Alors qu'elle était supposée se rendre en Algérie pour une visite de travail, la chancelière allemande Angela Merkel a dû rebrousser chemin en raison d'une "indisponibilité temporaire" de Abdelaziz Bouteflika. Affaibli par la maladie, le président algérien ne fait quasiment plus d'apparitions publiques, ce qui relance le débat sur sa capacité à diriger le pays. Sur la scène médiatique, le président algérien Abdelaziz Bouteflika est souvent aux abonnés absents. Mais selon les observateurs, c'est bien la première fois qu'un déplacement de ce rang est annulé à cause de l'état de santé du chef de l'Etat. La visite de la chancelière allemande Angela Merkel, annulée à la dernière minute en raison d'une "indisponibilité temporaire", soulève plusieurs interrogations. Quelques semaines plus tôt, alors que les chefs d'Etats africains étaient réunis à Addis-Abeba à l'occasion du Sommet de l'Union Africaine, le président algérien n'a pas pu répondre présent, confiant à son premier ministre, Abdelmalek Sellal, la mission de représenter l'Algérie. Aujourd'hui, les rechutes du chef de l'Etat algérien interpellent sur son état de santé, et sa capacité - ou non - à gouverner son pays. Elles suscitent interrogations et incertitudes en Algérie, mais également au-delà des frontières, de l'autre côté de la Méditerranée. Les rumeurs sur la dégradation de l'état de santé se précisent "Depuis quatre ans, la présidence a appris à communiquer. Elle met en scène les visites de haut niveau pour renvoyer l'image d'un président qui occupe pleinement ses fonctions. Or, cette dramatisation peut s'avérer contre-productive, comme lors de la visite de l'ex-Premier ministre français Manuel Valls, qui avait tweeté une photo peu à l'avantage du président algérien, en avril dernier", nous indique Youssef Aït Akdim, correspondant du Monde pour l'Afrique. Pour le journaliste, l'annulation de la visite prévue de la chancelière allemande n'est que l'épisode le plus récent d'un long feuilleton médiatique autour de la santé du président. Une photo publiée en avril 2016 à l'occasion de la visite de Valls en Algérie avait ébranlé l'opinion publique François Soudan, directeur de la Rédaction de Jeune Afrique, estime qu'" il y a eu manifestement une brusque aggravation de son état de santé ". " On a informé Berlin de l'impossibilité de la visite très peu de temps avant de départ d'Angela Merkel et on a demandé, je crois, aux allemands de ne pas communiquer là-dessus ", poursuit Soudan. Pour le journaliste et éditorialiste, " c'est un véritable problème pour l'Algérie d'avoir un président qui ne peut plus bouger et qui a de plus en plus de mal à s'exprimer et à recevoir des visiteurs étrangers". "Le pays est suffisamment structuré pour fonctionner en pilotage automatique" Malgré son évidente incapacité à gérer le pays à l'aube de ses 80 ans, Aziz Bouteflika continue pourtant à diriger "officiellement" l'Algérie. Un siège qu'il occupe depuis 18 ans, notamment après sa réélection en avril 2014, même après avoir été victime d'un violent accident vasculaire cérébral une année auparavant. La question se pose d'elle-même : qui tire les ficelles de ce pays qui compte près de 40 millions d'habitants ? "On connaît déjà l'influence de son frère Saïd, toujours à ses côtés, mais également celle des forces militaires et d'un collectif de personnes composé notamment d'éléments de services de sécurité. Mais je pense que le pays est suffisamment structuré pour fonctionner en pilotage automatique", indique François Soudan. "On ne peut dire que le président Bouteflika ne gouverne pas, puisqu'il prend des décisions par décret, se réunit avec les hauts responsables, et échange via des émissaires avec des dirigeants internationaux. Ce président a remanié son gouvernement, remercié le Général Toufik, patron des services que l'on disait indéboulonnable. On sait aussi qu'il a rallié Ahmed Ouyahia, qui est son directeur de cabinet. De plus, il sait pouvoir compter sur des fidèles, dont le premier ministre Abdelmalek Sellal et surtout sur son propre frère Saïd", précise Youssef Aït Akdim. Cela dit, " Bouteflika ne s'est adressé publiquement au peuple algérien depuis mai 2012 et autour de lui, on ne compte plus les collaborateurs ambitieux, et à qui l'on prête le projet de lui succéder. C'est le cas du général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée, qui reste un acteur important du "pouvoir", comme le nomment les Algériens" ajoute le correspondant du Monde. Malgré le mutisme des médias officiels algériens, la communauté internationale s'inquiète du sort réservé à ce pays d'Afrique du Nord, fragilisé par la corruption et menacé par une hargne sociale de plus en plus ardue. Pour les fins connaisseurs du dossier algérien, tout porte à croire que la fin de l'ère Bouteflika est proche.