La médecine est une profession humanitaire qui a pour objet la prévention des maladies et leur traitement. On a pour habitude de dire de cette profession qu'elle est un noble art. C'est non seulement un noble art, mais aussi et surtout, une vocation car celui qui se consacre à la médecine, le fait pour se consacrer au bien être physique et psychique de celles et ceux qui sont diminués par la maladie. Des malades qui sont de plus en plus exigeants, des patients qui veulent tout savoir de leur maladie et auxquels le médecin doit donner des informations tout au long de leur prise en charge. Est-ce toujours le cas ? Au Maroc, aucune indication claire et précise sur le devoir des médecins à l'information n'a été mentionnée au code de déontologie médical. L'article 24 dudit code rappelle cette obligation seulement comme condition à la continuité du soin lorsque le médecin décide de se dégager de sa mission. Contrairement au code déontologique français qui affirme clairement que : «tout médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et approprié à son état, les investigations et les soins qu' il lui propose». (Article 35) Le droit à l'information Le droit pour tous à la santé est reconnu dans notre constitution (art 31), ce droit ne se limite pas seulement à l'accès aux soins, aux médicaments ou aux structures sanitaires. Ce droit englobe aussi l'accès aux informations. Le droit à l'information fait partie intégrante de la défense des droits des patients, au même titre que le respect de la dignité de la personne malade, de la promotion de la place des usagers au sens large qui sont des valeurs fondamentales de notre système de santé qui connaît à l'heure actuelle une nouvelle dynamique insufflée par le nouveau ministre de la santé qui entend démocratiser les soins, rendre aux structures de santé la place qui doit être la leur, donner confiance aux citoyens, rapprocher les usagers des établissements sanitaires, créer des relations privilégiées entre malades et médecins. Dans ce contexte, il ne faut pas sous estimer la place et le rôle que peut jouer le malade, c'est un acteur principal dans ce rapprochement, il ne faut donc pas commettre l'erreur de l'ignorer, car il peut éprouver un sentiment d'isolement et d'incompréhension du fait de sa maladie, ce qui se traduira par une attitude négative et une sorte de rejet à tout rapprochement avec les professionnels de santé, d'où l'intérêt de s'ouvrir sur l'autre, de l'écouter, de l'accompagner, en un mot de d'informer. Le patient a besoin de comprendre, de savoir et de s'exprimer sur les soins qu'il reçoit, son souci de confidentialité sur ses affections sont des sentiments que les professionnels de santé, quelle que soit leur qualité, ne doivent jamais perdre de vue. Tout autant que la qualité des soins, la qualité des relations qui s'instaure entre le patient et ceux qui le soigne est primordiale. Des uns et des autres Tous les patients ont le droit d'être informés. C'est un élément important dans le déroulement de leur maladie. Tous les médecins, du secteur public et du secteur privé ont le devoir et l'obligation d'informer leurs patients, chacun dans les limites de son domaine de compétence et dans le respect des règles déontologiques qui lui sont applicables. Cependant, on oublie dans la plupart des cas que l'obligation d'information ne pèse pas seulement sur le médecin. Il s'agit, en effet d'une obligation conjointe où même le patient est tenu de respecter. Dans le cadre du contrat particulier de soins, le patient doit donner au médecin tous les renseignements relatifs à son état de santé, à ses conditions de vie, à ses antécédents médicaux...etc., pour lui permettre de décider du traitement administré et d'évaluer les contre-indications éventuelles. Adapter son langage en conséquence Le fondement de cette obligation d'informer le patient réside d' une part dans la nécessité de mettre ce dernier en situation d'exercer de façon raisonnée son droit à disposer de lui-même et d'autre part, d'équilibrer une relation médecin-patient par nature inégalitaire. Cette information a sa source dans un déséquilibre des connaissances entre