Sahara : Le Cambodge affirme son soutien au plan marocain d'autonomie    Revue de presse de ce mardi 21 octobre 2025    La Bourse de Casablanca ouvre en territoire positif    France: Sarkozy est arrivé à la prison pour y être incarcéré    Ligue des Champions : Voici le programme de ce mardi    Maroc U20 : Sacré champion du monde, Othmane Maamma attire l'attention du Real Madrid    L'Equipe : Yassir Zabiri, figure d'une génération dorée    CDM U17 Qatar 25 : l'Equipe Nationale reçue lundi par le président de la FRMF avant de s'envoler ce mardi pour son camp de base de préparation    HB / 46e CAHCC Casablanca 25 : Al Ahly et Petro Atletico sacrés, Derb Sultan deuxième    Une femme à la tête d'une coalition gouvernementale au Japon    Fès-Meknès : les investissements privés explosent de plus de 90% en 2025    PLF 2026 : Hausse record de l'investissement public et des fonds alloués à l'éducation et la Santé    Abdeltif Loudyi reçoit le nouveau chef de l'AFRICOM    Libye : L'Espagne saisit 10 navires militaires destinés aux forces de Haftar    L'UE acte la fin des importations de gaz russe pour 2027    Rendez-vous : demandez l'agenda    Casablanca : Le Fusion Show Ayta D'Bladi fait son entrée du 13 au 15 novembre    Steve Witkoff annonce un possible accord de paix entre Rabat et Alger    Réunion du Conseil de gouvernement consacrée au PLF 2026    La Bourse de Casablanca démarre en bonne mine    L'ancien chef de la DGSI, Nacer El Djinn, symbole des déchirements du pouvoir algérien, arrêté et placé en détention à Blida    Une vidéo diffusée par Hicham Jerando, faussement liée à un réseau de prostitution à Casablanca, provenait de sites pornographiques étrangers    La cour d'appel de Casablanca confirme plusieurs condamnations dans l'affaire Jerando    Le temps qu'il fera ce lundi 20 octobre 2025    Les températures attendues ce lundi 20 octobre 2025    Lavrov et Rubio ont discuté au téléphone des modalités du prochain sommet Poutine-Trump    Chine : Yu Jinsong confirmée comme ambassadrice à Rabat par Xi Jinping dans un contexte de relations étendues    Création de postes budgétaires : Ce que prévoit le PLF 2026    Le Polisario expulse 100 chercheurs d'or d'une zone à l'Est du Mur des Sables    Transformation numérique du système judiciaire : Rabat et Nouakchott signent le Programme de travail 2026-2027    PLF 2026: 380 MMDH comme effort d'investissement    From Tangier to Dakhla, Morocco erupts in celebration after historic U20 World Cup triumph    Morocco U17 squad announced for 2025 World Cup in Qatar aiming to emulate U20 success    Mondial U20 : Fouzi Lekjaa souligne le rôle de la stratégie du Maroc dans le football [vidéo]    Errance et détresse psychique : Symptôme d'un système de prise en charge lacunaire    L'Ethiopie entre dans l'ère atomique    L'Angola lance son Agence spatiale nationale    Rabat célèbre la créativité avec le Festival Léonard De Vinci du Court Métrage    Doukkala en heritage: Une leçons de mémoire au féminin    Sahara marocain : Washington en faveur d'une solution définitive    Unforgettable and unbelievable : Moroccan U20 players reflect on their world title    Aérien : RAM et China Eastern Airlines s'allient pour renforcer la connectivité Chine-Afrique    SM le Roi félicite les membres de la sélection nationale de football suite à leur sacre au Mondial U-20 au Chili    Former Health Minister Khalid Aït Taleb makes political comeback as Wali of Fès-Meknès    Tanger : Ouverture de la 25e édition du Festival national du film    "Yallah' Afrika", une exposition collective à Rabat célébrant la CAN Maroc 2025    La mémoire de Hassan Ouakrim honorée lors d'une projection documentaire à Washington    Le Festival de Cinéma Méditerranéen de Tétouan dévoile sa sélection officielle    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Interview avec Faraj Suleiman : « La musique doit laisser une empreinte »
Publié dans L'opinion le 16 - 07 - 2025

