En février dernier, les six partis formant la coalition gouvernementale (PJD ; RNI, PPS ; USFP, MP et UC), ont signé un document qu'ils ont choisi de baptiser « Charte de la majorité ». Cette charte, qui se voulait un « document contractuel et cadre de référence politique et moral encadrant leur action commune » ne veut plus rien dire du tout aujourd'hui, à la lumière des crises qui éclatent tout le temps et partout au sein d'un groupe qui s'égosillait, il y a peu, de bien grands mots tels la cohérence et le dialogue. Au vu des clashes RNI/PJD et autre PJD/PPS, sans compter les guerres intestines au sein de l'USFP et du MP, on est en droit de s'interroger si le secrétaire général des Frères, mais également Chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, se rappelle, mais surtout pense encore, ce qu'il avait dit au moment de la signature de la fameuse charte, à savoir : « Nous sommes conscients de la nécessité de la différence et nous sommes aussi conscients que ce qui nous rassemble au sein de ce gouvernement est plus que ce qui nous divise ». Tout prête à croise aujourd'hui que les choses ont changé et que les motifs de division sont plus nombreux et plus évidents. Les composantes de la majorité gouvernementale, qui avait longtemps prôné « l'approche participative et la solidarité en matière de responsabilité » n'hésitent plus à se lancer la pierre et ...les insultes. Une première crise avait surgi en août dernier entre le parti aux commandes de l'exécutif et son allié de toujours, le PPS, sur fond de la suppression du secrétariat d'Etat à l'eau, dirigé par Charafa Afailal, membre du bureau politique du PPS...à la demande du PJDiste Abdelkader Amara et avec la complicité d'un autre PJDiste qui n'est autre que le chef du gouvernement. La pilule a eu du mal à passer, le PPS a même brandi le carton jaune face au PJD et menacé de quitter la coalition au pouvoir. Tant bien que mal, El Othmani a tenté de colmater les brèches et pour calmer les ardeurs au sein de la branche « radicale » du PPS qui ne voulait qu'une sortie du gouvernement, le SG du PJD s'est hasardé à avancer un « prétexte organisationnel » selon lequel tous les secrétariats d'Etat au sein du gouvernement seront supprimés pour une « meilleure organisation et un meilleur rendement ». Après un semblant de retour au calme, le PPS ayant décidé d'attendre une réunion de ses instances pour prendre une décision finale, laquelle réunion qui a été reportée sine die, une autre crise, plus acérée celle-là, a éclaté entre le PJD (encore et toujours) et le RNI. Cette fois les choses sont allées beaucoup plus loin et les joutes verbales entre ministres du PJD et du RNI sont allées crescendo. A l'origine, des propos très virulents proférés par le ministre RNIste Rachid Talbi Alami, qui avait déclaré devant plus de 4.000 jeunes de la Colombe, que la victoire de son parti aux élections partielles de Mdiq-Fnideq, le 20 septembre dernier, était un « test sur le terrain ayant confirmé le leadership du RNI. « Les citoyens ont voté contre ceux qui souhaitent détruire le pays », a-t-il dit mettant, par là même, le feu aux poudres. Comme de bien entendu, ces propos n'ont pas du tout été du goût des PJDistes qui ont violemment réagi, à leur tête l'intenable Abdelaziz Aftati et le secrétaire général adjoint du parti, Slimane El Amrani. Ils ont tout bonnement demandé au RNI de quitter le gouvernement pour ne pas avoir à siéger « au sein d'un exécutif dirigé par un parti que vous décrivez ainsi ». La riposte n'a pas tardé et Mustapha Baitas du bureau politique du RNI a eu cette réponse cinglante : « Notre présence au gouvernement est une décision souveraine et non pas une charité de votre parti. Nous n'attendons pas de vous une décision concernant la continuation dans le gouvernement ou le départ ». Voyant les échanges prendre du volume mais surtout du « contenu », El Othmani a appelé ses frères à la retenue. Aziz Akhannouch, quant à lui, n'a pas fait montre de la même sagesse et s'est fendu d'un communiqué où il a dénoncé la « profusion de réactions surdimensionnées et inintelligibles qui ont pris pour cible un membre du bureau politique du RNI ». "Plus que cela, a ajouté le texte, nous considérons comme inconcevable l'acte du bureau politique du PJD, parti à la tête de la coalition gouvernementale (...)". Le RNI a opté pour l'escalade. Ces passes d'armes ont de quoi inquiéter les observateurs de la scène politique nationale, mais ont surtout retardé la réunion périodique de la coalition gouvernementale, instituée par la fameuse charte et qui pourrait offrir l'occasion d'enterrer la hache de guerre pour aller vers une réconciliation que d'aucuns voient impossible. Selon une source proche du dossier, à l'initiative du premier secrétaire de l'USFP, Driss Lachgar, cette réunion aura finalement lieu ce jeudi 4 octobre. Lachgar a mis en avant « le manque de sérieux qui a caractérisé les déclarations et les contre-déclarations des leaders du PJD et du RNI ». Les chefs des partis de la majorité gouvernementale devraient donc se réunir pour essayer de mettre fin à leurs dissensions. A l'ordre du jour bien sûr, les tirs croisés PPS/PJD/RNI. La charte, durement malmenée ces derniers mois va, de fait, être dépoussiérée pour tenter de réinstaurer un climat d'homogénéité dans une coalition qui paraît totalement hétérogène.