Une campagne de fouilles archéologiques sans précédent, conduite entre 2024 et 2025 sur le site de Sijilmassa (Tafilalet) par l'Institut national des sciences de l'archéologie et du patrimoine (INSAP), a permis de mettre au jour des vestiges majeurs couvrant dix siècles d'occupation humaine, selon un communiqué diffusé par le ministère de la jeunesse, de la culture et de la communication. Le texte souligne que «longtemps restée discrète dans le paysage archéologique marocain, Sijilmassa commence aujourd'hui à se dévoiler avec des découvertes exceptionnelles sur le plan architectural, religieux, domestique, artistique, funéraire et monétaire». Il s'agit de l'intervention la plus vaste jamais entreprise sur le site depuis les années 1970, s'étendant sur 9 000 m2 au cœur du noyau urbain de cette ancienne cité-carrefour des échanges transsahariens fondée à la fin du VIIIe siècle. La plus ancienne mosquée du Maroc mise au jour Au centre du dispositif mis au jour, les archéologues ont dégagé les fondations d'un vaste complexe religieux, «comprenant une mosquée médiévale de 2 620 m2 pouvant accueillir environ 2 600 fidèles». Ce bâtiment présente «plusieurs niveaux de construction successifs, depuis la mosquée originelle fondée sous le règne d'Abû al-Montasir al-Yasa' (fin du VIIIe siècle – début du IXe siècle), jusqu'aux phases almoravide et almohade (XIe–XIIIe siècles), puis à la mosquée alaouite encore visible en élévation». Cette stratification, souligne le communiqué, «fait de la mosquée de Sijilmassa l'une des plus anciennes attestées au Maroc», ce qui en fait un repère fondamental dans l'histoire religieuse du Maghreb. L'un des plus anciens décors islamiques connus au Maroc Les couches inférieures du site ont livré un mobilier d'un intérêt exceptionnel : «un ensemble remarquable de fragments de plâtre sculpté datant de l'époque midraride (VIIIe–Xe siècle)». Ornés de «motifs géométriques, végétaux et épigraphiques finement travaillés», ces éléments décoratifs sont qualifiés dans le communiqué de «plus anciens témoins de l'art islamique connus à ce jour au Maroc». Par ailleurs, les fouilles de la médersa alaouite ont permis de découvrir «des centaines de fragments de bois peint, datés du XVIIIe siècle». Le texte mentionne «un cèdre d'une polychromie éclatante, conservant des motifs végétaux polychromes» et précise qu'ils «témoignent de la présence de la dorure à la feuille d'or (tadhhīb)». Il s'agit là des «premiers témoignages matériels du décor architectural alaouite à Sijilmassa». Un atelier monétaire enfin attesté Jusqu'alors supposée par les historiens, l'activité monétaire de Sijilmassa trouve désormais confirmation. En effet, le ministère annonce la découverte «non loin de la Mosquée de Sijilmassa» d'un «moule en céramique de type 'nid d'abeille', destiné à la fabrication de flans monétaires en or». Le document ajoute que cet objet «présente encore des résidus d'or dans ses cavités, confirmant son utilisation pour la production des célèbres dinars sijilmassiens». Le communiqué qualifie cette trouvaille de «découverte unique au Maroc et deuxième en Afrique après Tadmekka au Mali», et affirme qu'elle «confirme l'importance de Sijilmassa comme centre majeur de production monétaire dans l'Occident islamique». Il précise qu'il s'agit de «la première preuve matérielle tangible d'une activité liée à la frappe de monnaies en or dans la région». Un quartier résidentiel alaouite complet exhumé pour la première fois Parmi les résultats les plus inédits figure la mise au jour «pour la toute première fois [...] d'un quartier résidentiel complet datant de l'époque alaouite (XVIIe–XVIIIe siècles)». Ce quartier comprend «12 maisons bâties selon un plan homogène», organisées autour de patios, avec «des pièces d'habitation, des espaces de stockage, et un riche mobilier domestique, notamment de la vaisselle». L'analyse archéobotanique menée sur les prélèvements effectués dans ce secteur a permis d'identifier «des restes de dattes et d'autres produits agricoles», offrant des données nouvelles sur le régime alimentaire dans ce milieu présaharien. Le texte officiel souligne que «cette découverte atteste pour la première fois, de manière matérielle, de la présence ancienne des Chorafa alaouites à Sijilmassa», et précise qu'elle «ouvre une nouvelle page de l'histoire du site, en mettant en lumière une phase d'occupation encore peu documentée, mais essentielle à la compréhension de l'évolution urbaine, sociale et politique de la ville dans la longue durée». Une ville ressuscitée par l'archéologie En conclusion, le ministère considère que «les résultats des fouilles archéologiques menées par l'INSAP au site de Sijilmassa dépassent le simple cadre local», car «ils apportent des éléments essentiels pour comprendre l'histoire du peuplement, de l'art et des échanges transsahariens». Il résume enfin que «les vestiges dévoilés à ces dernières campagnes de 2024 et 2025, dévoilent la ville dont les textes historiques nous racontaient ; sa mosquée, sa médersa, ses ruelles, ses maisons et ses ateliers reprennent vie à nouveau».