Le photographe néerlando-marocain Mounir Raji a transformé sa passion pour la photographie en une carrière réussie, s'inspirant de l'histoire migratoire de sa famille et de ses voyages d'été au Maroc. Ses projets personnels tels que Dreamland, Yallah, et Bladi reflètent une vision nostalgique, mêlant mémoire, identité et patrimoine. L'histoire de Mounir Raji est celle d'une quête, d'une passion et d'un travail acharné, des valeurs qu'il a héritées de son défunt père, originaire de Casablanca et qui a quitté le Maroc à la fin des années 1960. À seulement 18 ans, il a pris un bateau, puis un train, pour arriver à Amsterdam en ne parlant qu'un seul mot de néerlandais : arbeid (travail). Il s'est rendu directement au poste de police pour demander un permis de travail, comme de nombreux immigrés de l'époque. On lui a dit qu'il n'y avait pas beaucoup de travail à Amsterdam, alors on l'a dirigé vers Zaandam, à 20 minutes de la capitale. Trouvant finalement un emploi dans une usine, il a progressivement gravi les échelons pour devenir travailleur social. Mounir est né dans la ville. Enfant, il n'est pas particulièrement intéressé par la photographie, sa véritable passion étant le football. «Je jouais dans un club local. Mes parents m'ont toujours encouragé à donner le meilleur de moi-même à l'école», dit-il. En tant que fils de primo-migrants, son éducation lui semble normale. Les étés sont passés au Maroc, une tradition annuelle. «J'attendais toujours l'été avec impatience. Nous passions six semaines au Maroc chaque année. C'est là que j'ai appris à parler le darija», nous confie-t-il. Ces voyages annuels ont façonné son lien avec le Maroc. Ils commencent à Casablanca, puis Marrakech, la ville natale de sa mère, et plus tard au village originaire de son père, dans les montagnes de l'Atlas. Du football à la photographie Après les études, le football domine encore la vie de Mounir. Il décide d'étudier le marketing sportif, non par amour pour le domaine, mais parce que ses parents l'encourageent à poursuivre un diplôme lié aux affaires. «Ils croyaient qu'étudier quelque chose de pratique était important pour gagner sa vie», a-t-il expliqué. Mais la photographie est entrée dans sa vie presque par accident. «Pendant des vacances avec des amis, j'ai pris avec un petit appareil photo, mais c'est l'appareil professionnel d'un ami qui m'a vraiment intéressé». Après être rentré chez lui, il a économisé pendant un stage et a acheté son premier boîtier. «Je l'ai immédiatement regretté à cause de son coût élevé», a-t-il plaisanté. Mais ce sentiment a rapidement disparu, car il était tombé amoureux de la photographie. Mounir a eu comme projet de transformer sa passion en carrière. Il a terminé ses études, sur les conseils de ses parents, puis il s'est entièrement consacré à la photographie. La photographie à tout prix En cours de thèse, il a proposé de faire un stage non rémunéré chez un photographe, pour apprendre. Cette expérience lui a montré que le chemin était bien long. Il s'est ensuite inscrit à un cours de photographie à temps partiel, une fois par semaine, ce qui l'a aidé à affiner ses compétences techniques. «C'était une bonne décision parce que cette combinaison entre études et travail a vraiment été bénéfique pour moi», a déclaré Mounir, qui a progressé plus rapidement que ses camarades de classe, grâce à l'expérience pratique. Finalement, le photographe avec lequel il a fait son stage lui a proposé du travail en freelance, juste après que Mounir ait passé un entretien pour un emploi de bureau en costume-cravate. «Le contraste était frappant», a-t-il dit, en se rappelant ne pas avoir hésité à opter pour la photographie. Pendant cinq ans, Mounir a assisté ce même photographe et divers autres. «C'était génial parce que j'ai vu comment chacun avait sa propre façon de travailler», a-t-il dit. «C'était une période formatrice où je gagnais de l'argent, acquérais de l'expérience et construisais mon portfolio». Un tournant est survenu en 2013, lorsqu'une agence a voulu travailler avec lui. «Ce moment a été la première fois où je me suis vraiment senti photographe», a-t-il dit. Mounir se lance, décrochant sa première campagne avec Nike à Amsterdam. «À partir de là, j'ai continué avec Nike et j'ai commencé à faire des projets liés au football, ce que j'ai vraiment apprécié», se félicite-t-il. Depuis, il a travaillé avec des marques comme Adidas, Atelier Munro, Daily Paper, Elle, G-Star, Mastoor, VanMoof, Vogue, et plus récemment, Asics et New Balance. Capturer le Dreamland En dehors de son travail commercial, Mounir s'est lancé, en 2017, dans un projet très personnel. En feuilletant des livres de photographie sur le Maroc, il a réalisé qu'il manquait quelque chose. «La plupart étaient réalisés par des photographes qui ne connaissaient pas vraiment le pays. Je me suis dit : laissez-moi montrer le Maroc que je connais». Il a emballé son appareil photo et s'est rendu au pays, sans projet précis, mais simplement avec le désir de capturer le Maroc qu'il a vécu. Cette idée s'est ensuite traduite par une série appelée Dreamland, qui s'est transformée en livre en 2023. Dreamland est l'hommage visuel de Mounir au Maroc de ses étés d'enfance, un endroit où il n'a jamais vécu mais qu'il a profondément idéalisé. «C'est pourquoi ça s'appelle Dreamland», a-t-il expliqué, c'est nostalgique. Romantisé. «C'est ma version imaginée du Maroc». Lors des prises de photo en 2019, le père de Mounir est décédé de manière inattendue. Le deuil a assombri le processus créatif. Pour se reconnecter à son art, le photographe a commencé à capturer les images des motos de Marrakech depuis son toit, chaque après-midi. Ce projet parallèle est devenu Yallah. «Mon agent m'a dit que je devrais partager quelque chose du Maroc, mais je n'étais pas prêt à sortir Dreamland. Ensuite, j'ai regardé la série Yallah, initialement destinée au livre, et j'ai réalisé qu'elle pouvait se suffire à elle-même». Il a exposé la série et sorti une petite publication en 2021. «C'était la première fois que je montrais quelque chose publiquement». La réponse a été extrêmement positive et deux ans plus tard, Dreamland a été publié. «En regardant en arrière, je n'aurais jamais planifié cela de cette façon, mais la pandémie m'a obligé à repenser tout — et cela a fonctionné. Yallah était comme un aperçu. Dreamland est mon bébé», a-t-il dit fièrement. Le dernier projet de Mounir, Bladi, retourne dans la ville natale de son père sur le fleuve de Drâa, Tafergalt, pour documenter les effets du dérèglement climatique dans une région qui dépend de l'eau pour sa survie. «Cela a commencé avec ma famille, et c'est un projet à long terme sur lequel je travaillerai pendant des années. Pour moi, c'est chez moi. Mais pour mon cousin, ce n'est pas seulement symbolique, c'est sa terre. Il en a besoin pour gagner sa vie». Bien que le projet soit toujours en cours, les premières œuvres de Bladi sont actuellement exposées au Museum Hilversum. Article modifié le 17/05/2025 à 21h31