L'un des principaux opérateurs de services financiers marocains, Cash Plus, a déclaré ouvrir l'accès à ses comptes aux non-résidents munis d'un passeport en cours de validité, sans exigence de domiciliation bancaire préalable. Cette disposition, inédite dans le paysage monétaire national, marque un tournant pour le groupe, qui articule désormais sa stratégie autour d'un rayonnement transfrontalier. Fondée en 2004 à Casablanca, Cash Plus s'est détachée de son statut originel d'opérateur de transferts d'argent pour devenir, en deux décennies, un acteur structurant du maillage financier marocain. L'entreprise, forte d'un réseau de 8 000 agences, a franchi en 2024 un volume de 100 milliards de dirhams de transactions, soit l'équivalent de 10,75 milliards de dollars américains, et affiche un revenu net de 218,4 millions de dirhams, en progression de 26 % par rapport à l'exercice précédent. Cette ouverture aux usagers non-résidents survient à l'heure où le Maroc, hôte désigné de la Coupe d'Afrique des nations 2025 (CAN) et coorganisateur de la Coupe du monde de football 2030, capte les regards bien au-delà de son périmètre naturel. La Banque centrale (BAM), tout en préservant sa ligne de prudence, observe l'émergence de ces acteurs avec circonspection, en particulier sur les segments liés aux cryptoactifs et aux flux transnationaux à haut risque. «Nous érigeons une architecture qui répond autant aux attentes locales qu'aux besoins d'intervenants extérieurs», a déclaré Nabil Amar, président du conseil d'administration de Cash Plus. «Il ne s'agit pas de dupliquer un modèle étranger, mais de façonner une grammaire adaptée aux réalités du terrain.» Porté par un plan stratégique baptisé Life Plus, et soutenu par un apport en capital de 57 millions d'euros apporté par Mediterrania Capital Partners, avec le concours de la Société financière internationale (IFC) et de FMO, Cash Plus œuvre à une refonte profonde de ses systèmes numériques. Son portefeuille d'application mobile, M-Wallet, dépasse désormais le million d'utilisateurs actifs. La perspective d'une introduction en bourse (IPO) à l'horizon 2027 est évoquée avec discrétion, mais ne fait plus mystère dans les cercles spécialisés. En parallèle, le secteur demeure attentif aux mouvements de grands opérateurs étrangers. Le groupe britannique Revolut, valorisé à 41 milliards d'euros, explore des pistes d'implantation à Casablanca, tout en butant sur un cadre réglementaire peu perméable. Aucun agrément bancaire d'origine étrangère n'a été délivré au Maroc depuis plus d'une décennie, et les autorités monétaires conditionnent toute entrée à des partenariats locaux contraints. Selon plusieurs observateurs, Rabat pourrait devenir une juridiction d'épreuve pour les opérateurs souhaitant se projeter vers l'Afrique francophone de l'Ouest. «Celui qui comprend le Maroc pourra pénétrer le reste du flanc atlantique», confiait un analyste basé à Dakar. La tenue de la CAN en 2025, suivie de la Coupe du monde cinq ans plus tard, augure d'une envolée des transactions électroniques, des transferts migratoires et des paiements transfrontaliers. Dans ce climat d'effervescence, Cash Plus se positionne comme rempart autant que tremplin, consciente que l'afflux d'acteurs extérieurs ne se fera pas sans épreuve de légitimité.