Le Congrès national africain (ANC, majorité) a vertement critiqué Jacob Zuma, accusant l'ancien président sud-africain de mener une «contre-révolution» en adoptant les thèses marocaines sur le Sahara, surtout après la visite de M. Zuma à Rabat cette semaine. Dans un communiqué diffusé samedi 19 juillet, le mouvement au pouvoir à Pretoria se dit «profondément préoccupé» par les déclarations récentes de M. Zuma, y voyant une rupture manifeste avec l'éthique internationaliste qui, selon ses termes, «avait jadis porté l'ANC dans son combat [contre l'apartheid]». «Pour un homme qui a lui-même bénéficié de cette solidarité militante, son adhésion au récit du Maroc dépasse la simple déception», affirme le texte, accusant l'ancien chef d'Etat de renier les combats auxquels il doit sa légitimité passée. L'ANC déplore que M. Zuma ait choisi de «prêter son image à [Rabat]», y voyant un affront à l'engagement de l'Afrique du Sud auprès du Polisario, qui s'est étiolé au fil des années. Fracture au sein de la coalition gouvernementale L'ancien chef de l'Etat sud-africain défend désormais la légitimité de la souverainté territoriale du Maroc sur le Sahara, une position historique qui accentue les lignes de fracture au sein de l'ANC. Son parti, uMkhonto weSizwe (MK), récemment devenu la troisième force politique du pays à l'issue des élections du 29 mai 2024, a publié un document programmatique intitulé «Partenariat stratégique pour l'unité africaine, l'émancipation économique et l'intégrité territoriale : le Maroc», affiché en page d'accueil de son site officiel. Ce texte, présenté comme l'un des premiers fondements doctrinaux du MK depuis son entrée au Parlement, appelle à un rapprochement politique entre Pretoria et Rabat au nom des «liens historiques» entre les deux pays. «L'identité du MK est enracinée dans la lutte pour la dignité en Afrique du Sud. De manière similaire, le Maroc s'est forgé dans la résistance à la domination coloniale et la quête d'unité nationale», affirme le document. La publication du texte a provoqué une onde de choc dans les rangs de l'ANC. Coïncidence majeure : le document, dévoilé par Barlamane.com, a été mis en ligne dix jours avant la tenue d'une audience disciplinaire contre Obed Bapela, ancien vice-président de la sous-commission des relations internationales de l'ANC, suspendu après un déplacement au Maroc où il a rencontré le chef de la diplomatie Nasser Bourita, qu'il affirme avoir effectué à titre strictement privé. Mémoire combattante et revendications territoriales Le document du MK souligne que le royaume chérifien aurait apporté, dès 1962, un soutien financier et militaire à la branche armée de l'ANC, uMkhonto weSizwe. Il insiste sur la parenté historique entre «la lutte de l'Afrique du Sud contre l'apartheid et celle du Maroc contre les occupations française et espagnole», et affirme que le Sahara occidental «a toujours fait partie intégrante du territoire marocain». Le porte-parole du MK, Nhlamulo Ndhlela, a confirmé que cette position reflétait les liens historiques entre le mouvement de libération sud-africain et le Maroc. Le texte invoque les principes de «souveraineté, d'autodétermination, d'intégrité territoriale et de libération des peuples opprimés» pour justifier son alignement sur la position de Rabat. Un rapprochement amorcé dès 2017 Ce positionnement actuel du MK prolonge néanmoins les gestes diplomatiques engagés par Jacob Zuma durant son mandat présidentiel. En 2017, il avait rencontré le roi Mohammed VI en marge du sommet Union africaine–Union européenne à Abidjan, événement qui avait permis la reprise des relations diplomatiques entre Pretoria et Rabat. Cette normalisation n'avait cependant pas modifié l'attitude générale de l'ANC, qui restait fermement hostile à la politique marocaine au Sahara, malgré le surgissement de quelques voix dissidentes critiquant une ligne diplomatique figée dans ce dossier.