La coopération sécuritaire et migratoire entre le Maroc et la France s'apprête à franchir un seuil inédit de rigueur et de précision. Lors d'une séance de travail tenue lundi 14 avril à Rabat, Abdelouafi Laftit, ministre marocain de l'intérieur a reçu son homologue français Bruno Retailleau pour une concertation qui aura été marquée par la décision d'instaurer un cadre révisé et hautement structuré de partenariat bilatéral, en matière de sécurité intérieure et de gestion des flux migratoires. Une fraude identitaire à grande échelle : 27 % des Algériens interpellés en France prétendent être Marocains Au cœur des échanges figuraient des préoccupations concrètes, et parmi elles, l'usurpation systématique de l'identité marocaine par des ressortissants algériens en situation irrégulière, dans le dessein explicite d'échapper aux mesures d'éloignement décidées par les juridictions françaises. Un rapport publié récemment par la Fondation pour la recherche sur l'administration et les politiques publiques (FRAP), organisme indépendant d'évaluation des politiques publiques, révèle des chiffres d'une acuité singulière : sur les 8 250 ressortissants algériens interpellés en 2023 sur le territoire français pour divers délits, près de 27 % ont affirmé, lors de leur interrogatoire, être de nationalité marocaine. Ce phénomène, qualifié de substitution identitaire délibérée, a été remarqué en Île-de-France, dans les Bouches-du-Rhône, et dans plusieurs départements du Nord. Une stratégie de dissimulation minutieusement organisée Le parquet de Paris, alerté depuis 2020 sur cette prolifération de fausses déclarations d'identité, suspecte l'existence de réseaux structurés, disposant d'une connaissance fine des lacunes administratives et œuvrant à encadrer ces manœuvres frauduleuses. Les personnes concernées se livrent à une dissimulation méticuleuse de leur identité réelle, exploitant les délais de vérification documentaire et les contraintes juridiques qui ralentissent l'exécution des mesures d'éloignement. Ces allégations fallacieuses ralentissent les enquêtes, brouillent la coopération consulaire et entravent directement la reconduite des personnes en situation irrégulière vers leur pays d'origine, l'Algérie. Un cas emblématique : l'échec d'une expulsion vers le Maroc depuis l'Allemagne Un épisode récent survenu outre-Rhin vient illustrer les ramifications internationales de ce stratagème. Détenu par la police allemande pour séjour illégal, un ressortissant algérien a présenté une fausse identité marocaine, assortie de documents frauduleux, convainquant les autorités allemandes de procéder à son éloignement vers le Maroc. Escorté par trois agents de la Bundespolizei, il a été débarqué à l'aéroport de Marrakech-Menara où les services marocains de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), grâce à une consultation des bases de données biométriques, ont formellement établi que l'homme n'avait aucun lien juridique ou national avec le Maroc. L'individu a été retenu sur le tarmac, dans l'attente de sa réadmission en Allemagne, prélude à une réexpulsion vers l'Algérie. Une refonte juridique et technique des instruments bilatéraux en cours Face à ces détournements de procédures, les deux ministres ont convenu d'amorcer une révision en profondeur des conventions administratives et sécuritaires liant leurs ministères respectifs. Ce chantier entend doter les deux pays d'un dispositif interopérable d'échange d'informations, fondé sur une consultation automatisée et immédiate des données d'état civil et des empreintes biométriques afin de réduire les marges de fraude à l'identité. Ce futur dispositif devra permettre de tarir les sources de dissimulation, neutraliser les filières clandestines et garantir la véracité des identités dans toutes les procédures contentieuses. Ce rapprochement intervient dans un climat de rapprochement historique entre Paris et Rabat, désireux de rétablir une assise bilatérale robuste établie sur la confiance mutuelle, la transparence administrative et le respect scrupuleux du droit. Le Maroc, dont les services sont réputés pour leur rigueur dans la vérification des identités, entend faire barrage à l'utilisation abusive de sa nationalité. Dans cette perspective, Rabat réaffirme son refus catégorique de devenir le réceptacle des expulsés sans identité avérée.