Le ministre Abdelssamad Kayouh exhibe un selfie avec Recep Tayyip Erdoğan, au mépris de toute retenue protocolaire    Es-Smara attaquée : l'étiquette terroriste se précise pour le polisario    Urgences méditerranéennes : entre crise migratoire, instabilité et inégalités    A compter du 1er juillet, la CrC inspectera Casablanca arrondissement par arrondissement    La fédération sud-africaine de football étudie le modèle marocain pour refonder sa gouvernance financière    Le modèle tarifaire unifié pour le gazoduc transsaharien Maroc-Nigeria au centre des réflexions    « MFM » lance « Face à Face », une nouvelle émission politique hebdomadaire    Casablanca accueillera la 3è Garden Expo Africa en octobre    Hausse des tarifs du tram à Rabat : les étudiants dans l'impasse financière    Al Haouz : Nizar Baraka visite des projets hydrauliques    Rabat : Un membre de Daech arrêté par le BCIJ    Xi Jinping rencontre le Premier ministre sénégalais    Crise France-Algérie : Alger se résout à l'apaisement avec Paris    Le grand-père de la future patronne du MI6 était espion pour les Nazis, selon un média    CHAN 2024 : le Maroc disputera son premier match contre l'Angola, le 3 août à Nairobi    Mondial des clubs: Bayern-Flamengo, de quoi épicer la rivalité Europe-Amsud    Mondial des clubs: tops, flops et révélations de la phase de groupes    Mondial des Clubs : Une mention spéciale pour le public wydadi    La police marocaine arrête à Tétouan un Maltais recherché pour détournement de fonds    Un ressortissant d'Afrique subsaharienne arrêté à Casablanca pour trafic présumé de cocaïne    Protection des élèves : les députés socialistes veulent rendre l'assurance scolaire obligatoire    Transport routier et maritime : Rabat et Ankara coopèrent    Changer le regard sur le handicap sur la base des droits humains    Baccalauréat : Nouveau système électronique pour détecter la fraude    Marrakech accueille le Forum international de la jeunesse avec une large participation des pays du monde islamique    Majida El Roumi submergée par l'émotion à Rabat adresse un message touchant au Roi Mohammed VI : « Notre amour pour le Maroc est un attachement unique »    L'écrivaine marocaine Zineb Mekouar remporte le prix Henri de Régnier    Casablanca Music Week : Le gnaoua de Benchemsi et la furie de Hoba Hoba Spirit enchantent le public    Kaoutar Boudarraja n'est plus : la fin d'un long combat après des rumeurs erronées    Groove, soul et émotion : Mary J. Blige et DJ Abdel électrisent Casablanca    Le peintre Belka, célèbre à Agadir les couleurs d'un Maroc intime    Les prévisions du samedi 28 juin    Challenge N°975 : Du 27 juin au 3 juillet 2025    Le Maroc pourrait accueillir la plus haute roue du monde, alors que Madrid tergiverse    Benguérir : le parquet dément toute interpellation arbitraire et confirme la mise en garde à vue de deux frères pour outrage, ivresse et dégradation de biens publics    Algérie : 7 ans de prison requis contre l'historien Mohamed Belghit    France : Peines de prison pour les membres du groupe d'ultradroite AFO projetant des attentats terroristes anti-musulmans    Fondation Hassan II : 960 enfants marocains du monde bénéficieront du camp culturel à l'été 2025    Des Marocains emprisonnés en Somalie appellent à l'aide le Maroc    Islamophobie et racisme en France : Des étudiants d'une grande école de commerce brisent le silence    Un drone des FAR a touché les éléments du Polisario ayant tiré des roquettes sur Es-Smara    Amical : les Lionnes de l'Atlas défient la Tanzanie ce samedi à Rabat    Bounou, Diaz et Hakimi en 8èmes, le WAC bon dernier    À Rabat, la mécanique chinoise soutient l'essor architectural du centre sportif olympique    À l'occasion du 80e anniversaire de la Charte des Nations Unies, la Chine appelle à raviver son esprit et à renforcer l'action collective pour un monde meilleur    Le Forum Canarien Sahraoui remet une lettre officielle au Haut-Commissaire aux droits de l'Homme documentant des violations qualifiées de « graves et systématiques » dans les camps de Tindouf    La MINURSO sous le feu du terrorisme du Polisario : plainte officielle adressée à l'ONU contre le front séparatiste    L'Etat accorde plus de neuf millions de dirhams de subventions à 177 projets culturels en 2025    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Lettre à mon ami tunisien
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 05 - 02 - 2014

Je devais t'écrire le lendemain du 14 janvier 2011. Pourquoi ne l'ai-je pas fait à ce moment-là ? Est-ce la surprise de voir ce que tu as accompli ce jour-là ? Je ne m'attendais pas à ce qu'un jour tu…, allez, je vais te le dire crûment.
Je ne te connais pas belliqueux, va-t'en guerre, bagarreur. Tu es plutôt pacifique, conciliant, civilisé quoi. Tels les peuples à la longue histoire et la riche civilisation.
