La 7ème édition du Festival des Andalousies Atlantiques d'Essaouira aura été la meilleure de toutes les précédentes. Bonne programmation, niveau élevé des débats, organisation parfaite, affluence importante, bref un festival réussi à tout point de vue. Le « Matrouz » a déclenché une euphorie rarement égalable chez l'assistance, du côté du public, comme du côté des artistes participants. Le Festival des Andalousies a concrétisé sa vocation de vraie manifestation culturelle et musicale de la tolérance, du partage, des émotions partagées et des retrouvailles également. Essaouira En effet, le « Matrouz », se voulant à la croisée du sacré et du profane, s'inspire de la tradition poétique judéo-arabe, se rattachant au creuset musulman, hébraïque et chrétien de l'Andalousie plurielle. Ce genre artistique, très typique, est construit à partir d'un procédé de composition basé sur l'entrecroisement de l'arabe et de l'hébreu, du judéo-espagnol, des musiques judéo-arabe, maghrébo-andalouse, orientale et médiévale…Le Matrouz est musical, poétique, littéraire, pédagogique ; il s'enracine avec évidence dans le patrimoine Maghrébin et plus spécifiquement au Maroc, ouvrant sur des passerelles artistiques pour un dialogue des cultures, dans le respect de leurs différences, mais aussi dans ce qui les unit. Durant trois soirées, le Matrouz, la musique andalouse et le Matrouz judéo-arabe et maroco-espagnol, le flamenco et le malhoun avaient envahi la grande scène de Bab El Menzeh, qui n'a jamais rien connu autant de monde, formant une bonne foule bien nombreuse à l'entrée du chapiteau qui abritait le Festival. La bonne programmation et la participation de grande valeur artistique avaient enchanté tout le monde. L'orchestre Feu Abdelkrim Raïss, dirigé par Mohamed Briouel, la participation de la chorale du Roi David ( Hevrat David Hamelech) de Strasbourg, la prestation du rabbin chanteur Haïm Louk, celle de Abderrahim abdelmoumen ou celle de Françoise Atlan, autant de moments de vrai régal musical, authentique, de grande signification artistique et culturelle. En effet, rien que les prestations de Haïm Loook, concrétise à elles seules, ce phénomène du Matrouz. Le Rabbin chanteur, élève de Feu Mohamed Chkara de Tétouan, chantait en arabe et en hébreu, dans une linéarité musicale avec un passage de l'arabe à l'hébreu, sans aucune fausse note. Celui qui ne parle pas l'arabe et ne parle pas l'hébreu, comprendrait qu'il s'agissait d'une même langue. Les deux langues sémites faisaient une dans une parfaite harmonie musicale du malhoun, bien enveloppée dans la musique andalouse, brillamment servi par l'orchestre de Fès. Quant à Françoise Atlan, chantant parfaitement l'hébreu, l'arabe et l'espagnol, elle avait mis en valeur le matrouz, dans son caractère pluriel, faisant pivoter dans le même direction artistique les fondements mêmes de la Fondation des Trois Cultures et des Trois Religions, co-organisatrice du Festival avec la Fondation d'Essaouira Mogador. Pour célébrer ses 10 ans d'existence, la Fondation des Trois Cultures et des Trois Religions, a fait de l'année 2010, l'année du Maroc pluriel et du Maroc en mouvement. C'est l'expression d'un choix en forme d'hommage au Maroc, partenaire engagé de l'Andalousie et de l'Espagne depuis plus de dix ans pour donner toute sa profondeur à la démarche inspirée, pionnière et visionnaire de la Fondation des Trois Cultures et des Trois Religions. A Séville, en son Pavillon Hassan II, le siège de la Fondation est à lui seul un symbole de la volonté et du choix des Partenaires marocains et espagnols (le Gouvernement Autonome de l'Andalousie, particulièrement), d'agir pour un véritable carrefour d'idées à partir duquel s'affine et se renforce chaque jour un peu plus, la logique de l'écoute, de la rencontre et du respect mutuel. Le Festival des Andalousies Atlantiques, s'inscrit donc dans cette dynamique et se veut un une occasion musicale de mettre en valeur un patrimoine artistique, culturel et civisationnel, judéo-arabo-espagnol, avec des occasions ultimes de partage, de reconnaissance mutuelle. Bref, faire de la culture, un vrai sinon un dernier vecteur, à rester indemne des toutes les années régressives, alimentées par les conflits politiques, loin de l'esprit de la paix et de la compréhension entre les peuples. Une manière également de rappeler par la Culture et par la Musique, le refus des humanistes, des intellectuels, des militants du droit à la différence et du respect de l'autre dans sa différence, (s'inscrivant dans un rapprochement des culturels et des hommes), de récrire l'histoire au gré des aléas politiques et conjoncturels et des visions négatives destructives qui n'apportent que plus de conflits et de guerres, dont l'humanité serait heureuse de s'en passer. « Dans un monde qui sait de moins en moins résister aux vertiges du repli identitaire et aux illusions de la fracture culturelle et spirituelle, le Maroc sous la conduite éclairée de S.M. le Roi Mohammed VI, a affiché à Essaouira, avec talent, détermination et sérénité, les plus belles couleurs de la richesse de toutes ses diversités. » a souligné Mr André Azoulay en faisant applaudir les lauréats du trophée « Aïlen », spécialement créé pour les Prix du Matrouz, désormais inscrits dans le programme du Festival souiri des Andalousies Atlantiques. « Aïlen est le nom berbère de la mouette, une mouette messagère et emblématique des belles histoires d'Essaouira qui se racontent en arabe, en tachelhit et en hébreu ». La composante judéo-berbère, au Maroc, avait été brillamment mise en valeur, par ailleurs, avec la projection du film de Kamal Hachar « Echos du Mellah à Tinghir ». Film émouvant qui dévoile la séparation douleureuse de toute une population rattachée depuis des siècles à sa terre natale, le Maroc, pour aller habiter, de force, Israël, à cause de convictions politiques sionistes, qui n'engendrèrent que malheur après malheur pour le peuple palestinien, depuis plus de 50 ans, jusqu'à à nos jours. La Palestine présente, dans les débats de Dar Souiri, organisés en parallèle du Festival, à travers les brillantes interventions de Leila Chahine ( lors des débats) et la prestation du chanteur palestinien Moneim Adwan. Si Le Festival des Andalousies Atlantiques porte en lui la valeur culturel et humaniste de lutter contre l'amnésie, celle du Maroc de la mémoire partagée entre juifs et musulmans au Maroc et dans d'autres pays, il ne peut qu'être le bon exemple à suivre pour tous ces dirigeants politiques et extrémistes israélites qui ne cessent d'exercer toutes les formes d'oppression et de souffrance au peuple palestinien, oubliant que le peuple juif avait souffert des oppressions de toute genre durant des siècles dont celle de la dernière guerre mondiale. Cette composante politique hante l'esprit des musulmans et des arabes, mais également celle des défenseurs des droits du peuple palestinien ( de toute nationalité et religion). Tant que le problème palestinien ne sera pas résolu comme il se doit, on ne connaîtra pas l'entende cordiale, dans l'âme, celle qu'avait connu le monde entre les juifs et les musulmans, dans le passé. Le message artistique et culturel est nécessaire, révélateur, c'est aussi un signal fort, mais la solution est dans l'autre camp. Le Maroc de la tolérance, du partage, de la compréhension, donne le bon exemple avec l'espoir que des politiques sages finissent un jour par rétablir les droits des Palestiniens et ramener la paix au Proche Orient, d'une manière durable.