Les habitants de Casablanca le savent. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le mois de Ramadan constitue une période de floraison de la prostitution. Reportage. Les ardeurs des joyeux lurons ne disparaissent pas pendant les autres mois de l'année. Mais pendant le Ramadan, elles augmentent tant et si bien que l'on pourrait, sans trop exagérer, qualifier cette période de saison des rencontres sexuellement intensives. Casablanca en est l'échantillon le plus significatif. Et c'est l'incontournable boulevard Mohamed V qui est au cœur de l'événement, notamment le tronçon entre le rond-point Shell et le Marché central. Dès vingt-heures, les deux rives du boulevard sont envahies par des prostituées. Elles disparaissent et réapparaissent à une vitesse extraordinaire, jouant au cache-cache avec les éventuelles rafles de police et de la brigade des mœurs. Connaissant toutes les ruelles, les recoins et les détours du secteur, elles poursuivent leur activité sur ce rythme, ne se faisant prendre que très rarement. Même d'un café, la scène du contact et les palabres entre la femme de joie et son client sont repérables à vue d'œil. Il n'en faut pas plus de quelques minutes pour que le marché soit conclu ou, dans le cas contraire, le présumé client s'en va poursuivre sa chasse ailleurs. Si l'entente s'effectue, la prostituée prend la direction du lieu prévu, donnant des coups d'œil furtifs à gauche et à droite. La vigilance demeure de mise même après que le filet est plein. Elle part la première talonnée par le client qui aura assez de temps pour mieux contempler sa prise avant d'arriver à l'hôtel de passe qui se trouve également dans les parages. Ils ne marchent jamais côte à côte, c'est la règle absolue. Le prix varie entre 100 et 150 dh la passe, selon les circonstances « sécuritaires » et la dimension de l'offre. Les clients de ce genre de contact sont la plupart du temps des «étrangers» par rapport à la ville de Casablanca. On trouve parmi eux, des maçons qui vivent dans leur chantier de travail, loin de leurs familles, des quinquagénaires, des marchands ambulants et quelques amateurs de l'acte rapide. Tout cela est classique. Paradoxalement, ce genre d'activité décuple d'ampleur pendant ramadan. L'activité est intense. Devant un tel spectacle, penser que c'est une soirée du mois sacré semble irréel. L'autre revers concerne la prostitution moderne. Après le Ftour, les voitures commencent à sillonner les rues de la ville, aux quartiers populaires comme au centre-ville et jusqu'à la Corniche. Pour cette catégorie, la prise est quasi assurée. A moins que la voiture soit du genre repoussant, on ne met généralement pas plus d'un quart d'heure pour trouver l'âme sœur. Pour ce genre de dragueurs, les prostituées professionnelles, celles qui font ça toute l'année sont à éviter. La préférence va vers des amatrices occasionnelles, qui pratiquent durant le Ramadan.