Je ne m'attendais pas à ce que tu secoues la chape de plomb qui te couvrait depuis près d'un demi-siècle. Les régimes autoritaires qui se sont succédé t'avaient bâillonné. Mais tu t'en accommodais, pourvu qu'ils s'occupent, sinon de ton bonheur, du moins de ton bien-être matériel même si, avoue-le, cela fut au prix de ta liberté d'expression.
Et, au moment où l'on s'y attendait le moins, un simple marchand ambulant, que dis-je, un courageux et héroïque jeune homme de 19 ans redressa l'échine, leva la tête et réclama tout haut son droit à une vie décente. Rappelle-toi, Bouazizi, de son vrai nom Tarek, vendait faute de mieux des fruits et légumes dans les rues de Sidi Bouzid, seul revenu d'une famille de sept enfants. Il rêvait de s'acheter une camionnette pour remplacer sa charrette. Il devait constamment verser des pots-de-vin à une administration vorace et corrompue qui lui confisquait son seul moyen de survie pour un oui ou pour un non. Amère réalité.
Le 17 décembre 2010, on saisit une fois de plus son outil de travail, une charrette et une balance. Humilié, écœuré, il s'immole ce jour-là devant ses harceleurs, puis s'éteint le 4 janvier 2011.
L'acte désespéré de Bouazizi a sonné ton réveil. Tu as reconnu le signe du destin, tel que prédit par le grand Victor Hugo : « Les grandes révolutions naissent des petites misères comme les grands fleuves des petits ruisseaux ». Et là, tu as fait l'inattendu. Tu es descendu dans la rue, exprimé ta colère, et occupé l'espace public jusqu'à ce que l'omnipotent et inamovible dictateur ait « dégagé » dix jours plus tard, le 14 janvier 2011. Ce faisant, tu as écrit dans les annales de l'Histoire une des rares révolutions qui se soient déroulées en douceur, que ne peut revendiquer nul rebelle surexcité, nul philosophe des lumières, nul leader charismatique. Pas même Bouazizi qui, loin de se poser en martyre pour l'avènement d'une hypothétique démocratie, voulait juste qu'on le laisse tranquille pour s'occuper d'une famille nombreuse.
Du coup, tu as effacé cette odieuse image de l'Arabe condamné au choix étriqué entre l'extrémisme religieux et la dictature laïque comme régime politique. Pour cela, tu mérites la reconnaissance de toute une nation. Depuis, ton exemple a fait des émules, un sujet dont je te parlerai une autre fois.
Pour l'heure, si je suis revenu sur ces événements que tu connais bien, c'est d'abord pour mesurer d'où tu es venu et à quoi tu es parvenu, en ayant eu l'intelligence d'éviter le sort prédit aux révolutionnaires par Pierre Victurnien Vergniaud : «La Révolution est comme Saturne : elle dévore ses propres enfants». Et, en dépit des vagues de violences nourries par la misère qui éclatent ici et là, la Tunisie, berceau du Printemps arabe, a réussi avec bonheur à ne pas basculer dans le chaos.
Ensuite, et surtout, pour te féliciter d'avoir adopté le 26 janvier dernier, trois ans après le sacrifice de Bouazizi, une Constitution parmi les plus progressistes du monde arabe. Par bonheur, laïcs et religieux ont fait montre d'intelligence durant cette période critique. Ils ont appris à vivre ensemble, et compris que la survie du pays dépend d'un consensus national, non d'une confrontation sociale. Cette intelligence a produit un savant mélange entre laïcité et «islamité» que l'on retrouve dans la consécration de la liberté d'expression et d'opinion, l'égalité des citoyens et des citoyennes en droit, le principe de parité homme-femme dans les assemblées élues, la prohibition de la torture physique et morale, l'impossibilité pour le législateur de réviser les dispositions constitutionnelles en matière des droits de l'Homme.
Ce savant mélange a fait de l'Etat le gardien de la religion, le garant de la liberté de conscience et de croyance et du libre exercice du culte, le protecteur du sacré, le garant de la neutralité des mosquées et des lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane. De même, l'Etat s'est engagé à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, à protéger le sacré de toutes violations, à proscrire l'accusation d'apostasie et à s'opposer à l'incitation à la haine et à violence.
Bravo donc cher ami tunisien pour ta nouvelle Constitution. Elle jette les fondements d'un Etat démocratique, et offre un modèle pour certains pays qui se débattent encore dans les turbulences laissés par ta révolution du jasmin.
Mon enthousiasme peut paraître excessif. J'en conviens. Car, tout texte élaboré par les humains est perfectible. Ta nouvelle Constitution n'y échappe point. En attendant, tous mes vœux t'accompagnent dans ton cheminement à venir vers l'enracinement des valeurs qu'elle consacre dans les pratiques quotidiennes, afin que cette rive sud de la Méditerranée soit le havre de paix auquel aspirent ses peuples.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.