Confronté à la menace d'un effondrement financier de ses régimes de retraite, le gouvernement d'Aziz Akhannouch s'en tiendra, selon nos informations, à une approche d'une facilité excessive, privilégiant l'allongement de la durée d'activité et l'augmentation des contributions sans s'atteler aux véritables failles structurelles du système. En évacuant toute réflexion sur la diversification des sources de financement, sur l'intégration des nouvelles formes de travail et sur l'amélioration de la gestion des réserves, l'exécutif se limite à un correctif paramétrique qui ne fait que retarder l'inévitable. Ce choix, qui trahit une absence criante d'imagination, illustre une gestion comptable des affaires publiques où l'on pallie les déficits par des artifices financiers plutôt que par une refonte réfléchie du modèle de protection sociale. À l'heure où les transformations économiques et démographiques imposent une redéfinition des équilibres entre générations, entre emploi formel et activité informelle, entre salariat traditionnel et travail indépendant, cette réforme préparée apparaît comme une occasion manquée, révélatrice d'une gouvernance qui, faute de courage, se résigne à perpétuer l'existant au lieu de le réinventer. Le ministère de l'économie et des finances a arrêté les contours définitifs d'une réforme cruciale des régimes de retraite menacés d'insolvabilité, a appris Barlamane.com de ses sources. L'exécutif soumettra prochainement ce projet aux partenaires sociaux dans le cadre d'une concertation dont les premières discussions s'amorceront en avril. À en croire les informations consultées, la refonte s'appuiera sur deux axes majeurs : un relèvement progressif de l'âge de départ à 65 ans et une révision des taux de cotisation, y compris pour le secteur privé. Ces mesures, jugées indispensables, seront intégrées dans un texte de loi qui devrait être soumis au Parlement lors de la prochaine session législative. Une réforme des retraites dénuée de souffle, symptôme d'une gouvernance sans imagination L'exécutif, confronté à l'assèchement programmé des régimes de retraite, s'en tient à des palliatifs d'une orthodoxie désarmante où l'arithmétique budgétaire supplante toute volonté de refondation. Loin d'interroger les principes fondateurs du système, le gouvernement se résigne à une approche strictement paramétrique qui repousse l'âge de départ et alourdit la charge contributive, sans concevoir l'architecture alternative qu'exigerait la crise latente d'un modèle conçu pour un monde qui n'est plus. L'équilibre financier d'un régime de retraite ne saurait être réduit à la seule modulation de ses entrées et sorties. Une telle vision, toute empreinte de statisme, méconnaît les nouvelles trajectoires contemporaines qui disloquent les schémas hérités : fragmentation des carrières, essor des statuts hybrides, précarisation structurelle d'une part croissante de la population active. À rebours de cette réalité mouvante, le gouvernement persiste dans une logique d'ajustement interne au lieu d'imaginer un dispositif suffisamment flexible pour embrasser la diversité des parcours professionnels et prémunir l'avenir contre l'érosion du salariat classique. Plutôt que d'asseoir la viabilité du système sur un élargissement des bases contributives par l'inclusion effective des travailleurs indépendants et informels dans un cadre unifié, le gouvernement choisit la voie la plus courte : celle qui fait peser l'effort sur les mêmes assujettis, au risque d'accroître la défiance et de nourrir un phénomène d'évasion contributive qui, à terme, compromettra l'édifice qu'il prétend préserver. Une myopie financière, indifférente aux leviers de rendement et de diversification L'autre écueil majeur de cette réforme tient à son absence de réflexion sur les sources de financement alternatives. Là où des pays confrontés aux mêmes défis ont su mobiliser des instruments nouveaux – taxation ciblée des revenus du capital, mise à contribution des rentes oligopolistiques, allocation plus efficiente des réserves accumulées par les caisses –, l'exécutif, dont le mandat termine en 2026, demeure prisonnier d'une approche exclusivement contributive, ignorant les potentialités qu'offrirait une gestion plus large de l'épargne vieillesse. Les réserves des régimes de retraite, en particulier celles relevant des fonds publics, souffrent d'une affectation rigide et d'un rendement insuffisant entravés par des règles prudentielles obsolètes. Il eût fallu envisager une stratégie de valorisation patrimoniale plus audacieuse articulée autour d'un pilotage actif des portefeuilles, d'un arbitrage plus efficace entre placements obligataires et actifs réels, voire, lorsqu'on pense au Maroc de 2030, d'une participation accrue aux grands projets d'infrastructures, à l'image des modèles scandinaves. Au lieu de quoi, le gouvernement s'en remet à des ajustements qui ne font que prolonger l'illusion d'un équilibre comptable, ajournant la remise en cause des fondements mêmes du système, alors que la démographie et l'économie commandent une refonte structurelle. Une approche déconnectée de la question du travail et de la productivité nationale Enfin, cette réforme, en ce qu'elle se borne à déplacer des curseurs sans interroger le substrat économique, passe sous silence une question fondamentale : celle du lien entre régime de retraite et contexte de l'emploi. Augmenter l'âge de départ sans infléchir la courbe du chômage des jeunes qui explose, c'est aggraver les tensions intergénérationnelles et ralentir le renouvellement des compétences au sein des entreprises. Depuis des années, l'économie peine à absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail, allonger la durée d'activité sans renforcer les dispositifs de transition, de formation continue et d'adaptabilité des seniors revient à accentuer la saturation des débouchés professionnels. La véritable urgence eût été de repenser les trajectoires professionnelles dans leur ensemble en liant la question des retraites à une politique plus vaste de soutien à l'employabilité des travailleurs âgés et à la fluidification du marché du travail. Mais cet horizon semble étranger aux préoccupations gouvernementales, comme si l'enjeu des retraites pouvait être traité indépendamment des structures économiques et sociales qui le sous-tendent. Il en résulte une réforme anémique, qui ne remédie à rien et ne prévient rien, se contentant d'un bricolage transitoire là où seule une refondation en profondeur pourrait conjurer la menace d'un effondrement à terme. Ce projet, qui sera officialisé dans quelques semaines, illustre avec éclat les limites d'une gouvernance qui, faute de volonté et de hauteur de vue, se condamne à une gestion au fil de l'eau, incapable d'anticiper autrement que par des expédients comptables les chocs à venir. Aziz Akhannouch ne fait que différer le précipice, sans jamais l'éloigner, et ce dans plusieurs domaines.