Les ministres en mal d'action peuplent le cabinet de Driss Jettou. Les intéressés, tout contents d'être au gouvernement, sont souvent détenteurs de sous-ministères sans grande importance. Des ministres qui sont en mal de travail, il y en a un paquet dans le gouvernement Jettou. Depuis leur nomination, les intéressés brillent par leur absence donnant tout son sens à la célèbre expression de feu S.M Hassan II, ministre pourquoi, ministre parce que. Certains d'entre eux objecteront toutefois qu'il s'agit de leur part d'une marque de discrétion. Traduisez : ils agissent dans l'ombre loin des feux de la rampe et qu'il ne faut pas les déranger. Silence, ils travaillent. Voire… En fait, à part quelques membres du gouvernement qui montent régulièrement en ligne, la plupart ont du mal à exister, notamment les secrétaires d'État de tel ou tel département comme les Tay Tay, les Mechahouri et autres Omar Fassi Fihri. La première, comptabilisée sur le compte du RNI, chargée d'Alphabétisme et d'Education informelle, navigue dans une clandestinité douillette. Le second, ministre MP plein galon du Commerce extérieur, a du mal à briller en interne a fortiori se projeter au-delà des frontières. Le troisième, qui conserve le département de la Recherche scientifique depuis le gouvernement Youssoufi, est ce que l'on peut appeler un ministre qui n'a jamais rien trouvé. On n'a jamais entendu la voix de cet homme PPS du reste sympathique, pour réclamer, par exemple, une valorisation du maigre budget de son secteur. Mais encore faut-il que le pays dispose d'une communauté de scientifiques qui interpelle les pouvoirs publics. C'est pour cela que M. El Fassi, qui dirige un département suspendu dans le vide, n'en finit pas d'être absorbé par sa passion de la découverte des lois des différentes pesanteurs au Maroc. Son collègue RNI des droits de l'Homme, Mohamed Aoujar, doit être dans le même état d'esprit. Les arguments qui justifient l'existence de son ministère n'existent plus notamment après la création de l'Instance Équité et Réconciliation. Malgré tout, M. Aoujar s'occupe, comme il peut, en assistant en particulier aux conférences sur les droits de l'Homme qui se tiennent à l'étranger. Ces ministres sont tout contents d'être au gouvernement même s'ils n'ont pas derrière une machine administrative qui accompagne leur action comme les Finances, le Transport et les Travaux publics. Il s'agit de sous-ministères (appelés officiellement secrétariats d'État) créés de toutes pièces pour s'assurer une majorité gouvernementale. D'où le phénomène de l'inflation des portefeuilles. Le département de la Pêche a sombré corps et âme avec le RNI Tayeb Rhafès qui n'a que sa bonne foi à offrir. Quant à l'action et à la vision, il faut attendre le prochain embarquement… Ministre d'État sans portefeuille, Abbas El Fassi, tout chef d'un grand parti qu'il est, a été condamné à l'inaction malgré son insistance répétée auprès du Premier ministre de lui fournir du boulot. Ni activité, ni dossiers. Rien. Juste une voiture ministérielle, un chauffeur et une secrétaire. Déjà ça de gagné. Tel est le sort réservé à M. El Fassi qui reste quand même un grand ministre qui s'est particulièrement illustré comme titulaire du portefeuille de l'Emploi sous le gouvernement Youssoufi. Dans le gouvernement actuel, il y a deux cabinets, celui de la galerie qui justifie celui des ministères qui comptent. Ce n'est pas une équipe où tout le monde est sur la même longueur d'onde politique avec des membres plus ou moins d'égale valeur. Loin s'en faut. Le Premier ministre en est parfaitement conscient tout comme les ministres eux-mêmes. Mais Driss Jettou a ceci de particulier qu'il est devenu otage de sa propre majorité en ce sens où il a peur d'ouvrir un chantier, celui du remaniement gouvernemental, où il risque de s'embourber inutilement sans qu'il soit assuré d'obtenir des résultats probants avec l'avènement d'un cabinet Jettou II. On ne change pas une équipe qui perd. Driss Jettou a les yeux rivés sur les indices macro-économiques. Ils sont bons. C'est ce qui l'intéresse. La politique n'est pas sa tasse de thé. Mais la morosité qui pèse sur le pays est toujours de mise. Une équation complexe qu'il n'arrive pas à résoudre tout comme son bras droit Abderazzak El Mosaddeq qui affectionne les dossiers solides qui lui permettent de donner la pleine mesure de ses talents. Le souffle et la dynamique, ce gouvernement n'en a apparemment que faire. Sa seule énergie est celle de son inertie. Elle lui permet d'exister physiquement. L'essentiel n'est-il pas de participer ? Quant aux buts qu'une équipe est supposée marquer dans un même élan d'enthousiasme et de compétence, il faut encore attendre… Une chose est sûre : les solutions des problèmes de fond du pays ne se trouvent pas dans la boîte à outils technocratiques. Il faut réhabiliter la politique et écrémer une élite dirigeante issue des partis politiques qu'il s'agit d'aider à se mettre à niveau.