Depuis deux semaines, la Tunisie vit une crise politique dont la principale cause n'est autre que l'assassinat du militant de gauche, belaid Choukri, tombé sous les balles des extrémistes islamistes. Pour détourner les regards, voire les doigts accusateurs, le Parti d'Ennahda était obligé de manœuvrer de façon «politcienne» pour résorber la vindicte qui commençait à se faire jour à son encontre dans la rue. D'où la proposition insensée, au lendemain de l'assassinat de Choukri, de former un gouvernement apolitique, dans un pays qui compte pourtant des dizaines de partis politiques, tous bardés de cadres de haut niveau. Il faut dire que l'immense foule qui a participé aux funérailles de Belaid Choukri (plus de 40.000 personnes selon la police locale) avait de quoi donner froid dans le dos d'Ennahda qui voyait sa suprématie, acquise lors des élections de l'hiver 2010, sérieusement ébranlée par cette capacité de mobilisation de la gauche tunisienne. Une menace qu'elle a fini par mesurer à sa juste valeur, puisque lors de la récente manifestation organisée par ses militants en protestation contre la décision de leur propre parti de former un gouvernement technocratique, Ennahda n'a pu mobiliser que moins de 15.000 manifestants. Mais pour éviter d'être balayés par les effluves du Jasmin, les politiciens d'Ennahda ont continué sur leur lancée politicienne. Un nouveau gouvernement sera bel et bien programmé, de quoi divertir la rue afin qu'elle oublie au plus vite la liquidation de Choukri. Ainsi, au lendemain de la démission du Premier ministre Hamadi Jebali, deux annonces simultanées sont faites sur un ton triomphal par le ministre de l'Intérieur et futur... Premier ministre. Dans la matinée du jeudi 21 février, il annonce, coup sur coup, et à quelques heures d'écart, la découverte d'une cache d'armes appartenant aux jihado-salafistes locaux et l'arrestation de deux suspects dans l'assassinat de B. Choukri. Quel lien entre les deux événements ? Montrer du doigt les salafistes, et blanchir Ennahda de toute implication dans l'assassinat du militant de gauche. Pourtant, selon la veuve de ce dernier, et sur la foi des menaces téléphoniques et autres qu'elle recevait quotidiennement jusqu'à la mort de son époux, il ne fait aucun doute que les commanditaires de ce meurtre politique ne sont autres que des membres du Parti de Rached Channouchi. En nommant une autre éminence grise d'Ennahda à la primature, à savoir l'actuel ministre de l'Intérieur Ali Larayedh, celui-là même que certains accusent ouvertement d'avoir engagé d'anciens sbires de Ben Ali pour liquider B. Choukri, la Tunisie est à entrée dans une nouvelle zone de turbulences politiques. Une donne qui risque de déteindre sur la rédaction de la future constitution, mère des batailles pour les Tunisiens, afin de mener à bien leur révolution du Jasmin, qu'ils ne laisseraient personne usurper à son seul compte. Comme quoi, et malgré les manœuvres actuelles des islamistes, les espoirs de voir la Tunisie laïque et libre éclore dans toute sa splendeur, restent de mises.