Tanger et le court-métrage Dans l'histoire du cinéma, on se souviendra toujours des premiers films des auteurs de la nouvelle vague française. Ils étaient presque tous des court-métrages. Plusieurs persistent encore à se faire rappeler à notre souvenir. Par exemple quand on aime plonger dans l'univers vierge des idées d'un cinéma qui a influencé tout le cinéma du monde, par le piédestal qu'il a érigé au film comme œuvre de création à part entière et au cinéaste comme auteur à l'égal de l'écrivain ou même à l'égal du philosophe. Il suffit de bien prendre le plaisir de re-visionner «La boulangère de Monceau» d'Eric Rohmer avec son air de document nostalgique, son récit à la première personne ponctué de rencontres dans les rues de Paris doté d'une aura de bonheur palpable dans les airs, de phrases monologuées triées dans le répertoire littéraire et livresque. Un court qui se voit à l'égal du texte écrit créatif. Depuis, c'est tout le court-métrage qui s'en est imprégné, devenant adulte et œuvre artistique dignement respectée. On ne le considère plus comme stade, passage, étape, une sorte de petite école de cinéma défectueusement entachée des débuts. Non, un creuset pour se forger une vision du monde dans le détail, un contact avec la réalité bien cernée, cadrée et soignée, une ouverture lumineuse brève mais pertinente sur les capacités de l'art à exprimer l'existence et l'homme. Enfin, une construction d'une partie d'un monde, ficelée avec développement et surtout caractérisée par une chute recherchée. La chute, cette clé qui montre l'originalité de l'auteur. L'occasion de ce rappel est fournie par la dixième édition du festival méditerranéen du court-métrage de Tanger. L'idée de cette relation intéressante : espace géographique, art et Tanger est une aubaine pour l'esprit critique et le travail de spéculation entre les lieux et les conceptions. D'abord Tanger, cette ville entre deux mers, point de départ et arrivée tentante, légende et confluent de différentes civilisations, cité d'Hercule, de Tarik, d'Ibn Batouta, de Choukri, des écrivains américains de la beat génération, mais aussi lieu de toutes sortes de trafics et de d'allers-retours entre l'enfer et le paradis, tout ce qui pourrait inspirer et émerveiller un esprit aiguisé et vaillant. Ville humaine. Comme ses semblables, les métropoles méditerranéennes et il y a là-dessous un génie unificateur qui se multiplie et varie de couleurs et de tons. La méditerranée, géographie de hasard, de terres et d'eau, dépasse son statut de mer pour être cultures et étroites rencontres des peuples toujours unis et désunis au gré de l'histoire. Vient après l'art avec ce genre spécifique qu'est le court-métrage. En dix éditions, un grand nombre de films venus de tous les pays du pourtour ont été présentés, vus et débattus. Ils ont donné cette multiple variété décrite ci-haut. Problèmes et liens, visions et idées, musiques et images. Le résultat inéluctable et bienvenu est la fameuse unité cachée qui se fait voir en tout film et chez chaque cinéaste, débutant ou confirmé, sortant d'une école de cinéma, obéissant à une commande sérieuse ou faisant sien la vocation d'être court-métragiste. Mais dans tous les cas, ces films révèlent l'intelligence future, que ce soit lors de la confection de long-métrages de fiction, de documentaires et de films audio-visuels. Il faut de tout pour faire une œuvre de septième art : une ville, une idée et un projet pour le bien de la politique de bon aloi.