La nourriture produite sans être consommée engloutit annuellement un volume d'eau équivalant au débit annuel du fleuve Volga en Russie. C'est ce qui ressort de «Food Wastage Footprint : Impacts on Natural Ressources», une étude de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). La production de ces denrées non consommées provoque autant d'émissions de gaz à effet de serre que les Etats-Unis ou la Chine en six mois, selon la même source. Rappelons que 195 pays ont signé, à la conclusion de la COP21, un accord contraignant les engageant à réduire leurs émissions de CO2 et de gaz à effet de serre (GES), pour contenir la hausse du réchauffement climatique planétaire en dessous de 2°C. Pour ces pays, dont le Maroc, la réduction des PAG est un objectif majeur, vu qu'elles représentent aussi entre 0,6 et 6 Gt d'équivalents CO2 qui pourraient être économisés d'ici 2050. Le ministère de l'agriculture et de la pêche maritime développe dans ce sens, depuis 2015, une vision et des orientations stratégiques destinées à être déclinées en un plan d'action, dont le but est de diviser de moitié les pertes et gaspillages d'ici 2024. Cette vision prioritaire du Plan Maroc Vert, basée sur une approche inclusive, concerne les acteurs dans les secteurs public et privé ainsi que les consommateurs et les jeunes entrepreneurs. L'équipe Machi Gachis fait partie de ces derniers, qui innovent pour réduire les PAG et protéger l'environnement. «Machi Gachis», la startup anti-PAG L'équipe du projet «Machi Gachis» a remporté le Hack4Impact, le premier hackathon pour une agriculture durable au Maroc, organisé par le ministère de l'agriculture et de la pêche maritime et Impact Lab. Les six étudiants et lauréats de l'Institut agronomique et vétérinaires Hassan II, porteurs de ce projet innovant, ont proposé au jury une méthode visant à limiter le gaspillage des aliments «quasi périmés ou pré-périmés» des grandes surfaces. Maryem Oulahri, l'une des conceptrices de cette méthode, explique à ALM que l'objectif de Machi Gachis est de réduire les pertes des grandes surfaces de 15 à 20%, soit une valeur de 15 à 20 millions de dirhams tout en boostant les ventes des produits pré-périmés en les mettant à la disposition du consommateur à faible pouvoir d'achat surtout, avec des prix raisonnables. Machi Gachis pourra aussi réduire les effets secondaires résultant de la dénaturation et la destruction des produits alimentaires sur l'environnement. «Les PAG sont un vrai problème moral, économique et social mais aussi environnemental. Nous avons décidé de réduire ce fléau en facilitant la commercialisation des produits pré-périmés à travers une application web et mobile. L'application est un système de géolocalisation qui permet au consommateur d'avoir accès aux inventaires de ces produits à prix avantageux dans le magasin le plus proche de lui», explique Maryem Oulahri. «On fera plus concrètement l'e-marketing des produits pré-périmés à court et à long termes». Machi Gachis travaille avec les grandes surfaces pour obtenir les bases de données des produits arrivant à date limite de consommation pour les mettre à disposition des consommateurs qui pourront y accéder gratuitement. Cela s'inscrit dans une démarche sociale du projet qui fait en sorte que ce n'est pas au consommateur, dont le pouvoir d'achat ne cesse de baisser, de payer pour un service responsable. Consommer bon et moins cher Les produits qui seront référencés par Machi Gachis sont des produits consommables, avec toutes leurs qualités gustatives et nutritives. Ce ne sont pas des produits périmés mais pré-périmés. Autrement dit, ce sont des produits ayant dépassé la date limite d'utilisation (DLCO) mais dont la date limite de consommation (DLC) est toujours valable. Le consommateur, ne faisant pas bien la distinction entre DLC et DLCO, interprète mal les dates de consommation et jette, par conséquent, des produits toujours consommables ou refuse de les acheter même quand ils sont en destockage. «Changer les habitudes du consommateur est l'un de nos objectifs. Nous comptons rendre ces produits -démarqués parce qu'ils doivent être consommés rapidement- familiers et attractifs pour le consommateur», déclare, déterminée, Maryem. Pourquoi donc se priver quand on peut manger à moitié prix ? Il semble que même les produits dont l'emballage est abîmé, taché ou déchiré peuvent être sauvés de la poubelle par Machi Gachis et mises dans les assiettes, car leur présentation dans les grandes surfaces peut être fatale dans la sélection du consommateur. Loi et innovation anti-GAP L'équipe de Machi Gachis est sur la bonne voie, mais les enjeux de la stabilité du cadre juridique et réglementaire permettant aux acteurs économiques d'élaborer leur stratégie sur les court et long termes risquent de freiner l'avancement de leur projet. «Il y a un vide juridique concernant la commercialisation des produits pré-périmés. Notre défi consiste donc à adapter notre projet à la réglementation marocaine». Dans ce sens, rappelons que l'année dernière, Khadija Obadi, membre de la commission en charge des affaires sociales à la Chambre des représentants a annoncé la préparation d'un projet de loi contre le gaspillage alimentaire qui devait être soumis à ladite commission au plus vite. En attendant, l'équipe Machi Gachis continue de développer son projet. Soutenue par OCP Innovation fund for agriculture et Microsoft, la startup sera incubée à Impact Lab pour accéder à un accompagnement et un mentoring de haut niveau. Soukaina Zoubir (Journaliste stagiaire)