L'association Bayt al-Hikma organise depuis quelques jours une série de conférences sur la liberté de conscience, cette valeur tant décriée par les islamistes et autres conservateurs, qui la présentent comme une posture occidentale non adaptable à la réalité musulmane. Le cheikh Mohamed Rifki, connu sous le nom d'Abou Hafs, apporte sa contribution pour enrichir le débat, et prend le contrepied des radicaux. En débat avec le militant et intellectuel amazigh Ahmed Aassid, laïc bien connu qui défend invariablement l'importance de la liberté de conscience, Abou Hafs a stupéfait l'assistance en s'interrogeant sur « comment l'islam qui est venu en libérateur des hommes de leurs illusions et superstitions, peut-il contraindre les gens à épouser une religion ou une foi particulière ? ». Lors de cette conférence organisée sous le thème « la liberté de conscience comme concept moderniste et laïc est-elle contraire à la religion ? », Ahmed Aassid avait attaqué d'emblée en remettant en cause l'enseignement de l'éducation islamique dans les cursus scolaires... Le système éducatif national, pour le philosophe, est maladroit. « Il enseigne l'islam jusqu'au baccalauréat, alors qu'il ne l'applique pas dans la réalité. Comment en effet inculquer aux jeunes que les femmes ne sont pas les égales de l'homme alors que dans ce pays, nous avons des femmes intellectuelles et dirigeantes dans bien des secteurs ? La raison est simple et tient dans le fait que les concepteurs des livres scolaires ont le projet d'un Etat religieux ». Réagissant aux propos d'Aassid, Abou Hafs explique que le concept d'apostasie et d'appartenance à l' « armée islamique » n'est plus d'actualité car à l'époque des conquêtes musulmanes, ceux qui refusaient d'intégrer les armées islamiques appartenaient de fait à l'ennemi, et l'apostasie était autant politique que religieuse. Il faut donc revoir le principe d'excommunication à l'aune des conditions actuelles. « C'est donc une hérésie que de contraindre les gens à adopter une religion où il est dit que nulle contrainte n'existe », assène l'ancien condamné pour les attentats de Casablanca en 2003. Il explique en outre l'idée de « jizia », cet impôt imposé aux non-musulmans. Le fait même que cet impôt existait implique que même aux premiers temps de l'islam, il n'était pas obligatoire d'être musulman. Ce débat, organisé par Bayt al-Hikma dans le cadre d'une série dédiée au thème de la liberté de conscience, fait avancer la réflexion sociétale autour du concept qui divise la société et induit des attaques virulentes contre les défenseurs de la liberté de culte. On se souvient qu'en 2011, lorsque cette liberté de conscience avait été envisagée dans la constitution en élaboration, l'ancien président du Mouvement Unicité et Réforme Ahmed Raïssouni avait eu cette envolée « Le commandeur des croyants risque de ne plus avoir de croyants à commander »...