Malgré les promesses et les réformes annoncées, les derniers aveux du ministre Younes Sekkouri confirment l'impasse structurelle d'un marché du travail figé, où les politiques publiques peinent à inverser la courbe du chômage. Pour la première fois depuis son arrivée à la tête du ministère de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri a laissé tomber les éléments de langage. Face aux conseillers parlementaires réunis le 13 mai à Rabat, le ministre a reconnu, du bout des lèvres, ce que tout le monde observe déjà : le chômage demeure, selon ses propres mots, « peu soutenable à long terme ». Un aveu d'impuissance qui sonne comme un constat d'échec pour un gouvernement qui, après plus de trois ans de mandat, n'a toujours pas réussi à tenir l'une de ses promesses les plus attendues : faire reculer durablement le chômage. Depuis des mois, les chiffres s'accumulent et alimentent les doutes sur la capacité réelle de l'exécutif à inverser la tendance. Le taux national dépasse les 13%, avec des pics à plus de 30% chez les jeunes diplômés, notamment en milieu urbain. Pire encore, la dynamique d'exclusion s'enracine dans des territoires déjà fragilisés, en particulier dans les zones rurales et périurbaines. Le gouvernement Akhannouch, qui avait fait de l'emploi un axe stratégique de son programme, bute aujourd'hui sur une réalité implacable : le chômage au Maroc n'est pas une crise conjoncturelle, mais une faille structurelle à laquelle aucun gouvernement, depuis plus de deux décennies, n'a su apporter de réponse crédible. Tentant de défendre son bilan, Younes Sekkouri a détaillé une stratégie qu'il présente comme « ambitieuse et réaliste », reposant sur trois leviers : l'investissement productif, la réforme du cadre juridique du travail et le renforcement des politiques dites actives de l'emploi. Mais derrière les annonces, les résultats concrets peinent à suivre. Lire aussi : Chômage, reconversion, innovation : les enjeux de l'emploi marocain à l'horizon 2030 Le ministre mise notamment sur un décret destiné à soutenir les très petites, petites et moyennes entreprises, avec l'objectif affiché de créer jusqu'à 50 000 emplois. Une mesure louable sur le papier, mais qui reste marginale face à l'ampleur du défi national, où près de 1,6 million de Marocains cherchent en vain un emploi. Ainsi, le gouvernement veut y arriver par un mécanisme qui vise des projets ne dépassant pas 50 millions de dirhams, soit des investissements limités, peu susceptibles de déclencher un choc d'offre suffisant pour redynamiser l'ensemble du tissu économique. Des réformes en panne Autre chantier brandi par le ministre : la révision du Code du travail, qui devrait s'ouvrir dès octobre prochain dans le cadre du dialogue social tripartite. Une réforme présentée comme une réponse aux inégalités persistantes sur le marché de l'emploi, mais qui, à ce stade, reste encore à l'état d'intention. Les précédentes tentatives de réforme ont toutes achoppé sur des blocages politiques ou syndicaux, illustrant la difficulté de faire évoluer une législation souvent perçue comme rigide, voire déconnectée des réalités économiques. Younes Sekkouri a vanté une mesure budgétaire inédite : l'ouverture des subventions publiques aux jeunes sans diplôme, une première depuis près de trente ans. Si cette disposition peut effectivement élargir le spectre des bénéficiaires, elle pose néanmoins la question de son impact réel sur l'employabilité et la qualité des emplois créés, dans un marché où le travail précaire, informel ou sous-payé reste la norme pour des milliers de jeunes marocains. En creux, le ministre a fini par admettre ce que ses prédécesseurs avaient, eux aussi, été contraints de reconnaître : malgré les réformes, malgré les plans sectoriels, malgré les milliards engagés, le chômage reste une plaie ouverte. Le Maroc s'est habitué à des politiques qui promettent des « solutions durables », sans jamais en mesurer véritablement les effets sur le terrain. Pourtant, les attentes sociales n'ont jamais été aussi fortes. Dans un contexte marqué par les tensions sociales et la perte de confiance dans la capacité de l'Etat à répondre aux aspirations économiques des jeunes générations, la question de l'emploi devient de plus en plus explosive. Derrière les discours techniques, c'est la stabilité sociale du pays qui est en jeu.