La volonté de rejoindre l'autre rive de la Méditerranée, coûte que coûte, a poussé Abdelkrim à abandonner l'école et sa famille, et de s'adonner à des activités criminelles. Chambre criminelle, premier degré, près la Cour d'appel de Casablanca. Abdelkrim se trouve parmi un groupe de présumés coupables, présents à l'audience de ce jour du mois de février. Ils sont six personnes, accusées de vol qualifié. Les prévenus auditionnés, ont clamé tous leur innocence. Repris de justice, ils ont nié les accusations et charges retenues contre eux. Seul Abdelkrim, un jeune homme âgé de vingt-cinq ans, qui a un casier judiciaire vierge, avait avoué son forfait. «J'agressais mes victimes sans violence», a-t-il reconnu. Rasé de très près, cheveux bien peignés et portant une tenue de sport, il se tenait debout dignement. Son frère, qui assistait à l'audience, poussa un long soupir en entendant ses aveux. «Je n'ai jamais pensé voir mon frère au box des accusés», dit-il à voix basse pour ne pas être entendu par le président de la cour qui interrogeait encore le mis en cause. «Je suis passé aux aveux devant la police de mon plein gré. Je n'ai subi aucune maltraitance physique», a indiqué Abdelkrim. Abdelkrim était un jeune étudiant studieux. Il a poursuivi avec succès ses études jusqu'au baccalauréat. Après quoi, il a décidé d'abandonner les bancs de l'école. L'idée d'immigrer en Europe ne le quittait plus. C'était une obsession pour lui. Ses parents, son frère et sa sœur ont tenté de lui faire entendre raison. En vain. Il n'a pas voulu renoncer à son projet. «Soit vous m'aidez à immigrer clandestinement vers l'Europe soit vous me laissez tranquille. Sinon je quitterai la maison et je m'installerai ailleurs. J'amasserai l'argent nécessaire pour payer celui qui m'aidera à réaliser mon rêve», criait-il à la face de ses parents à chaque fois qu'ils cherchaient à lui faire changer d'avis. Quelques jours plus tard, il met à exécution sa menace de quitter le foyer familial. Où est-il parti ? Personne ne le sait. Le jeune homme a disparu un beau matin sans donner signe de vie. «Je suis parti à Salé, puis je me suis installé à Kenitra pour gagner ma vie. J'ai passé quelques nuits à la belle étoile», explique-t-il calmement à la cour. Devenu un SDF, il a erré dans les ruelles des deux villes durant quelques semaines. Sans ressources, il mendiait pour pouvoir acheter un morceau de pain. Après avoir ramassé une petite somme d'argent, de quoi payer le ticket de l'autocar pour revenir à Casablanca. Mais pas chez ses parents. "Je ne reviendrais chez moi qu'après avoir réalisé mon rêve", se disait-il. Entre temps, il a fait la connaissance d'un délinquant, un repris de justice. Ce dernier lui a proposé de "travailler" ensemble. C'est-à-dire d'agresser les gens. «Je menaçais mes victimes, notamment les femmes, avec un couteau. Je leur subtilisais tout ce qu'elles portent sur elles, argent et bijoux en or», a-t-il reconnu devant ses juges qui ont écouté son récit jusqu'au bout. Après avoir agressé plusieurs victimes, son complice a été arrêté, il y a deux semaines. Il a été condamné à trois ans de prison ferme. Après la condamnation de son complice, Abdelkrim ne savait plus quoi faire. Il a décidé alors de se livrer à la police. Ses méfaits lui ont coûté deux ans de prison ferme. Son rêve d'aller sous d'autres cieux ne s'est pas réalisé. Il s'est transformé en cauchemar. Un séjour en prison.