Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
Selon l'Atlantic Council, les accords d'Abraham, qui incluent le Maroc, doivent désormais excéder la simple reconnaissance diplomatique pour devenir un véritable réseau de coopération
À l'heure actuelle, des voix influentes à Washington plaident pour un renouveau audacieux des accords d'Abraham, perçus non comme une relique d'un moment de concorde diplomatique, mais comme un socle indispensable à l'émergence d'un ordre régional apaisé, rationnel et solidaire. Un article publié mardi 10 juin par Allison Minor, directrice de la N7 Initiative — partenariat entre la Jeffrey M. Talpins Foundation et l'Atlantic Council — appelle à une relecture stratégique des accords d'Abraham, signés en 2020 entre Israël, les Emirats arabes unis (EAU), Bahreïn, et ultérieurement rejoints par le Maroc et le Soudan. Ce texte s'impose comme un plaidoyer résolu en faveur d'un approfondissement structurel de ces accords, qui, selon l'auteur, doivent désormais excéder la simple reconnaissance diplomatique pour devenir un véritable réseau de coopération enraciné dans des principes partagés. «Les secousses géopolitiques récentes ne doivent pas être prétexte à l'attentisme», écrit-elle. «Un Moyen-Orient pacifié ne saurait émerger de l'inertie ; il requiert une architecture coopérative où la tolérance religieuse, la croissance équitable et la gestion concertée des défis communs deviennent des normes collectives». L'analyse distingue trois orientations majeures, jugées impératives pour assurer l'avenir du dispositif : 1. Substituer aux gestes de reconnaissance une convergence substantielle autour de valeurs durables. Les Etats signataires doivent s'engager, selon Mme Minor, dans une mise en œuvre sincère de principes transcendants : accueil des différences confessionnelles, partage des savoir-faire technologiques, diffusion des bienfaits du progrès économique à l'ensemble des couches sociales. 2. Fonder une structure souple, à géométrie variable, apte à susciter des coopérations transversales. Inspirée des mécanismes régionaux tels que l'ASEAN (Association des nations de l'Asie du Sud-Est), cette plate-forme, affranchie de pesanteurs bureaucratiques, favoriserait des rencontres régulières entre hauts responsables, indépendamment des divergences politiques persistantes. Les collaborations entre universités, établissements hospitaliers ou associations seraient encouragées, dans l'espoir de tisser des alliances profondes, mues par la société civile autant que par les chancelleries. 3. Inviter les Etats du Moyen-Orient à assumer une responsabilité accrue dans l'animation du dispositif. Israël, notamment, est exhorté à promouvoir activement ses expertises dans les domaines de la haute technologie, de l'agriculture durable ou du financement de projets communs. Les Emirats arabes unis, quant à eux, devraient continuer de mettre à profit leur position d'avant-garde dans les secteurs de l'énergie renouvelable, de la sécurité alimentaire et de la recherche appliquée. «Le soutien des Etats-Unis est précieux, mais l'élan doit désormais provenir des sociétés du Proche-Orient elles-mêmes», insiste-t-elle. L'article rappelle que les gains d'une telle trajectoire sont déjà tangibles. Le rôle discret joué par Abou Dhabi pour contenir les tensions entre Tel-Aviv et Damas témoigne d'une diplomatie pragmatique rendue possible par les liens noués depuis cinq ans entre responsables israéliens et émiratis. De surcroît, la coordination militaire inédite observée lors de l'interception de missiles iraniens en avril dernier révèle un alignement sécuritaire nouveau, encore récemment inimaginable. Sur le plan économique, des projets de corridors commerciaux — à l'instar du IMEC (India–Middle East–Europe Economic Corridor) — pourraient remodeler le tissu des échanges eurasiatiques et offrir aux nations arabes de nouvelles perspectives d'intégration régionale, tout en réduisant la dépendance à l'égard des ambitions chinoises incarnées par les Nouvelles routes de la soie. Enfin, le texte met en garde contre l'illusion selon laquelle l'adhésion de l'Arabie saoudite serait le préalable à toute avancée. Si Riyad a posé comme condition sine qua non une solution crédible à la question palestinienne, les Etats-Unis — et plus particulièrement l'administration Trump, appelée à jouer un rôle moteur dans une éventuelle seconde présidence — doivent dès à présent œuvrer à la sanctuarisation du noyau existant. Il s'agit, selon Mme Minor, de préparer le terrain à une extension progressive, incluant des Etats à majorité musulmane jouxtant le Proche-Orient, naturellement liés à celui-ci par des affinités économiques et stratégiques. «Ce n'est qu'en agissant maintenant, avec lucidité et résolution, que les partenaires des Accords d'Abraham seront en mesure de transformer une entente historique en vecteur durable de stabilité et de prospérité», a-t-elle conclu.