* Les opportunités sont là, mais des contraintes existent aussi, telles que les systèmes financier et judiciaire. * Les pays de lEurope de lEst sont intéressants dans le court terme, mais le Maroc est un pays davenir. Finances News Hebdo :Pouvez-vous nous parler brièvement de votre activité au Maroc ? Achille Voltolina : Je suis au Maroc depuis 22 ans et je me suis implanté à Settat parce quil y avait le maximum davantages, tels que les exonérations dimpôts et un engagement de lEtat en matière dembauche (qui après na pas été respecté), mais qui nous a permis quand même de commencer. Le privilège quon avait à Settat est que nous étions une grande entreprise et que les autorités nous ont accompagnés dès le premier jour. A lépoque, cétait un enjeu politique et social pour le ministre de lIntérieur parce quil nous arrivait dembaucher jusquà 1.200 personnes, ce qui veut dire que la société progressait très bien. À fin 2000, et avec la survenance des attentats du 11 Septembre à New York, limpact a été vite ressenti parce que nous travaillions beaucoup avec les pays du Moyen-Orient. Nous avons perdu une partie de nos clients à cause des conflits. f.n.h: Quels sont alors les marchés vers lesquels vous vous êtes tournés suite à ces conflits ? A. V. : Aujourdhui, on travaille beaucoup plus avec la Russie, lAmérique du Sud, lEurope Chaque année, nous avons augmenté de 20% nos exportations. Nous sommes exportateurs et compétitifs sur les marchés étrangers, ce qui fait que nous navons pas de problèmes liés à la mondialisation avec lapproche de lannée 2010 et lélimination des droits de douane. Nous nous sommes préparés à tout cela et nous sommes à la hauteur de la concurrence des autres sociétés, quelles soient chinoises, égyptiennes f.n.h: Mais est-ce que vos parts de marché nont pas été grignotées du fait de la concurrence ? A. V. : Vous savez, nous avons bien travaillé pendant quinze ans parce que le Maroc était un bon marché sur le plan mondial, les prix du gaz étaient contrôlés par lEtat. Il faut dire que nous avions beaucoup davantages. Aujourdhui, cest un peu plus difficile parce que lénergie coûte cher, les prix des matières premières ont augmenté énormément et toutes ces augmentations, nous navons pas pu les répercuter sur les prix de vente et faire face aux Chinois qui sont présents sur tous les marchés. f.n.h: Oui, mais quel a été justement limpact sur votre rentabilité ? A. V. : Face à cette situation, nous étions obligés de baisser les prix, de nous équiper et donc de resserrer un peu nos marges. Mais je dois avouer que le Maroc reste toujours un pays très intéressant pour linvestissement. Nous avons une société en Roumanie avec 300 personnes et une autre en Tunisie avec 500 personnes. En Roumanie, nous avions commencé il y a six ans, cétait intéressant, et aujourdhui encore cest intéressant parce que le personnel vient dun régime communiste ayant connu une bonne scolarisation et qui était bien préparé et, en plus, les salaires étaient très bas. Mais attention, à partir de lannée prochaine, progressivement la Roumanie va entrer dans lUE. Ce qui laisse déduire que les salaires seront en euros et vont donc augmenter. Alors, dans quatre ans, nous ne serons plus en mesure de travailler en Roumanie. Nous sommes en train de renforcer notre production ici au Maroc parce que nous prévoyons de fermer dans 3 ou 4 ans notre usine en Roumanie et faire travailler au Maroc les 300 ou 400 personnes qui travaillaient là-bas. f.n.h: Donc, avec lélargissement de lUE vers les pays de lEst, certains de leurs avantages tels que les bas salaires vont disparaître ? A. V. : Effectivement, ce sont des avantages quil faut exploiter pendant une certaine période, mais pas à long terme. Par contre, le Maroc est plus sûr à moyen terme. Croyez-moi, aujourdhui, si jai encore un investissement à faire, je mimplanterai au Maroc, et spécialement à Settat. f.n.h: Vous êtes ici au Maroc depuis 20 ans. Quelles sont, selon vous, les contraintes qui persistent ? A. V. : Aujourdhui, cest encore très difficile de travailler avec les banques parce que les taux dintérêt sont encore trop chers. En Europe, nous avons des taux dintérêt à 2,5% et à 3%. Ici les taux sont à 7% et 8%, et cest trop pour des exportateurs confrontés à des concurrents qui ont plus davantages que nous, et donc, nous sommes pénalisés. Pis encore, les banques marocaines exigent dénormes garanties pour de petits prêts. Moi, je dis aux investisseurs italiens quils ne peuvent pas beaucoup compter sur les banques marocaines. Le problème des banques au Maroc est lié à la mauvaise gestion de leurs directeurs qui ont fait dénormes magouilles avec certains industriels. Nous, aujourdhui, sommes en train de payer trois points en plus à cause de leurs erreurs, et je trouve que ce nest pas normal. Je le dis souvent, le Maroc devra faire un taux préférentiel pour les industriels. Jadis, il y avait des avantages qui permettaient de compenser la hausse des taux, ce qui nest plus le cas maintenant parce que les marges deviennent de plus en plus réduites. Autre facteur qui laisse à désirer : la Justice. En ce qui nous concerne, nous avons eu beaucoup de cas juridiques que nous avons abandonnés par la suite parce que nous ne pouvions plus continuer. f.n.h: Sinon, quelles sont vos attentes de ces journées ? A. V. : Nous sommes là en tant que témoin dune usine qui a bien marché et dun projet qui a bien réussi. Parce que cette réussite, nous la devons aussi aux responsables qui nous ont donné un sacré coup de main, car nous avions toujours les autorités locales à nos côtés. Les Walis sont conscients que nous faisons travailler des centaines de personnes directement et indirectement, et donc ils tiennent à ce que le projet se pérennise.