Bruxelles accuse Alger de restreindre l'accès à son marché en contradiction avec l'Accord d'association UE-Algérie. Après l'échec des consultations diplomatiques, une procédure d'arbitrage est lancée afin de rétablir les droits des entreprises européennes, de plus en plus évincées du marché algérien. La tension entre Bruxelles et Alger franchit un nouveau palier. Le 15 juillet 2025, la Commission européenne a officiellement notifié sa décision de recourir à un panel d'arbitrage dans le différend commercial l'opposant à l'Algérie. En cause : une série de restrictions aux importations et aux investissements étrangers, instaurées depuis 2021, jugées contraires aux obligations inscrites dans l'Accord d'association signé en 2002 et entré en vigueur en 2005. Ce cadre juridique, censé promouvoir un partenariat économique équilibré, semble désormais vidé de sa substance, à mesure que le protectionnisme algérien se durcit. Depuis 2021, les opérateurs économiques européens, en particulier français, dénoncent une batterie de mesures discriminatoires érigées par les autorités algériennes. Parmi elles, un système de licences d'importation assimilable à une interdiction de fait, l'embargo total sur des catégories de produits comme le marbre ou la céramique, ou encore l'imposition d'un plafonnement de la détention étrangère dans les entreprises locales. À ces obstacles s'ajoutent des exigences complexes de réenregistrement pour les sociétés importatrices ainsi qu'une politique industrielle résolument axée sur la substitution aux importations. « Ces entraves ont eu un effet dissuasif sur les flux d'investissement et d'échange », indique un haut responsable à la Direction générale du commerce à Bruxelles. Selon les données officielles, les exportations de l'Union européenne vers l'Algérie ont reculé de 31 % sur la dernière décennie, passant de 24,6 milliards d'euros en 2014 à 17 milliards en 2024, un décrochage symptomatique d'un climat commercial de plus en plus hostile. Lire aussi : Blanchiment et financement du terrorisme : L'Algérie classée à haut risque par l'Union européenne Face au blocage persistant, l'Union européenne a formellement sollicité l'ouverture de consultations en juin 2024, dans l'espoir d'un règlement amiable du litige. Mais ces discussions n'ont pas permis d'aboutir à une désescalade. Le lancement d'une procédure d'arbitrage, étape prévue par le mécanisme de règlement des différends prévu dans l'Accord d'association, marque désormais une judiciarisation du contentieux. L'Union a déjà désigné son arbitre et appelle l'Algérie à nommer le sien dans un délai de deux mois. Le troisième membre du panel devra être désigné conjointement par le Conseil d'association UE-Algérie. Cette formation tripartite sera chargée de statuer sur le différend dans un jugement contraignant pour les deux parties. Selon la Commission, ce recours vise à « rétablir les droits des exportateurs européens, durement affectés par les restrictions imposées de manière unilatérale ». Bruxelles se dit toutefois disposée à reprendre le dialogue à tout moment, à condition que l'Algérie revienne sur ses mesures jugées discriminatoires. Des pratiques ciblant les intérêts français ? Au-delà des griefs d'ordre commercial, la Commission européenne observe avec une vigilance accrue les mesures spécifiques visant des entreprises françaises. Plusieurs sources proches du dossier évoquent des entraves administratives, des retards douaniers délibérés, voire des refus implicites de marché public. Si ces pratiques ne figurent pas formellement dans le périmètre de la procédure d'arbitrage actuelle, elles pourraient faire l'objet de contentieux additionnels dans les prochains mois. Cette dimension bilatérale sensible intervient dans un contexte diplomatique tendu entre Paris et Alger, marqué par des désaccords récurrents sur les questions migratoires, mémorielles et sécuritaires. Pour certains analystes, le ciblage des intérêts français dans le champ économique s'inscrit dans une stratégie plus large de distanciation avec les anciennes puissances tutélaires. L'Union européenne demeure le premier partenaire commercial de l'Algérie, absorbant près de 60 % de ses échanges extérieurs. Pourtant, la trajectoire actuelle du pays s'éloigne des principes d'ouverture et de transparence qui fondaient l'esprit de l'Accord d'association. « La multiplication des barrières nuit à la crédibilité d'Alger en tant que partenaire fiable », souligne un diplomate européen basé à Rabat. À Bruxelles, certains plaident désormais pour une remise à plat plus globale du partenariat. Le différend commercial en cours pourrait servir de catalyseur à une redéfinition des termes de la coopération euro-algérienne, à l'heure où l'Union cherche à sécuriser ses approvisionnements énergétiques tout en promouvant une politique commerciale fondée sur des règles. Encadré Ce que dit l'Accord d'association UE–Algérie Signé en 2002, l'Accord d'association prévoit la libéralisation progressive des échanges de biens et services entre l'Union européenne et l'Algérie. Il repose sur des principes de réciprocité, de non-discrimination et de transparence. L'article 100 établit un mécanisme de règlement des différends, incluant une phase de consultation et, à défaut d'accord, la constitution d'un panel d'arbitrage dont les décisions s'imposent aux deux parties.