Partenaire incontournable du gouvernement, la CGEM constitue un acteur clé dans le processus devant concrétiser l'adhésion du Royaume à la Commission de de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Dans un entretien accordé à 2M.ma, Salah-Eddine Kadmiri, vice-président de l'organisation patronale, revient sur l'impact de la candidature marocaine ainsi que les retombées de cette décision dans le renforcement de la coopération entre le secteur privé marocain et celui des pays composant ce groupement sous-régional. Interview. Comment le secteur privé marocain (CGEM) perçoit-il l'adhésion du Maroc à la CEDEAO ? Cette adhésion, dont le principe devrait être acté le 15 décembre 2017 s'inscrit dans le prolongement naturel de l'action de l'Etat Marocain et des entreprises marocaines au niveau de la région Ouest Africaine, depuis le début des années 2000. L'adhésion du Maroc, étant aujourd'hui le premier investisseur étranger de la sous-région de l'UEMOA et le second dans la région de la CEDEAO, trouve donc tout son sens au sein de ce groupement régional, et ce de part le volume des échanges développé et les projets structurants engagés. Sur le plan géostratégique également, cet ensemble aux synergie économiques, culturelles, cultuels et politiques bien établies constituerait un bloc régional homogène qui bénéficierait d'une position unique allant du golfe de Guinée jusqu'à la Méditerranée. L'adhésion du Maroc à la CEDEAO induirait la libre circulation des biens et des personnes, et supposerait également une relecture de ses différents accords bilatéraux et multilatéraux en vigueur . Comment le Maroc pourrait s'adapter à la nouvelle donne? Il y aura un travail technique à faire et ce dernier s'étendra certainement sur plusieurs mois. Par exemple, dans le cadre du Statut avancé du Maroc auprès de l'Union Européenne, il est prévu une convergence normative avec les règles en vigueur au sein de l'Union, et dans le même temps, il nous faudra opérer une convergence dans le cadre de la CEDEAO. Ce sont donc des équilibres très fins qu'il faudra conserver avec l'objectif final d'améliorer les normes au sein de la CEDEAO tout en gardant leur spécificité. Quant aux accords de libre-échange et autres accords commerciaux, ils seront bien entendu impactés par la nécessité de la convergence douanière et tarifaire dans le cadre de la CEDEAO. Il y a aura donc une mise à plat de tous les accords partant du principe que ce qui est accordé dans un cadre bilatéral doit s'étendre au cadre multilatéral. Mais là encore, il s'agit d'un travail qui devra se faire progressivement et qui prendra plusieurs mois. Selon vous, quelles seraient les implications réelles de cette adhésion à la CEDEAO, celle-ci constituant une population estimée à 350 millions d'habitants? La CEDEAO est un ensemble qui compte aujourd'hui quinze pays avec un PIB global de 700 millions de dollars US et une population de plus de 350 millions d'habitants, la plus jeune du continent. Avec le Maroc, cet ensemble constituerait avec 800 Millions de dollars US de PIB la 16è puissance économique mondiale. Le potentiel de ce bloc économique peut être mesuré à travers quelques indicateurs : notamment les ressources extrêmement importantes en hydrocarbures et mines, Un gisement agricole de premier choix ; une connexion en infrastructures avec des corridors routier pouvant mener de Tanger à Lagos sans discontinuité, une interconnexion électrique et gazière atteignable à très court terme, et un marché unique de près de 400 millions d'habitants. L'adhésion du Maroc suivie très certainement dans un avenir proche du retour de la Mauritanie donnerait à cet ensemble une continuité territoriale, routière et à connexions multiples, unique dans le continent. Elle permettait, en positionnant cet espace à 14 Km de l'Europe de bâtir à partir des atouts de chaque pays, un espace cohérent et s'intégrant dans les chaînes de valeur mondiales. Comment devraient se positionner les opérateurs marocains dans cette nouvelle configuration? Et qu'attendrait le monde des affaires marocain de cette adhésion ? L'un des atouts du secteur privé marocain est sa propension à s'inscrire dans la durabilité plutôt que dans une option court-termiste de négoce. On l'a vu, les entrepreneurs Marocains agissent avec une logique industrielle en engageant des investissements lourds et en créant de la valeur ajoutée locale produite par le capital humain local. L'adhésion du Maroc à la CEDEAO faciliterait certes l'accès de ce marché pour les entreprises marocaines mais toujours dans une optique d'externalisation de la production. Nous sommes donc en plein dans le principe de la co-localisation puisqu'il s'agit de créer plus de valeur totale et non pas de détruire de la valeur dans un pays pour en créer dans un autre. N'oublions pas que les besoins en infrastructures économiques et sociales dans la CEDEAO sont encore très importants et que le taux de transformation des produits agricoles est encore inférieur à 10%. Il y a donc de nouvelles entreprises à créer et des emplois à fournir. A cet effet, la CGEM a effectué au cours des deux derniers mois une tournée auprès de plusieurs patronats de la région, et notamment la Côte d'Ivoire, le Nigeria, le Sénégal et le Ghana. L'objectif pour nous est que cette adhésion du Maroc à la CEDEAO soit une occasion de renforcer le secteur privé dans son ensemble et d'en faire un acteur impliqué dans les négociations à venir.