contractants. Elle suppose du côté du médecin débiteur la connaissance d'une information décisive, opposée à l'ignorance corrélative et légitime du malade. C' est pourquoi, le droit du patient à une information, précise et claire, quant à son état de santé est érigé en obligation pour le médecin. Une dimension autre que médicale entre en jeu. Elle est humaine. Le professionnel de santé est également tenu de prendre en considération le niveau socio-économique du patient et d'adapter son langage en conséquence. Le droit de savoir Face à la maladie, on éprouve tous le même sentiment, on a les mêmes réactions à savoir la crainte, la peur et un sentiment d'impuissance surtout quand il s'agit d'un bébé, d'un jeune enfant ou d'une personne âgée. Il est tout à fait normal en tant que parents de chercher à être rassurés. Les malades eux éprouvent non seulement le besoin de savoir, d'être pris en considération et aidés en tant qu'individus, avec leurs faiblesses, leur maladie, mais ils veulent aussi être écoutés, ils attendent du médecin des informations, des explications sur ce qu'ils ont et sur la marche à suivre. Ils ne souhaitent pas uniquement un traitement c'est-à-dire des injections à faire à telle ou telle heure, des comprimés à avaler ou des investigations comme une fibroscopie, un scanner, un bilan. Non, les malades désirent connaître tout de leur maladie, ils veulent être associés, ils demandent à savoir, à comprendre et bien entendu être rassurés. Dans certaines situations auxquelles j'ai été personnellement témoin de part les responsabilités qui étaient les miennes et ma longue expérience en milieu hospitalier, certains médecins qui avaient en charge des malades lourds s'interrogeaient beaucoup sur le contenu de l'information à donner à ces mêmes patients. Un véritable dilemme que ces femmes et ces hommes en blouses blanches vivent souvent dans une solitude étouffante et écrasante car le médecin mesure à sa juste valeur la confiance qui est placée en lui par le malade. C'est cette relation privilégiée entre le médecin et son patient qui représente l'un des contrats les plus extraordinaires par lequel deux personnes jusque-là étrangères se retrouvent dans un cadre confidentiel et privé, un cadre au cours duquel la science rencontre la confiance, c'est ce qui cimente la relation entre le médecin et son patient. La base de toute confiance la relation de confiance qui doit exister entre un malade et un médecin, c'est un élément essentiel, primordial car sans confiance, il n'y a pas de relation d'aide. Or confiance vient du mot foi, «fides»; bien sûr, consulter un médecin, demander une aide est un acte de foi. De même, il est prouvé que la confiance est essentielle dans la relation entre le patient et les professionnels de santé (médecins-infirmières…) et peut avoir un impact sur le bien-être général du malade, la confiance qu'un patient accorde à son médecin a un effet sur sa capacité à aller mieux, indépendamment de son traitement, c'est quelque chose qui est couramment enregistrée, c'est pourquoi si vous avez un bon médecin avec lequel vous vous entendez bien, déjà vous allez mieux . Il est donc conseillé de sauvegarder cette relation grâce à une prise en charge efficace et efficiente de chaque malade. La prise en charge doit être globale, centrée sur la personne et non pas sur la pathologie, il est toujours utile de rappeler qu'un malade n'est pas un cas, un numéro d'entrée ou un numéro de lit, c'est un être humain comme vous et moi qui est diminué physiquement, qui a besoin d'aide, de soutien, de compassion et d'un peu de chaleur humaine. Le malade a besoin d'être considéré, d'être écouté, il a besoin de savoir, il veut être informé, c'est son droit le plus absolu, il doit être consentant si on veut lui faire telle ou telle intervention chirurgicale, tel ou tel examen biologique ou radiologique. C'est au médecin et à lui seul qu'il appartient de dire ou ne pas dire telle ou telle information concernant son patient et de prendre avec son malade la décision la mieux adaptée, c'est une responsabilité qui incombe au médecin, mais dans certains cas le médecin peut se passer du consentement