Depuis trente ans, l'Espagne a accordé la nationalité à plus de 2,5 millions d'étrangers, modifiant en profondeur le visage de sa société, de son système éducatif et désormais de son corps électoral. Selon les données du ministère de l'inclusion, de la sécurité sociale et des migrations, 2 545 184 étrangers ont obtenu la citoyenneté espagnole depuis 1996, conférant à une large majorité d'entre eux la faculté de participer aux scrutins nationaux. Une montée en puissance électorale aux origines multiples Parmi ces naturalisés, environ 2 364 000 pourront exercer leur droit de vote lors des prochaines élections générales, représentant plus de 6 % du total des inscrits sur les listes électorales, qui avoisinent les 37,5 millions d'électeurs, majoritairement des Marocains. Ce nouvel électorat, aux convictions politiques et aux ressources économiques hétérogènes, devient l'objet de toutes les convoitises des partis politiques qui cherchent à en capter les suffrages. Toutefois, la montée en puissance de cette population récemment intégrée suscite aussi des réserves, notamment chez Vox, parti d'extrême droite, qui dénonce les mesures gouvernementales de régularisation massive des immigrés comme une manœuvre destinée à «reconfigurer le corps électoral» au profit des formations de gauche. Le Maroc en tête Les chiffres officiels de l'Institut national de la statistique (INE) confirment que les Marocains sont la communauté la plus nombreuse parmi les naturalisés, avec 42 910 nouveaux citoyens en 2024. Viennent ensuite les Vénézuéliens, au nombre de 35 403, qui deviennent ainsi la deuxième communauté la plus importante, suivis par les Colombiens avec 26 224 naturalisés. L'INE révèle également une progression de 5,1 % du total des naturalisations par rapport à 2023, avec 252 476 nouveaux citoyens espagnols. La répartition par genre fait apparaître une légère prédominance féminine, avec 56 % de femmes contre 44 % d'hommes tandis que l'âge moyen se situe entre 30 et 49 ans. Le délai légal de résidence en Espagne requis pour l'acquisition de la nationalité est en général de cinq ans. Le mode d'acquisition privilégie la résidence, qui justifie 85 % des naturalisations pendant que 14,4 % relèvent de l'option. D'autres nationalités se distinguent parmi les naturalisés, notamment celles des Honduriens (15 574), des Equatoriens (10 871), des Péruviens (10 480), des Dominicains (9 452), des Argentins (8 558), des Boliviens (8 385) et des Cubains (8 045). Cette transformation démographique et politique souligne la profonde métamorphose que connaît la société espagnole, posant des enjeux cruciaux pour la recomposition du paysage électoral à l'orée d'échéances déterminantes.