Lahcen Saâdi: «Ce qui est essentiel pour nous, c'est d'investir dans l'humain»    RAM inaugure sa nouvelle ligne directe Casablanca-N'Djamena    Assurance : Lancement d'EDUCAPS, une plateforme numérique dédiée à l'éducation financière    Hydrogène vert : Le Maroc s'impose comme un pôle attractif pour les investissements étrangers    Classement FIFA: Le Maroc gagne une place et accède au 11è rang mondial    Santé: Des lots du médicament LECTIL retirés du marché pour non-conformité    Alerte météo: Averses orageuses localement fortes avec rafales de vent ce jeudi    Hôpitaux publics : Tahraoui lance des commissions de terrain    Meydene dévoile une programmation exceptionnelle pour septembre 2025    UNITAS 2025: le Maroc participe au plus grand exercice naval aux USA    OpenAI renforce la protection des mineurs sur ChatGPT en demandant une pièce d'identité    À Genève, la société civile internationale met en avant le modèle marocain de développement durable    Le temps qu'il fera ce jeudi 18 septembre 2025    Real Madrid : Trent Alexander-Arnold blessé et absent plusieurs semaines    Israël : La tentation spartiate de Netanyahou    Gaza: plus de 100 Palestiniens tués depuis l'aube dans des attaques de l'armée israélienne    UE : Bruxelles propose des sanctions contre des ministres israéliens    Lancement effectif du partenariat FIT destiné à remodeler les règles du commerce mondial, le Maroc parmi les pays fondateurs    Le gouvernement attaché à la mise en œuvre optimale du chantier de généralisation de la protection sociale    La marocanité du Sahara débattue au Parlement portugais    Mondiaux de Tokyo / 1500 m : Isaac Nader, le neveu de l'ancien attaquant du Wydad Hassan Nader, en or « portugais » !    Botola D1 : Le 1er Clasico 25-26 s'achève sur un nul    ONCF : les trottinettes bannies des trains Al Boraq et Al Atlas    Visite de Nasser Bourita en Chine : le pari du Maroc sur un partenariat stratégique élargi    Global Innovation Index : Le Maroc consolide sa position de leader régional    Rétro-Verso : Toulal ou le conte de deux citadelles    Bulletin d'alerte : Averses orageuses localement fortes avec rafales de vent ce mercredi    Maroc-Rwanda: signature d'un mémorandum d'entente pour renforcer la coopération en matière de gestion des établissements pénitentiaires    De Mistura à Alger : messages au régime algérien pour se préparer au choc    Des responsables du KFCRIS reçoivent à Riyad Abdelhaq Azouzi, président de l'Alliance des civilisations des Nations unies à l'Université euro-méditerranéenne de Fès    Sommet arabo-islamique : Démonstration de force ou de faiblesse contre le bellicisme décomplexé d'Israël ?    Europe : Benfica ouvre la porte à un retour de José Mourinho    Nouvelle Dacia Spring arrive au Maroc : Encore plus séduisante, toujours aussi électrisante    Nasser Bourita en visite officielle à Pékin du 19 au 20 septembre pour des entretiens de haut niveau avec les responsables chinois    Réforme des retraites : vers un système équitable et durable    Logistique dans la grande distribution au Maroc: l'analyse de Salaheddine Ait Ouakrim    Été 2025, le plus chaud jamais enregistré en Espagne    LdC : PSG vs Atalanta, Bayern vs Chelsea ... Voici le programme de ce mercredi    Zagora : Un enfant de 3 ans transféré d'urgence par avion médicalisé vers Rabat    Le temps qu'il fera ce mercredi 17 septembre 2025    Edito. Dans notre ADN…    Sofiane Boufal de nouveau freiné par un pépin physique    Bibliothèque nationale du Royaume: Les travaux de rénovation confiés à Bora Construction    Le Prix Antiquity 2025 revient à la découverte de la première société néolithique au Maroc    Jazz à Rabat : un nouveau souffle pour un festival emblématique    Histoire : D'Al-Andalus à l'Andalousie, une évolution documentée jusqu'au XIXe siècle    Fouad Laroui : Tbourida, ailes et liens brisés    Edito. Préserver l'authenticité, mais encore    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Histoire : Pendant des siècles, la Méditerranée était unifiée par une langue véhiculaire
Publié dans Yabiladi le 06 - 01 - 2021

Du XIe au XIXe siècles, le Sabir a été parlé à travers le pourtour méditerranéen, permettant aux peuples de communiquer et de se faire comprendre sans nécessairement maîtriser une langue aux règles structurées. A l'image de la diversité de la Méditerranée, on y trouve des influences de l'arabe, de l'amazigh, de l'espagnol, du français, de l'italien, du turc ou encore du latin.
Durant le Moyen-Age et jusqu'au XIXe siècle, le Sabir a constitué cette langue véhiculaire hybride et simplifiée, commune à l'ensemble du pourtour méditerranéen et enrichie de l'arabe, du turc, de l'italien, de l'espagnol, du portugais, du français ou même du latin, du sarde, du maltais, du catalan et de l'amazigh. Grâce à la liberté qu'elle laisse pour employer des mots de diverses origines linguistiques, elle a particulièrement servi à l'interaction entre commerçants et marins des deux rives.
Au cours de missions ou de négociations, le Sabir a en effet facilité l'échange entre les acteurs économiques de l'époque, même lorsque ces derniers n'ont pas maîtrisé la langue structurée de leurs partenaires. Croisement entre les différentes langues véhiculées dans les pays de la région, il a été parlé aussi entre les prisonniers de guerre, dans les bagnes, entre esclaves de différentes origines ou entre les populations déplacées pour mieux se faire comprendre, avant de maîtriser une langue tenue par des règles et définie par un vocabulaire qui lui est propre.
