Les comprimés psychotropes, font ravage, à Casablanca. Appelés communément «Karkoubi» ou «bola hamra», dans la plupart des villes marocaines et «Madame courage» à Oujda, Ils sont de plus en plus consommés et recherchés par les jeunes Casablancais dont l'âge commence à partir de 13 ans. «Nous assistons à une recrudescence de l'approvisionnement du marché en comprimés psychotropes et pire encore de leur consommation parmi les jeunes et les enfants», a déclaré, à « Barlamane.com », Abdelmajid Kadiri, président de l'Association Al Azhar. Ce mal qui ronge la société et qui guette, chaque enfant, prend de l'ampleur, vu la multiplication des problèmes liés à la pauvreté, à l'abandon scolaire, à la démission des parents de leur rôle, dans l'éducation de leurs enfants et à la mauvaise fréquentation, sans oublier l'excès de zèle et surtout la grande disponibilité de ces produits sur le marché marocain, a-t-il précisé. Augmenter la sensibilisation dans les établissements scolaires et les prisons Pour aider ces jeunes toxicomanes, l'Association Al Azhar, qui mène un combat sans relâche pour amener les jeunes à réussir leur sevrage et à sensibiliser les non-consommateurs, depuis près de 10 ans, aux côtés de l'Association Addil Al wafer et l'Heure Joyeuse, ont lancé en 2015 une caravane qui visite les établissements scolaires et les prisons afin de sensibiliser et coacher les consommateurs pour les convaincre de s'abstenir. Ce collectif, avec ses moyens de bord et un appui de la part de l'Initiative Nationale de Développement Humain (INDH), crée, à l'intérieur de chaque collège ou lycée, une cellule de sensibilisation et de veille, composés, d'élèves bénévoles, qui restent en contact permanent avec les membres de ces associations. Dans le cadre de cette quête de proximité, 44 cellules ont été mises en place, à ce jour, dans la capitale économique du Royaume. Ce collectif, prévoit, en 2016, une nouvelle initiative, en partenariat avec l'Académie régionale de l'éducation et la formation de Casablanca sous le thème : «Casablanca protège ses élèves de la drogue», qui s'ouvre sur 30 établissements scolaires publics et privés, 7 instituts de formation professionnels et 2 prisons centrales. En l'absence de chiffres officiels de la consommation des comprimés psychotropes, il y a lieu de signaler que parmi les lycées visités, chaque cellule est composée en moyenne de 96 élèves dont le ¼ consomment des comprimés psychotropes. Sur ces 24, près de 8 sont sauvés tandis que 16 autres n'ont pas pu s'arrêter de consommer de tels produits dangereux. «Nous sommes heureux de pouvoir sauver des jeunes, mais ceux qui restent, en l'absence de suivi rigoureux et de soin, c'est difficile de les récupérer», se désole Abdelmajid Kadiri. Un mal qui ronge toutes les couches sociales «J'étais un grand consommateur du Karkoubi, que je mélangeais avec l'alcool, pour plus d'effet. J'ai commis beaucoup de délits, mais heureusement pour moi, je n'ai jamais été arrêté ou emprisonné car je m'évadais toujours, au bon moment, en utilisant les toits des maisons voisines. Je recherchais toujours cette montée d'adrénaline. Actuellement, je viens d'arrêter car j'ai de graves problèmes de santé au niveau de la respiration et des poumons», a témoigné Youssef, un Casablancais qui avoisine les 30 ans. «Je conseille aux jeunes de pratiquer beaucoup de marche et de courir souvent et d'arrêter de consommer ces comprimés psychotropes car la santé est un capital précieux qu'il faut savoir conserver», a-t-il ajouté. Il y a lieu de signaler que ce mal ne concerne pas uniquement les pauvres, des jeunes issus de milieux aisés y sont confrontés. Pis encore, les jeunes filles consomment également ce type de produits dangereux, autant que les garçons. Pour ceux dont les parents ont les moyens, des séances de sevrage sont disponibles auprès des centres de désintoxication de l'ordre de 500 DH/séance. Le pire, c'est que ces médicaments ne sont pas consommés tous seuls, ils sont mélangés, ce qui augmente le danger. Autre fléau, non des moindres, des produits de confiserie et de biscuiterie contenant des mélanges de Karkoubi et d'autres substances dangereuses, sont vendus devant les écoles avec leur emballages d'origine, avertit ce militant associatif. Les vendeurs malveillants, ouvrent ces produits et y ajoutent ces substances avant de les refermer, ce qui crée une dépendance chez les enfants. Pour éviter le pire, Abdelmajid Kadiri lance à un appel à l'Etat pour créer des postes budgétaires, dans chaque établissement scolaire, pour payer les services d'un psychologue et d'un médecin spécialisé dans la toxicomanie. «Et pourquoi ne pas durcir les conditions d'emprisonnement des dealers de drogue et des toxicomanes qui ont commis des actes criminels pour les dissuader de récidiver ?», propose-t-il. L'Algérie, principal fournisseur du marché L'Algérie reste le principal fournisseur du marché marocain en comprimés psychotropes, qui l'alimente de manière continue, malgré les efforts fournis par les autorités pour combattre ce trafic. A Casablanca, ces produits, sont actuellement vendus, au vu et au su de tous, dans certains points noirs. Il suffit de faire un tour à Derb Moulay Chrif, à Hay Mohammedi, à Ain Harrouda ou encore près de Douar Al Wasti, à Ain Sebaa, pour voir, le nombre de consommateurs qui se ruent sur les points de ventes clandestins constitués, entre 22h00 et minuit. Les adolescents et les jeunes s'approvisionnent chez les dealers en karkoubi, en drogue, et/ou en alcool, pour les mélanger. Et c'est ce mix, qui est responsable de l'état de violence et de brutalité, dont font preuve ces consommateurs. En ce moment, tout est permis pour ces personnes, qui peuvent tuer, violer, voler, sans merci, d'où la montée en flèche du nombre des crimes. Dans les zones de vente de ces produits dangereux, les riverains n'osent, d'ailleurs plus se hasarder à sortir la nuit vu le nombre importants d'agressions perpétrées, tant par les consommateurs en manque et qui n'ont pas de quoi acheter ces comprimés pour assouvir leur dépendance, que par les dealers eux-mêmes. Outre ces marchés nocturnes, les consommateurs s'approvisionnent également, à Sidi Bernoussi ou au niveau de l'ancienne Médina, chez des marchands plus discrets. Une chose est sûre, les Casablancais, comme tous les Marocains, craignent davantage pour leur progéniture. Les questions qui se posent le plus souvent sont les suivantes : comment protéger les enfants et les jeunes pour assurer une bonne relève pour demain et surtout comment déjouer les plans de l'Algérie ? A bon entendeur..