En moment de crise économique, on tire davantage de lumière sur le rôle que peut jouer le droit de la concurrence, poussant certains à confirmer que l'insuffisance dans l'application du droit de la concurrence a participé à l'avènement de la crise (Chérot, 2010)1. Ecartant l'hypothèse d'une remise en question de ce droit car il est le garant que certaines opérations de concentration ou aides ne seront pas pour demain les causes de capture de la rente au profit de trusts. C'est pourquoi il s'avère plus que jamais que la mise en place du conseil de la concurrence et son activation parait d'une grande urgence pour redresser le mécanisme économique du marché lorsque le jeu de la concurrence est faussé. Le nouveau bloc législatif de la concurrence va renforcer les moyens d'action de ce conseil, en perfectionnant le contrôle des concentrations et la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et en le dotant de nouveaux pouvoirs de contrainte et d'injonction. Il est en fait chargé d'une mission de police, qu'on peut qualifier de spéciale et économique, des pratiques anticoncurrentielles qui a pour objet d'assurer le bon ordre. (Delvolve, 1998)2 et de veiller au respect et à l'application des dispositions de la loi n°104-12 relative à la liberté des prix et à la concurrence, se rapportant à ce droit, qui constitue une branche du droit de la concurrence composé d'un système de règles régissant le comportement des opérateurs dans la compétition économique. Traçant comme objectif la garantie de l'effectivité de la concurrence sur les marchés, le régulateur de la concurrence prononce des injonctions, prend des décisions, inflige des sanctions, il rend également des avis. Il s'agit en fait d'une véritable rupture avec le statut antérieur à caractère consultatif. La nouvelle réglementation juridique marocaine en matière de la concurrence tend à instaurer et à sauvegarder les conditions de la libre concurrence comme un choix politique d'un certain ordre économique de marché qui essaie d'éviter les concentrations susceptibles de fausser le jeu de la concurrence et les pratiques anticoncurrentielles afin d'instaurer une bonne gouvernance économique. Dans ce cadre, la dénomination liberté des prix et de la concurrence parait désuète, comportant des contradictions, du fait que la police des prix a été assurée isolément et presque au détriment de celle de la concurrence. Elle visait en premier lieu à assurer un ordre dirigiste des prix que d'établir la concurrence. Le modèle marocain de la régulation s'inspire largement de son homologue français qui a comme racine la tradition colbertiste qui constituait un frein au développement de la législation anti trust qui a vu le jour aux Etats-Unis avec la loi Sherman acte de 1980. C'est pourquoi on a toujours préféré la régulation par des organes administratifs, puis des organes de régulation indépendants au détriment du juge. Les règles d'organisation et de fonctionnement contribuent à l'indépendance du conseil chargé de veiller à la libre concurrence, afin d'assurer un contrôle objectif de la concurrence et d'assurer une magistrature économique (Champaud, 1994)3. Désormais, le pouvoir décisionnel conféré à l'autorité indépendante de la concurrence va joindre sa mission de moralisation et ses compétences spécifiques ciblant l'inculcation de la culture de la concurrence dans le contexte économique marocain ; en dépistant les problèmes par l'émission des avis, en prévenant les risques concurrentiels et en conseillant les divers acteurs économiques. Bien qu'il jouisse toujours d'une compétence consultative par le biais des avis et recommandations, il s'avère qu'il est impossible d'y inclure en même temps un organe consultatif et un autre investi de pouvoirs contentieux décisoires ce qui nous pousse à avancer que la mise en place du nouveau Conseil de la concurrence présente une réelle rupture dans le droit de la concurrence marocain, qui s'inscrit dans le raffermissement de l'Etat de droit dans le domaine des affaires, la mise à niveau et la modernisation de l'économie nationale. II- Le conseil de la concurrence, un statut renforcé et des compétences élargies L'importante réforme que vient de connaître le Conseil de la concurrence renforce son statut et son organisation et élargit ses compétences en matière de contrôle des concentrations et la répression des pratiques anticoncurrentielles. A- Un statut renforcé La loi n° 20-13 relative au Conseil de la concurrence confirme sa composition collégiale de 13 membres dont le président, nommés pour une durée de cinq ans renouvelables une seule fois. La structure du collège traduit la volonté du conseil de fonder son autorité sur les compétences économiques, techniques et juridiques de ses membres en faisant siéger des juges à côté des personnalités ayant une compétence ou une expérience professionnelle dans plusieurs secteurs économiques. Le collège comprend ainsi deux membres magistrats, vice-présidents, de quatre membres choisis en raison de leur compétence en matière économique ou de concurrence, dont un vice-président, de cinq membres exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de production, de distribution ou de services, et d'un membre choisi en raison de sa compétence en matière de protection du consommateur. 1- Champaud Claude, L'idée d'une magistrature économique, justices. Revue de droit processuel, no1, 1995 2- Cherot Jean-Yves, Le droit et la politique de concurrence au défi de la crise financière et économique, RFDA ,2010 3- Delvolve Pierre, Droit public de l'économie, Dalloz, 1998 Par EL BAZZIM RACHID Bio express Doctorant chercheur à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Settat. Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.