De passage au Festival Jazzablanca, le pianiste et compositeur palestinien Faraj Suleiman revient sur « Maryam », son dernier album né en pleine guerre à Gaza. Entre amour brisé, mémoire fragmentée et résilience, il signe une œuvre poignante, nourrie par le théâtre et portée par l'Histoire d'un peuple en pleine fracture. Entretien.
* La chanson « Questions on My Mind », tirée de votre album « Better than Berlin », est devenue l'un des titres les plus appréciés par vos auditeurs et vos fans. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce morceau ?
Les paroles ont été écrites par mon ami Majd Kayyal, tandis que j'ai composé la musique. Ce qui est assez amusant, c'est que Majd n'a jamais réellement mis les pieds à Berlin - l'histoire racontée dans la chanson est largement née de son imagination. Quant à moi, je n'ai pas abordé la composition avec une ambition particulière ou l'idée de créer quelque chose d'exceptionnel.
Mais le destin en a décidé autrement. Dans cette chanson, Majd et moi avons sans doute révélé l'une des plus belles expressions de notre collaboration artistique. Il s'est produit une alchimie étonnante entre ses mots et ma musique. Le résultat a touché le public bien au-delà de nos attentes. Lors de la sortie de l'album, je n'aurais jamais imaginé que ce titre deviendrait le favori des auditeurs.

* Votre dernier album « Maryam » a été conçu en collaboration avec l'écrivain Amer Hlehel. Pouvez-vous nous parler du processus de création de ce projet, notamment dans le contexte tragique de la guerre à Gaza ?
Le travail sur « Maryam » a commencé en amont de la guerre, en collaboration étroite avec mon ami Amer Hlehel, qui a signé l'intégralité des textes. J'ai composé la musique. La première moitié de l'album a été réalisée avant le 7 octobre, dans un climat radicalement différent. C'est pourquoi on y ressent une atmosphère plus douce, presque insouciante, qui évoque encore la vie d'avant, une forme de normalité aujourd'hui brisée.
Lorsque la guerre à Gaza a éclaté, nous avons interrompu le projet. Il nous était impossible de continuer à créer sans prendre le temps de digérer l'horreur de ce qui se passait. Il fallait assimiler, comprendre, et surtout trouver une manière honnête de poursuivre sans trahir la réalité. Car les chansons que nous avions déjà conçues ne correspondaient plus au monde dans lequel nous étions plongés.
Quand nous avons repris le travail, quelque chose avait changé, profondément. La musique comme les textes ont commencé à refléter cette nouvelle réalité : celle d'une guerre effroyable, d'un génocide en cours. « Maryam » est devenu un récit de perte, à travers l'histoire d'un jeune homme et d'une jeune femme. Leur première séparation précède la guerre ; la seconde, irréversible, survient lorsque la jeune femme perd la vie.
On peut suivre à travers les dix morceaux un véritable arc narratif. Dès la sixième chanson, une rupture dramatique se fait sentir : la guerre devient omniprésente, elle envahit le récit, bouleverse le ton, et impose sa brutalité à l'histoire. L'album tout entier devient alors une chronique intime et collective d'un amour interrompu par la tragédie.

* « Maryam » semble aussi s'inscrire comme un témoignage personnel et collectif sur la guerre en cours. Comment cette réalité tragique a-t-elle influencé votre travail et votre perception de vous-même en tant qu'artiste palestinien ?
Cet album a aussi été, pour nous, une tentative de raconter ce que nous sommes en train de vivre. Nous sommes plongés dans une guerre dont nous n'arrivons pas à sortir - et, à titre personnel, je suis encore figé dans une phase de choc. Je n'arrive toujours pas à assimiler ce qui se passe, à mesurer l'ampleur des pertes humaines, la destruction de toutes les formes de vie, le génocide en cours. C'est au-delà de ce que l'on peut comprendre ou digérer.
Aujourd'hui, je suis incapable de vous dire, précisément, comment cette guerre m'a transformé. J'ai juste la sensation - que je pense partager avec beaucoup de Palestiniens - que nous sommes devenus d'autres personnes. Plus personne n'est comme avant. Il nous faudra beaucoup de temps, peut-être des années, pour parvenir à comprendre ce que nous avons traversé, et ce que cela a changé en nous.

