Parti très jeune rejoindre sa famille aux Pays-Bas, Abdelkader Benali a réussi à se faire un nom parmi les grands nouvellistes néerlandais. Portrait d'un romancier d'origine marocaine qui a su trouver un équilibre dans son pays d'accueil grâce aux livres. À son arrivée aux Pays-Bas, il n'était qu'un enfant de quatre ans, «prêt à apprendre et à s'adapter». Abdelkader Benali a en effet quitté le Maroc aux côtés de sa mère pour rejoindre son père ayant immigré en Europe à la fin des années 1960. Sa famille s'est alors installée à Rotterdam, une ville où il apprendra le néerlandais, se fera des amis et découvrira son amour pour les livres et la lecture. En quittant le Maroc, Abdelkader entame un «voyage d'apprentissage» dans son deuxième pays, les Pays-Bas. «Quand tu as quatre ans, tu es prêt à conquérir le monde, à apprendre, à t'engager et à découvrir. C'était un sentiment total de découverte», confie-t-il à Yabiladi. Et ce n'était que le début pour ce natif de Beni Chiker qui réussit à trouver un équilibre entre l'école, les rues de Rotterdam et sa maison, où tout lui rappelait le Maroc et lui paraissait traditionnel. «Je suis allé dans une école néerlandaise. J'avais des amis néerlandais et j'étais ouvert (…) mais la vie à la maison était différente du monde extérieur, car nous avions des liens étroits avec le Maroc et la famille», se rappelle-t-il. Quand la lecture et l'écriture deviennent un remède En effet, en grandissant, Abdelkader Benali passe tous les étés dans le petit village de ses parents, près de Melilla. Les étés chauds du Maroc, sa famille et surtout sa grand-mère qui était «une excellente conteuse», façonnent sa personnalité et ses aspirations. Après chaque été, Abdelkader rentrait à Rotterdam avec le sentiment que «toute sa vie de famille dans son village s'arrêterait». «Il y avait ce sentiment que la vie sociale aux Pays-Bas était très pauvre», raconte-t-il. Et la seule chose qui l'aidait à surmonter ces sentiments était «les livres, la littérature et la lecture». Après le lycée, Abdelkader opte pour des cours d'Histoire qu'il abandonne assez rapidement après s'être vu offrir une opportunité de changer sa vie. «Quand j'étais à l'université, je publiais déjà des articles et des récits. Une maison d'édition d'Amsterdam m'avais alors proposé de publier un roman car ils aimaient mes écrits.» Abdelkader Benali Une opportunité qu'il saisit, bien qu'il trouve des difficultés au début à convaincre ses parents de sa décision. Il quitte donc l'école pour commencer une carrière d'écrivain après la publication de son premier roman «Wedding by the Sea». «Le roman parle du voyage pour le Maroc pour assister à ce mariage au bord de la mer. Le livre a été publié en 1996 et fut un succès», se remémore le romancier. Son livre sera même nominé pour un prix littéraire puis traduit dans de nombreuses langues, marquant le début de son long voyage. Raconter les histoires de sa propre Schéhérazade Le Néerlando-marocain devient un écrivain atypique aux Pays-Bas, traduisant ce que les immigrés de la deuxième génération ressentaient à propos de la patrie de leurs parents et de leur pays d'accueil. «Tous mes autres livres traitent d'identité, de multiculturalisme et de diversité», ajoute l'écricain. Mais le long voyage de découverte d'Abdelkader Benali ne se limitera pas aux vingt romans qu'il a écrits au cours des 23 dernières années. Il y a quelques années déjà, le romancier s'est rendu compte qu'il pouvait ajouter «l'interprétation» à ses nombreuses compétences. Après avoir écrit un livre de recettes avec son épouse et animé une émission télévisée sur la cuisine marocaine, Abdelkader Benali est passé au théâtre. «Il y a deux ans, j'ai écrit une pièce de théâtre pour une actrice et elle m'a demandé de faire une tournée avec elle. Je me suis découvert un talent caché et les gens ont aimé la façon avec laquelle j'interprète», déclare-t-il non sans une pointe de fierté. Abdelkader Benali effectue actuellement une tournée aux Pays-Bas avec son propre projet : une pièce de théâtre qu'il a écrite et un monologue dans lequel il joue. «Il s'agit de ma grand-mère, ma Schehérazade», explique-t-il. Dans son monologue, l'écrivain converti en acteur raconte les histoires de Schéhérazade. Des histoires qu'il a vécues et expérimentées dans la vie réelle, afin d'honorer les talents de narration de sa grand-mère qui ont eu un impact énorme sur sa vie. «Ma grand-mère m'a appris que les mots peuvent aussi signifier le pouvoir», déclare-t-il. Et bien qu'il soit actuellement en tournée jusqu'à décembre avec sa pièce, il ne compte pas s'arrêter d'écrire. Il devrait publier un nouveau roman prochainement.