certifiées et reconnues internationalement. En ciblant l'amélioration des compétences et l'adoption de technologies de pointe, le Maroc cherche à monter en gamme dans les CVM. L'amélioration de la digitalisation des PME et le soutien à l'offshoring sont cruciaux pour que les entreprises marocaines puissent s'intégrer plus efficacement et de manière plus résiliente dans les réseaux de production et de services globaux. L'enjeu n'est pas seulement de participer aux CVM, mais d'y occuper une position à plus forte valeur ajoutée, transformant ainsi le pays de simple maillon à acteur clé de l'innovation numérique régionale.