Le grand-père maternel de Sidi Ould Tah, Mohamed Salem Ould Mkhaïrat, est l'un des bâtisseurs de la Mauritanie moderne et fut l'un des deux représentants de la délégation mauritanienne lors de la création de la BAD en 1963, selon les archives. Un demi-siècle plus tard, Sidi Ould Tah devient président de la BAD. C'est hier que le nom de celui qui allait succéder à Adesina a été dévoilé. À l'issue d'un vote entre les pays actionnaires de la BAD, c'est le chevronné banquier mauritanien, ancien patron de la banque BADEA, qui a tiré son épingle du jeu. Même si l'homme semble discret, Sidi Ould Tah vient d'une famille qui a été au commencement de l'histoire de la grande institution bancaire africaine. Petit-fils de Mohamed Salem Ould Mkhaïrat, figure fondatrice de la Mauritanie indépendante et surtout acteur présent lors de la création de la Banque africaine de développement (BAD) en 1963, ce dernier fut notamment ministre des Finances, de l'Intérieur et de la Pêche dans le premier gouvernement post-indépendance. Sidi Ould Tah a donc grandi dans l'ombre bienveillante d'un héritage politique et intellectuel fort. Mais c'est par son propre mérite qu'il s'est imposé, loin des projecteurs, comme un acteur central du financement du développement en Afrique. Discret et rigoureux, Sidi Ould Tah a su bâtir un leadership ces dernières années. Titulaire d'un doctorat en économie de l'université de Nice-Sophia-Antipolis, il a fait ses armes dans le secteur bancaire public avant de revenir au pays, où il est nommé ministre de l'Economie en 2008. Après avoir servi son pays, il dirige pendant près d'une décennie la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), qu'il a transformée en profondeur. Lire aussi | Le Mauritanien Sidi Ould Tah, nouveau président de la BAD En chiffres, le banquier a significativement augmenté le capital de la banque, passé de 5 milliards de dollars à 20 milliards de dollars entre 2022 et 2025. Dernier candidat à s'être déclaré, Sidi Ould Tah a mis l'accent sur ses dix ans passés à la tête de la BADEA. Une décennie durant laquelle il a rencontré de nombreux chefs d'Etat africains, dont les pays bénéficient des concours financiers de l'institution multilatérale. Un parcours annonciateur... Né dans la région du Trarza, à la frontière sénégalaise, Sidi Ould Tah est l'aîné d'une fratrie de cinq enfants. Issu d'une famille d'intellectuels, il a été bercé dès son plus jeune âge par les valeurs de discipline, d'humilité et de service. Après son grand-père, son oncle Hamden Ould Tah jouissait lui aussi d'une solide réputation au-delà des frontières nationales. Cet environnement a façonné l'homme. À la tête de la BADEA depuis 2015, il a quadruplé le bilan de la banque, obtenu une notation AAA et positionné l'institution parmi les plus performantes du continent. Il a également su répondre aux besoins urgents de pays en difficulté, comme les Comores, en allégeant leur dette pour faciliter l'accès aux financements. Lire aussi | Assemblée Annuelle BAD : l'heure du new deal ? Elu avec 76 % des voix lors des assemblées annuelles de la BAD tenues à Abidjan, Sidi Ould Tah prend ainsi les rênes d'une institution cruciale pour le développement du continent. La BAD, avec un capital de 318 milliards de dollars, est confrontée à des défis majeurs : la réduction des financements américains, la nécessité de mobiliser 25 milliards de dollars pour son prochain cycle de financement, et la mise en place d'un mécanisme africain de stabilité financière pour prévenir les crises de la dette. Dans ce contexte, son programme met l'accent sur le développement d'infrastructures résilientes au climat, la formalisation de l'économie informelle et la création d'opportunités pour la jeunesse africaine. En attendant, il est particulièrement attendu sur la recapitalisation de la banque pour faire face à l'augmentation des besoins de financement des pays africains. « Le nouveau président arrive dans une organisation qui doit faire des choix importants dans un monde en pleine mutation, avec les Etats-Unis qui viennent de retirer une partie de leurs fonds... Construire sur les acquis d'Adesina, tout en opérant des choix pour une Afrique où l'écart se creuse de plus en plus avec les autres continents (en PPA, milliards de dollars US, FMI) », nous confie l'économiste ivoirien Samuel Mathey. Zoom sur ses atouts Sidi Ould Tah démarre sa carrière comme analyste financier au sein de l'Agence arabe pour l'investissement et le développement agricole. Il fut membre de plusieurs conseils ministériels, comités et conseils d'administration, président du Conseil national des statistiques, secrétaire permanent du Conseil présidentiel pour l'investissement, et membre du Conseil général de la Banque centrale de Mauritanie. Lire aussi | Le Maroc a accompli « des avancées majeures », assure le président de la BAD Il a été gouverneur de la Mauritanie à la Banque mondiale, à la BID, à la BAD, au sein du Fonds arabe pour le développement économique et social. En 2006, il devient conseiller auprès du président de la République et du Premier ministre de Mauritanie, jusqu'à sa nomination en juillet 2008 comme ministre des Affaires économiques et du Développement (2008-2015). Il démissionne à la suite de son élection à la tête de la BADEA. Dans cette organisation, il réussit à tisser un véritable réseau avec les pays arabes.