La Semaine Verte était blanche… L'Allemagne est une nation à forte vocation historique agricole, et le Maroc aussi. Cela tombe bien, les deux pays se sont rencontrés à l'occasion de la Semaine verte de Berlin, cette grande foire agricole allemande qui s'est achevée hier dimanche dans une capitale allemande recouverte de son manteau blanc de neige. Le Maroc y était à l'honneur, en grand et en très visible, ayant été le premier partenaire non européen de cette vénérable et nonagénaire foire où les produits du terroir d'Allemagne et d'ailleurs sont exposés. Le Maroc à la Grüne Woche, ou la Semaine Verte, folklore et business Le ministère de l'Agriculture a mis les petits plats dans les grands tagines, et a assuré le déplacement de près d'un millier de personnes à Berlin. 57 groupements d'intérêt économique étaient là, représentant 9.500 producteurs qui ont fait le déplacement durant ces douze jours qu'a duré la Grüne Woche. Dès l'entrée de la foire, le ton est donné. Marrokos est placardé en grand, en immense, sur le grand mur principal des bâtiments accueillant l'Expo, et l'espace marocain est un passage incontournable pour aller vers les autres zones des autres pays. Petit supplément, bien teuton : les Allemands, c'est bien connu, sont très attachés à leur espace et voisinage, et le Maroc est collé aux Pays-Bas qui, traditionnellement, attirent prioritairement les visiteurs d'Allemagne. Alors, pour le folklore, le Maroc était là, avec ses caftans, son thé servi aux visiteurs en grandes tenues traditionnelles, ses gnawis enflammant l'espace sonore, les effluves de ses épices piquant et picotant des narines teutonnes ravies, ses petits gâteaux accompagnant les grands tagines. Le folklore est très important pour les Allemands car le nom « Semaine Verte » n'a rien à voir avec l'écologie ou l'environnement mais trouve son origine dans le folklore allemand. Cette Semaine, à sa création dans les années 1920, était une sorte de souk local, où les agriculteurs allemands revêtaient leurs plus beaux vêtements pour venir à la ville vendre veaux, vaches, couvées… et ils étaient habillés en vert. Mais il n'y avait pas que cela. Le Plan Maroc Vert a été présenté à des Allemands toujours aussi sérieux et toujours aussi intéressés par les innovations, auxquelles ils apportent leurs (re)touches technologiques. Dans un pays aussi organisé que l'Allemagne, il a donc fallu se montrer… organisé. Les Marocains ont donc articulé leur espace autour de 4 grandes zones, le littoral et ses produits, le désert et ses productions, la montagne et ses apports, les plaines et tout ce qui en sort. Ttut ceci était destiné à deux grandes catégories de visiteurs, le consommateur normal qui est venu visiter, apprendre, goûter et acheter, et les opérateurs. Ces derniers se divisent en deux catégories, explique le secrétaire général du ministère Mohammed Sadiki : il y a ceux qui cherchent des contacts directs pour des affaires directes, qui ont été conclues ou du moins entamées, et il y avait les autres, les gros, les investisseurs ou industriels ou les deux, qui cherchent plus d'informations sur les particularités du pays, sur les opportunités qu'il offre, sur les conditions phytosanitaires (on connaît les Allemands et le sanitaire, phyto ou non). De grandes perspectives d'investissements germaniques sont donc à prévoir si tout cela bénéficie d'un suivi des autorités publiques marocaines. Pourquoi le Maroc ? Les Allemands, c'est bien connu, sont des gens méticuleux, organisés, méthodiques… et très, très précis. Aussi, que le Maroc ait été choisi et retenu comme premier partenaire, hors UE en plus, est déjà un exploit. Il faut reconnaitre cela à Aziz Akhannouch et à ses équipes qui ont signé la convention en 2015. Les organisateurs ont établi un cahier des charges pour l'obtention du statut de partenaire. Le Maroc y a répondu, et a été choisi, ayant réussi à s'imposer et à passer devant plusieurs autres pays qui avaient souhaité recevoir le prestigieux statut de partenaire. Que fallait-il faire pour cela ? D'abord le demander… Mais ça, ce n'était pas compliqué. Ce qui l'était, en revanche, était de convaincre les Allemands de la capacité à mettre sur pied et assurer le bon fonctionnement d'un espace digne de leur (historique) Semaine (depuis 1926), à assurer le spectacle, un bon et grand spectacle, pour la soirée d'ouverture ( la princesse Lalla Meriem était là, en grande tenue), et aussi à être plus convaincant que les autres pays, et il y en avait… sauf que les organisateurs –toujours aussi discrets comme seuls les Allemands peuvent l'être – ont refusé d'en donner le nombre et les noms. Ce qu'on retiendra est que le royaume a été le premier pays non européen à bénéficier du statut de partenaire, qui n'existe que depuis 2005… On mesure mieux l'ampleur de l'événement sur la réputation du Maroc quand on sait que 15.000 articles ont été consacrés à cette foire, 400 émissions télés et 1.500 émissions radio, toujours avec le nom du Maroc qui revient… Et maintenant ?... Et bien maintenant, il appartient au ministère de poursuivre sur sa foulée, en maintenant le contact avec les opérateurs désireux d'investir sur nos terres, en les invitant à venir sur place, en leur fournissant l'assistance et les partenariats nécessaires, en plus des garanties qu'ils pourront demander. Mais il appartient aussi au ministère du Tourisme du (souriant) Lahcen Haddad d'enfoncer le clou et de transformer cet avantage, lui qui dit urbi et orbi qu'il vise spécialement le marché allemand pour compenser la lente et sure érosion du marché français. Sur les 400.000 visiteurs du Salon et les dizaines de milliers de personnes qui ont visité l'espace dédié au Maroc, ce sont autant de touristes potentiels à séduire. Et ce n'est pas rien.