Alors que les tensions s'intensifient au Moyen-Orient, Téhéran brandit la menace de fermer le détroit d'Hormuz, par lequel transite près de 20 % du pétrole mondial. Une telle décision, mettrait en péril les équilibres énergétiques mondiaux, tout en confrontant des puissances comme l'Europe et la Chine à des dilemmes stratégiques inédits. Le continent africain très dépendant des ces deux géants, subira les conséquences économiques. À chaque regain de tension dans le Golfe, le spectre d'une fermeture du détroit d'Hormuz resurgit. Cette fois, l'Iran, par la voix de responsables militaires, a explicitement évoqué cette option, qualifiée de « plausible » en cas d'escalade régionale. Cette déclaration, dans un contexte déjà marqué par l'instabilité au Proche-Orient, a aussitôt ravivé les craintes d'une onde de choc économique d'ampleur planétaire. Car si ce goulot d'étranglement maritime, large de seulement 50 kilomètres dans sa portion la plus étroite, est géographiquement modeste, il concentre une part disproportionnée de la logistique énergétique mondiale. Environ 17 millions de barils de pétrole y transitent chaque jour — soit près d'un cinquième de la consommation globale. Y circulent les exportations d'hydrocarbures de l'Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, du Koweït, de l'Irak, et du Qatar, faisant du détroit un pivot irremplaçable des flux énergétiques mondiaux. La fermeture, même temporaire, de cette artère vitale réduirait brutalement l'offre de pétrole disponible sur les marchés. L'Agence Internationale de l'Energie (AIE) et de nombreux analystes s'accordent à dire qu'aucune infrastructure terrestre alternative n'est en mesure de compenser un tel déficit à court terme. Dans un tel scénario, les cours du baril franchiraient vraisemblablement le seuil des 150 dollars, selon plusieurs projections. Une perspective qui renverrait aux chocs pétroliers des années 1970, avec cette différence majeure : les économies mondialisées d'aujourd'hui, interconnectées et fragilisées par les séquelles post-Covid et les tensions géopolitiques, seraient bien plus vulnérables. Lire aussi : Conflit Iran-Israël : vers une onde de choc économique mondiale L'impact ne se limiterait pas aux marchés pétroliers. L'effet domino serait immédiat : envolée des prix à la pompe, hausse des coûts de production, renchérissement du transport maritime, pression accrue sur les réseaux électriques. Les pays importateurs nets d'énergie — à commencer par ceux d'Europe et d'Asie — en subiraient les contrecoups les plus sévères. Une inflation importée frapperait des économies déjà confrontées à des arbitrages complexes entre resserrement monétaire et relance de la consommation. Pour la zone euro, encore ébranlée par les conséquences de la guerre en Ukraine, une telle hausse des prix de l'énergie pourrait raviver les tensions sociales et politiques, en alimentant les mouvements de contestation sur fond d'érosion du pouvoir d'achat. La fermeture du détroit ne constituerait pas seulement une crise énergétique : elle enclencherait aussi une séquence de déstabilisation financière. L'histoire récente a montré que les marchés réagissent violemment à l'incertitude géopolitique — en particulier lorsque celle-ci touche au cœur des infrastructures critiques. Une escalade dans le Golfe serait perçue comme un signal de fragmentation du système économique mondial. Les bourses plongeraient, les valeurs refuges comme l'or ou le dollar s'apprécieraient, et les grandes banques centrales seraient confrontées à des arbitrages délicats entre stabilité monétaire et soutien à la croissance. Au-delà du pétrole brut, le détroit d'Hormuz est également un corridor stratégique pour le gaz naturel liquéfié (GNL), dont le Qatar est l'un des principaux exportateurs. Les volumes de GNL transitant par le détroit représentent environ un quart du commerce mondial. Leur interruption perturberait durablement les chaînes d'approvisionnement énergétique, déjà sous tension depuis la crise ukrainienne. Les conséquences se répercuteraient sur les contrats long terme en Asie et sur les terminaux européens nouvellement installés pour diversifier les sources de gaz. Plus largement, le commerce mondial souffrirait de retards, de détournements logistiques et de hausses de coûts assurantiels sur les routes maritimes de la région. La crise aurait également des répercussions diplomatiques majeures, en particulier pour la Chine. Pékin, lié à l'Iran par des accords de coopération énergétique et militaire, verrait ses intérêts directement menacés par une fermeture du détroit. La Chine importe près de 40 % de son pétrole du Golfe. Elle se retrouverait dans une posture délicate : continuer à soutenir son partenaire stratégique, ou faire pression pour la levée du blocus afin de préserver sa sécurité énergétique. Cette tension mettrait à l'épreuve la doctrine chinoise de non-ingérence et pourrait accélérer le basculement de la diplomatie énergétique asiatique vers des alliances de circonstance avec les monarchies du Golfe. Plus fondamentalement, elle révélerait l'ambivalence d'un ordre mondial fragmenté, où les interdépendances économiques ne suffisent plus à garantir la stabilité géopolitique.