du patient. Repères déontologiques sur l'information Il peut arriver que le médecin soit obligé de décider immédiatement pour intervenir sans attendre le consentement du malade ou de sa famille surtout quand le pronostic vital du malade est en jeu , une question de vie ou de mort . Ici l'obligation d'informer ne se pose pas. C'est le cas où l'état du patient rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas en mesure de consentir. Cette situation se rencontre lorsqu'un patient perd connaissance à la suite d'un accident de la circulation et se trouve en état comateux, souffre d'un traumatisme crânien ou d'une sénilité profonde ou encore lorsqu'une intervention médicale d'urgence est souhaitée, là le médecin peut agir évidemment sans le consentement du patient. Son action est justifiée par l'état de nécessité. L'article 25 du code de déontologie marocain dispose à cet égard : «Appelé d'urgence auprès d'un mineur ou autre incapable et lorsqu'il est impossible de recueillir en temps utile le consentement de son représentant légal, le médecin doit user immédiatement de toutes ses connaissances et de tous les moyens dont il dispose pour parer au danger menaçant : il ne peut cesser ses soins qu'après que tout danger est écarté ou tout secours inutile ou après avoir confié le malade aux soins d'un confrère». En outre, l'article 30 du code de déontologie médicale marocain affirme que le médecin, après avoir établi un diagnostic ferme comportant une décision sérieuse et surtout si la vie du malade est en danger, un médecin doit s'efforcer d'imposer l'exécution de sa décision. Dilemme moral : doit-on toujours dire la vérité ? La deuxième situation qui se pose au médecin est lourde, elle impose à celui-ci un véritable dilemme : dire ou ne pas dire ? Révéler ou ne pas révéler surtout quand il s'agit du diagnostic d'une maladie grave, d'une aggravation de l'état, d'une rechute, d'une mort prochaine …. Le médecin a le devoir de dire la vérité mais il peut ne pas tout dire si on ne lui demande pas. Il ne s'agit pas de se dérober mais de respecter au mieux le rythme et le désir de savoir de la personne. Les envies de savoir et de ne pas savoir sont intimement liées, il faut les reconnaître l'une et l'autre. On peut répondre loyalement aux questions sans aller au-devant, pour éviter des réponses que le malade ne voudrait pas entendre à tel ou tel moment. L'idée qu'il est moralement juste de ne pas mentir est admise. Seulement quand la vérité semble insupportable à entendre, on peut se demander si cet interdit doit toujours être respecté à la lettre. Quand le diagnostic de la maladie est très grave, voire fatal, quand il réduit l'espérance de vie à quelques années ou quelques mois, que doit-on faire ? Ne serait-il pas plus humain de ne pas en informer précisément le patient, pour préserver en lui espoirs et désirs sans lesquels la vie qui reste semble n'être que souffrance ? En quoi l'annonce de la vérité dans toute sa violence pourrait-être bénéfique au malade ? Dans cette situation, le médecin peut se référer au code de déontologie surtout l'article 31 qui dispose : «Un pronostic grave peut légitimement être dissimulé au malade. Un pronostic fatal ne doit lui être révélé qu'avec la plus grande circonspection. Mais il doit l'être généralement à la famille. Le malade peut interdire cette révélation ou désigner les tiers auxquels elle doit être faite». En conclusion, il est clair que tous les malades ont le droit de savoir, d'être correctement informés, c'est une démarche indispensable pour le patient. L'information quand elle est véhiculée par le médecin permet au patient de poser des choix de manière éclairée pour sa propre santé. Pour qu'une information soit utile, il faut que le malade puisse se l'approprier. Pour cela, il faut que le langage médical soit à la portée des patients, ce qui malheureusement n'est pas toujours le cas. L'information adéquate du patient, dans des termes qu'il pourra comprendre et à un moment où il peut être réceptif, où il n'est pas sous le choc de l'annonce d'une maladie par exemple, est donc très importante et c'est là où un grand effort doit être réalisé.