Le débat autour de la politique de la ville va bon train, aussi bien en plénière à l'hémicycle qu'au sein de la commission de l'intérieur. Le ministre de tutelle, Mohamed Nabil Benabdallah est en train de sillonner le territoire national pour se concerter avec toutes les parties concernées par ce nouveau chantier d'envergure. A travers les régions du royaume, ces ateliers d'échanges sont menés pleinement dans l'espoir d'asseoir de concert, de nouveaux fondements de cadres de vie citadins, décents et agréables. En fait, la ruralisation des villes devient de plus en plus fréquente, quoique l'urbanisation des espaces avance à grands pas. Dans ce sens, en dépit des efforts consenti, on déplorera que dans, une métropole comme Casablanca, on ait tendance à maintenir des modes d'archaïsme rural. Outre les pénuries d'infrastructures de base en termes de dotation en eau potable, d'électricité, d'assainissement, mais également d'établissements hospitaliers et scolaires, «les villes» ont évolué d'une manière rapide et mitigée, à l'image des villages déstructurés, dans la région Souss Massa Drâa. En effet, dans une zone agricole par excellence, à Chtouka Ait Baha, l'essor agricole de l'export en particulier, a foncièrement concentré une forte population, avec une urbanisation hybride, au point de transformer, en quelques années, des agglomérations villageoises de 2000 habitants en véritables cités de 250 000, entassés dans des masures. Le même constat s'applique pareillement aux destinations banlieusardes de haute attraction tel Agadir dont les opportunités de travail aux activités portuaires et hôtelières, font ériger des quartiers périurbains surpeuplés, ou encore Inezgane et Ait Melloul, avec une démographie la plus dense du pays dans une superficie hyper étriquée. La pression fulgurante des populations à proximité des sources de revenus fait proliférer des entités «urbaines» incohérentes et complique davantage la mise en place des plans directeurs dans ces centres ruraux, malgré la réalisation des études relatives aux schémas directeurs. Les populations en quête constamment de travail s'installent avec leurs familles, au fur et à mesure, dans des «dortoirs» proches des bassins d'emploi, sans aucune plate-forme foncière appropriée, ni structures d'accueil préalables, ni cohésion spatiale équilibrée. Des secteurs économiques en pleine floraison dans la capitale du Souss, à titre d'exemple, ont, certes, atténué le désœuvrement d'ici et d'ailleurs, mais accéléré la profusion des banlieues à problèmes, en matière de constructions anarchiques, de pratiques délinquantes, de soucis sécuritaires…Ces effets pervers influent nocivement sur la jeunesse en proie des dysfonctionnements d'un urbanisme fantoche. Jusqu'ici, on s'était plutôt préoccupé d'une politique de recasement expéditif et non pas d'une stratégie d'aménagement urbain, axée sur la mise à niveau et la valorisation des périphéries poussant comme des champignons et prises d'assaut par des laissés pour compte. Les spécificités régionales, en conformité avec des liens historiques et culturels sont à même de servir à repenser des solutions intrinsèques, dans le cadre d'une vision globale de la redynamisation de la ville, par le biais des experts marocains avérés. Dans ce sillage, il convient aussi de rectifier pour de bon les déraillements déconcertants des promoteurs immobiliers qui empiètent dangereusement sur l'espace public. Dans la plupart de nos villes et en particulier les quatorze grandes métropoles, le foncier communal ou de l'Etat a été confié démesurément, à des prix symboliques, à de grandes opérations immobilières au détriment du cadre de vie, doté de toutes les exigences quotidiennes, en termes d'équipements publics, d'aires de loisirs et de repos, de lieux de culture et de sport, d'espace de nature, de pôle de savoir et de connaissance et de ressourcement, d'endroits de locomotion piétonne et cyclable… Toute cette ébauche a été hypothéquée et compromises par les politiques d'antan. C'est aujourd'hui le grand défi que relève le département de tutelle, en pleine implication de toutes les politiques sectorielles, car la politique de la ville est impérativement tributaire de l'adjonction de tous les services ayant une incidence directe sur les citoyens. L'exemple de la ville nouvelle d'Agadir est à prendre en compte parce que tous les pouvoirs avaient été confiés au moment de la refondation, après le séisme de 1960, à un organisme étatique baptisé «le haut commissariat à la reconstruction d'Agadir». On appréciera cette belle esquisse qui n'a pas été, malheureusement, optimisée par la suite. La restructuration des communes existantes, avant de se lancer dans cette politique de villes nouvelles, s'avère donc une nécessité. Le cas de la commune rurale de Drarga, dans la préfecture d'Agadir Ida Outanane, en est une illustration, avec la ville de Tagadirt pour ne pas sombrer dans les déconvenues de Tamansourt, Sala Al Jadida et bien d'autres. Enfin, le long périple de Benabdallah ne fait que commencer, pourvu qu'il se dote de tous les pouvoirs et les moyens de retracer une vraie politique de la ville dont dépendent les croissances escomptées.