N'importe quel habitant urbain aujourd'hui, ayant un recul personnel d'une décennie, se rend compte des énormes changements dans sa consommation individuelle. Il suffit de citer l'invasion des emballages, notamment des plastiques, et la forte augmentation de déchets, dont les modes de gestion ne répondent pas correctement aux exigences sanitaires et environnementales. Les pratiques traditionnelles d'évacuation des déchets par rejet dans la nature ou par brûlis occasionnels ont atteint leurs limites en termes d'encombrement spatial, de pollution de l'air ou au plan social de développement de populations qui se nourrissent des déchets. Dans les pays comme le notre, la gestion des déchets solides s'avère plus préoccupante qu'ailleurs, car les moyens organisationnels et financiers de notre société n'ont pas suivi l'évolution des besoins qui s'accumulent et sollicités par d'autres urgences, les responsables se contentent d'une gestion minimale en l'occurrence, la collecte là où elle est possible. Les efforts sont concentrés sur la capitale économique ou administrative et les grandes villes sans pour autant que les problèmes y soient résolus. Dans la plupart des cas, les autres villes, bien que soumises aux problèmes et malgré les discours égalitaires, sont abandonnées à leur initiatives. En parallèle à la question opérationnelle des services de nettoyage, l'idée de durabilité vient s'incorporer aux discussions, réfléchissant une sensibilité nouvelle aux interfaces sociales et environnementales de cette problématique. Il est clair que les mauvaises situations identifiées dans les municipalités vont au-delà de la simple rareté de ressources financières, ceci étant l'argument standard des autorités/responsables pour essayer d'expliquer et justifier leurs actions ou plutôt leur inertie. Il est plus facile de renvoyer les responsabilités aux instances supérieures et aux et administrations précédentes. Un cadre légal-institutionel adéquat, une bonne structure organisationnelle et des personnels de haut niveau font certainement défaut. La participation de la population est historiquement restreinte. Cette dernière n'est pas encore un usager actif et n'intervient qu'au moment de présenter ses ordures à la collecte. D'autre part le phénomène de concentration économique est pervers. La stagnation économique des petites villes provoque des migrations vers les centres les plus populeux à la recherche des meilleures opportunités. Les villes moyennes dont la population varie autour des 300.000 habitants, en expérimentant une insertion plus poussée des schémas modernes de consommation, ne montre pas une situation satisfaisante relativement à la gestion de leurs déchets solides. Elles ont toutes une collecte satisfaisante des déchets ménagers (il y toujours des périphéries non desservies) mais la disposition finale est faites systématiquement de décharges sauvages, visitées par des fouilleurs qui travaillent aussi dans les rues. On jette la matière noble, on gaspille ce qui manque à tant d'autres. Les impacts sont de tout ordre : économiques, sociaux, sanitaires, environnementaux. Les contaminations effraient et les pressions se renforcent sur les collectivités et municipalités. L'importance des facteurs qui dépassent l'aspect économique n'est pas toujours reconnue. Le peu d'études sur la question est en général focalisé sur les villes les plus grandes, laissant à l'écart la majorité des communes qui cependant rassemblent encore plus de population. Les préoccupations ne concernent que les côtés opérationnels tel que l'amélioration des procédures ou techniques tel que la caractérisation des déchets, assez ponctuels, rarement elles envisagent d'autres aspects de la question. Par exemple, il n'y a pas d'études sur la conception stratégique de la gestion. On pourrait penser à la question de la minimisation ou de recyclage, avec leurs conséquences, ni sur les rôles des acteurs locaux ou sur leurs inter-relations, pourtant en changement continu sous l'effet de demandes externes (exigences en termes de préservation de l'environnement) et de l'arrivée de sociétés de service privées. L'analyse des enquêtes, inventaires et recensements sur les déchets solides, suggère une compréhension du thème limitée et incomplète principalement de la part des municipalités, ce qui masque la réalité. En plus des expériences personnelles, des discussions avec des experts et des conversations avec les responsables locaux renforcent ce soupçon. La nomenclature n'est pas bien connue, les termes sont employés parfois de manière impropre, la marginalité du sujet rend difficile la précision que la gravité des impacts devrait exiger. La conséquence est une offre des services de collectes à minima, le conventionnel sans innover. Malgré la dégradation notoire des lieux de stockage, les bonnes techniques et les traitements en amont n'arrivent pas à s'imposer. Les fouilleurs font toujours partie du paysage. Une approche uniquement technico-opérationnelle ne suffit plus, une approche économique non plus. Plusieurs aspects (juridiques, sociologiques, anthropologiques, psychologiques…) s'y ajoutent et imposent un regard plus ouvert, forcément plus complexe. Des éléments communs (techniques, tels que les procédés de traitements, organisationnels et institutionnels, tels les compétences administratives et légales, économiques, tels que les instruments fiscaux) doivent être convenablement mis en valeur. Le décalage entre les besoins de résultats et les formes de gestion est flagrant. La complexité de cette problématique va au-delà d'une collecte efficiente et d'un destin adéquat. Les impacts sur l'environnement obligent les autorités et producteurs de déchets en réalité nous-mêmes les consommateurs à nous poser des questions, à changer nos rôles historiques. Les solutions recherchées, tout en étant économiquement accessibles, doivent collaborer et respecter les conditions naturelles de réception/absorption de ces produits. (*)Prof. Université Ibn Tofail