Les écrivains Boualem Sansal et le journaliste Christophe Gleizes demeurent retenus en Algérie et la tension entre Alger et Paris atteint, selon plusieurs selon la dernière édition du Journal du dimanche (JDD), un degré d'exaspération rarement égalé depuis la rupture diplomatique de 2021. L'Elysée reconnaît qu'il est «difficile d'avoir des certitudes sur l'état de santé de Boualem Sansal» et qu'il demeure «sans nouvelles directes avec Alger, au moins depuis l'été». Aucun communiqué officiel n'a été diffusé, mais, précise la présidence, «le chef de l'Etat assume de rester dans une ligne de fermeté, tout en agissant par les canaux discrets disponibles pour obtenir leur libération». Une crispation politique et mémorielle Le secrétaire d'Etat Jean-Noël Barrot a dénoncé ce qu'il qualifie d'«accusation d'angélisme» à propos de la position française, soulignant que «face à l'ampleur des tensions bilatérales de ces derniers mois, la France a répondu par la réciprocité et la retenue». Le ministère des affaires étrangères, de son côté, évoque «la restriction de circulation imposée aux diplomates algériens» comme mesure de réciprocité. Selon plusieurs sources gouvernementales citées par le JDD, le cas de Boualem Sansal et de Christophe Gleizes n'est pas lié à une question de droit commun mais «à la volonté du pouvoir algérien d'exercer une pression politique à l'approche de la présidentielle française de 2027». Le ministère évoque de son côté «la persistance d'un climat d'hostilité mémorielle et politique qui empoisonne la relation bilatérale». M. Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger de 2008 à 2012, puis de 2017 à 2020, rappelle que «la dégradation des relations n'a rien de soudain». Il souligne que «les crises diplomatiques entre les deux pays s'enchaînent depuis des décennies autour d'un même noyau : l'immigration, la mémoire coloniale et la souveraineté au Maghreb». L'ancien diplomate observe que «le départ de Rémi Rioux et la fin du dialogue avec les Algériens ont ouvert la voie à une méfiance structurelle». Pour M. Driencourt, «le gouvernement algérien cherche à se servir des dossiers mémoriels et humanitaires comme levier dans sa relation avec Paris». Il ajoute que «la diplomatie française paie aujourd'hui le prix d'une succession d'attitudes hésitantes et de signaux contradictoires envoyés depuis 2021». Des relations sans horizon clair Bruno Retailleau, chef du groupe Les Républicains au Sénat, affirme pour sa part que «la France se trouve aujourd'hui prisonnière d'un régime qui ne veut ni apaiser ni dialoguer». Il ajoute : «Il faut être deux pour négocier et l'Algérie le refuse». Selon le rapport parlementaire des députés Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, «les relations économiques et consulaires entre les deux Etats se sont dégradées dans des proportions inédites». Le document évoque notamment «le blocage des visas, la suspension de plusieurs accords techniques et la multiplication des déclarations hostiles». À l'Assemblée nationale, plusieurs députés estiment que «la question algérienne est devenue un angle mort de la diplomatie française». L'un d'eux confie que «le président Tebboune joue sur la lassitude française et la peur d'un nouvel exil migratoire pour maintenir la pression». Au-delà de la conjoncture, M. Driencourt juge que «la relation bilatérale souffre d'un vice d'origine : l'illusion, depuis 1962, qu'elle pourrait un jour être normalisée». Selon lui, «aucun gouvernement français n'a su rompre avec la logique post-coloniale qui continue d'empoisonner la perception réciproque». Un conseiller du Quai d'Orsay résume la situation d'une phrase : «Nous sommes prisonniers d'une relation devenue exécrable» au moment où les ONG, comme Amnesty International, restent tacites.