La Cour Constitutionnelle (CC) est l'institution qui a le dernier mot en matière de contrôle et de respect de la Constitution. En effet, cette institution vient d'invalider l'article 17 du Code de procédure civile (CPC) récemment adopté par le Parlement. Cet article 17 du CPC prévoit une disposition permettant au ministère public de procéder à l'annulation d'une décision judiciaire bien qu'ayant un caractère définitif. Ce qui va à l'encontre du principe juridique fondamental de l'autorité de la chose jugée et constitue une menace à la stabilité juridique. De quoi impacter négativement l'image du Royaume, notamment en matière de climats des affaires et donc d'investissement. Cet article avait d'ailleurs fortement été critiqué par les professionnels du droit, et en particulier par les avocats. La CC est donc intervenue, quelques semaines après l'adoption du nouveau CPC par l'instance législative. Le « tamis » du secrétariat général au gouvernement n'avait pas suffi. La haute Cour du Royaume a donc dû « remettre les pendules à l'heure ». C'est un signal fort en ces temps de risque régression. En effet, l'invalidation par la CC a aussi concerné une autre disposition qui aurait permis au ministère de la justice d'intervenir dans un procès en cours. Ce qui aurait constitué une grave atteinte à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance du pouvoir judiciaire, et donc un retour en arrière. Lire aussi | Les causes profondes de la colère des avocats contre le Code de procédure civile Suite à cette décision de la CC, la chambre des représentants est donc appelée à revoir la loi relative au CPC et procéder à de nouveaux amendements, en tenant compte des observations émanant de ladite CC. Article 134 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 132 de la (...) Constitution ne peut être promulguée ni mise en application ». Par ailleurs, l'une des premières réactions observée est celle du ministre de la justice, Abdellatif Ouahbi, qui a déclaré : « Tout en réaffirmant le plein respect des compétences et de l'indépendance de la CC, le ministère de la justice considère que cette décision illustre la solidité des institutions constitutionnelles du Royaume ». N'empêche qu'il s'agit bel et bien d'un « rappel à l'ordre ». M. Ouahbi est même allé jusqu'à utiliser l'expression « esprit de dialogue entre les pouvoirs ». Lire aussi | Cybersécurité : le ministère de la Justice dément toute fuite de données Faut-il rappeler que la Cour Constitutionnelle ne fait partie d'aucun pouvoir, ni du pouvoir exécutif, ni du pouvoir législatif, ni du pouvoir judiciaire. Si le Titre VII est consacré au pouvoir judiciaire, c'est un autre titre (VIII) qui a été dédié spécifiquement à la Cour Constitutionnelle. Il s'agit d'une « supra-institution » dont la mission est de veiller au respect de la Constitution en tant que première loi suprême et fondamentale du Royaume. Cette institution n'est pas soumise aux aléas électoraux et autres calculs politiques. Elle ne devrait donc pas être mêlée à une logique de compétition électorale. Article 134 de la Constitution : « (...) Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Aussi les institutions, comme la CC, devraient être épargnées et éloignées du risque de contamination du virus du populisme. D'autres textes de lois adoptés, tels que le Code de procédures pénales qui n'a pas fait l'objet d'un consensus, pourraient connaitre le même sort. A travers ses décisions, la CC conforte non seulement la stabilité juridique, mais aussi la crédibilité de l'Etat dont la temporalité est bien au dessus de celle des partis politiques.