* Votre musique semble toujours porter une dimension narrative forte. D'où vous vient cette approche si cinématographique et immersive de la composition ?
J'ai toujours aimé que la musique raconte une histoire. Qu'il s'agisse d'un morceau instrumental ou d'une chanson, elle doit, à mes yeux, porter une charge narrative. Je n'apprécie pas la musique d'arrière-plan, celle qu'on écoute distraitement, une seule fois, et qu'on oublie aussitôt. Pour moi, la musique doit laisser une empreinte, une trace, quelque chose qui reste après la dernière note.
Cette perception, je la dois beaucoup à mon rapport au théâtre - un art que j'ai longtemps pratiqué et que j'aime profondément. Le théâtre m'a appris à construire un récit, à penser en termes de progression dramatique, de tension, de transformation. C'est pourquoi, dans mes compositions, je cherche toujours à créer une expérience immersive, à embarquer l'auditeur dans un voyage, d'un point A vers un point B, avec une évolution logique, émotionnelle, presque scénarisée. C'est ce fil narratif qui donne du sens à la musique, au-delà de sa forme pure.
* Votre musique résonne avec puissance auprès des publics arabes, qu'ils soient au Levant, au Maghreb ou ailleurs. Ressentez-vous une différence dans la réception selon les contextes culturels ou géographiques ?
Au fond, nous sommes un seul peuple. Il n'y a pas de différence véritablement tangible entre nous. Nos promenades dans les ruelles, nos vies quotidiennes, nos imaginaires... tout cela se ressemble profondément. Alors, il est tout naturel que notre lien avec ce type de musique soit le même, peu importe où elle est jouée. Il y a une reconnaissance immédiate, une résonance commune, parce que nous partageons une Histoire, une mémoire, une langue sensible.
Ce que je remarque plutôt, c'est un contraste lorsqu'il s'agit de jouer cette musique devant un public européen, qui ne partage pas cette Histoire. Nous, nous portons ces récits collectivement. Eux, les découvrent de l'extérieur. Cela change la nature de l'écoute, la profondeur du lien, sans pour autant l'annuler. Mais cette différence, elle se ressent, et elle compte.

* Quels sont vos projets actuels et à venir ?
En ce moment, je suis concentré sur « Maryam », mon dernier album sorti il y a quelques mois. Nous avons déjà assuré plusieurs concerts dans le monde arabe, cet été, et une tournée européenne est prévue dans la foulée. Pour l'instant, c'est cela l'essentiel : travailler, être en mouvement, partager cette musique avec le public.
Je n'ai pas de plan bien défini pour ce qui viendra après. Je suis totalement absorbé par la tournée, la musique, et par le processus de préparation artistique qu'elle implique. L'avenir est encore flou, mais pour l'instant, l'important, c'est d'être pleinement présent dans ce moment.
Recueillis par Yassine ELALAMI
Faraj Suleiman, le piano comme langue de résistance

Né en 1984 dans le village galiléen d'Al-Ramah, Faraj Suleiman incarne l'une des voix les plus singulières et puissantes de la scène musicale palestinienne contemporaine. Pianiste, compositeur et désormais chanteur, il tisse une œuvre à la croisée du jazz, des gammes orientales, du classique européen et d'un lyrisme dramatique puisé dans sa propre histoire - celle d'un peuple déraciné, résilient, en quête de souffle et de mémoire.
Initié très tôt au piano par un oncle mélomane, il retrouve son instrument de prédilection à l'université de Haïfa, où il découvre aussi l'intensité du théâtre, qui marquera durablement sa manière de composer. Installé depuis à Paris, Faraj Suleiman déploie, au fil d'une discographie exigeante et poétique - Login (2013), Once Upon a City (2017), Better than Berlin (2020), Maryam (2025) - un univers musical profondément narratif. À ses yeux, une composition ne se suffit pas à son esthétique : elle doit raconter une histoire, tracer une courbe émotionnelle, laisser une empreinte.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.