Une langue qui s'adapte à l'environnement linguistique local
Plusieurs manières de s'exprimer en Sabir ont existé, selon les zones géographiques qui ont défini les variantes de son parler, en fonction des interactions linguistiques locales. A l'époque d'Al Andalus, le Sabir a été influencé par l'arabe, le catalan et quelques termes amazighs. Plus à l'est de la Méditerranée, il a été marqué par une prédominance de l'italien, notamment en Tunisie et en Libye. En Algérie, l'espagnol y a prédominé et au Maroc, il a été influencé par l'espagnol et le portugais à la fois.
Remontant aux origines du Sabir, dit aussi «lingua franca», un article du chercheur en histoire de l'art Gianluca Pipitò a suggéré que la première phrase de cette langue serait «née d'une série de contacts entre les peuples européens et arabes au Moyen-Age, provoqués par la présence de commerçants, de marins, de pirates, de forteresses européennes au Maghreb et de groupes d'Européens qui se sont installés dans ces territoires, et qui ont amené avec eux des langues romanes (italien et espagnol en particulier)».
Histoire : La Sicile, terre d'influence arabo-normande
Auteur de «La lingua franca barbaresca» (Editions Roma : Il calamo, 2004), Guido Cifoletti indique pour sa part que le Sabir a été particulièrement utilisé en Méditerranée pendant l'âge d'or de l'empire Ottoman (1299–1922), jusqu'à la conquête de l'Algérie par la France en 1830. «Au Moyen-Age, le terme franc est une désignation dont l'origine remonte à l'empire carolingien, mais qui va désigner les croisés (comme en témoigne l'expression royaume franc de Jérusalem), qui utilisaient plusieurs langues romanes», explique de son côté Philippe Cibois, professeur émérite de sociologie de l'Université de Versailles.
Le chercheur indique aussi qu'au XVIe siècle, ce terme a défini «une situation linguistique nouvelle», où l'italien a gagné en popularité en devenant «une langue d'échange et de prestige». «Un pidgin à base d'italien a pu être pratiqué pour des fins commerciales sur le pourtour de l'ensemble de la Méditerranée», souligne-t-il. Cette variante a été utilisée «d'une manière stable» pendant près de trois siècles, en particulier dans ce qui a constitué à travers les récits historiques «les Etats barbaresques» correspondant «aux régences d'Alger, Tunis et Tripoli».
Représentation d'une carte de la Méditerranée médiévale / DR.
C'est ce que développe l'historien de l'art Gianluca Pipitò, pour expliquer les influences majeures qui ont le plus marqué le Sabir. La forte composante espagnole, retracée au tournant des XVIe et XVIIe siècles, s'explique selon lui par la chute de Grenade, à la fin de la Reconquista (722–1492). A ce moment-là, d'innombrables familles morisques ont été expulsées en dehors des territoires andalous. En s'installant dans le Maghreb, particulièrement au Maroc et dans l'ouest algérien, elles ont enrichi le vocabulaire du Sabir par l'espagnol qu'elles maîtrisaient à la perfection.
Comment les sources médiévales arabes ont permis d'écrire l'histoire d'Al Andalus
Une langue pour assurer les échanges commerciaux et culturels
Gianluca Pipitò rappelle également «la conquête espagnole d'Oran en 1509 et d'autres villes de la côte algérienne», ou encore la présence d'intérêts économiques et politiques ibériques à Tunis comme à Alger, qui «ont certainement favorisé la diffusion de ce nouveau type de communication».
Il aura fallu moins d'un siècle pour que le Sabir devienne alors la troisième langue la plus parlée à Alger, après le turc et le maure, selon des écrits de l'abbé bénédictin, savant et historien espagnol Diego de Haedo, datés de 1621 et recueillis dans le temps par l'archevêque de Palerme, en Sicile.
En français, le Sabir est aussi appelé «le petit mauresque». On le retrouve d'ailleurs dans des œuvres majeures du théâtre de cette même époque, comme «Le bourgeois gentilhomme», pièce de référence de Molière sortie en 1672. Philippe Cibois situe un extrait en «lingua franca» qui se trouve dans ce texte dramaturgique, pour lequel «Molière a été aidé par le chevalier d'Arvieux, qui avait été consul de France à Alger». Ce passage se trouve à la scène 5 de l'acte 4, au niveau des répliques du mufti, qui dégagent par ailleurs cette forte influence de l'espagnol et de l'italien dans le Sabir.
A travers les siècles, le Sabir aura évolué au gré des besoins édictés par l'évolution politique, économique et commerciale de la Méditerranée, ainsi que des interactions entre ses acteurs majeurs, dans le monde diplomatique, culturel et militaire. La région était le centre de gravité d'échanges en tout genre, connue en effet pour sa diversité culturelle et religieuse. Issues de réalités et d'origines hétéroclite, ses populations devaient continuer à communiquer avec toutes ces différences.
Débutées à la fin du XIXe siècle en Afrique du Nord, les colonisations européennes vont cependant marquer le déclin du rôle fonctionnel du Sabir. Ce dernier laisse place d'une part aux dialectes locaux et à la langue arabe et d'autre part aux langues utilisées par les forces impérialistes. Avec la chute de l'Empire ottoman en 1922, le début du XXe siècle sonnera la fin de l'usage de «la lingua franca».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.