Des dizaines d'élus locaux se retrouvent sur liste noire après des audits accablants révélant détournements et malversations. Désormais, certains présidents de communes se retrouvent brutalement coupés des robinets financiers publics. Dans les couloirs feutrés de l'administration centrale, une « liste noire » circule discrètement, épinglant des élus locaux accusés de magouilles sur les marchés publics. L'information, confirmée par plusieurs sources proches du dossier, fait l'effet d'une bombe dans le microcosme politique local. Des dizaines de maires, dont certains siègent également au Parlement, se voient désormais fermer les portes du Fonds d'équipement communal – cette fameuse « Banque des collectivités » qui finance leurs projets d'aménagement. Fini aussi l'accès privilégié aux parts de TVA redistribuées par l'État. Derrière cette révolution silencieuse se cache un travail de fourmi mené par l'Inspection générale de l'administration territoriale (IGAT). Pendant des mois, ses équipes ont passé au crible la gestion de dizaines de communes, épluché les comptes, scruté les marchés publics, traquer les irrégularités. Le résultat ? Des rapports accablants qui dressent un tableau édifiant des dérives locales. Surfacturation, copinages avec des bureaux d'études, détournements déguisés... L'arsenal des combines mis au jour dépasse parfois l'entendement. « Les chiffres donnent le vertige », explique une source proche de ces investigations. « On parle de milliards de dirhams qui ont été détournés de leur vocation première, pendant que certaines communes rurales manquent du strict nécessaire ». C'est le ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, qui a personnellement donné le ton. Ses instructions sont claires : révolutionner les critères d'attribution des financements publics et muscler les contrôles. Fini l'époque où certains élus se servaient dans les deniers publics comme dans leur tiroir-caisse personnel. La Direction générale des collectivités territoriales a reçu ses ordres de marche : redistribuer les cartes en faveur des communes les plus démunies, celles qui n'ont jamais eu accès aux circuits privilégiés de financement. Sur le terrain, les premiers effets se font déjà sentir. Des dizaines de budgets communaux, pourtant adoptés en grande pompe par les nouveaux conseils élus, se retrouvent bloqués sur les bureaux des walis et gouverneurs. Motif invoqué : non-conformité aux procédures légales. Certains de ces budgets relèvent de la pure fiction comptable. L'écart entre recettes et dépenses atteint parfois des sommets vertigineux – jusqu'à 150 millions de dirhams dans certains cas. Les rapports d'audit révèlent des pratiques qui feraient rougir de honte. Certains maires n'hésitent pas à gonfler démesurément les budgets alloués aux festivités locales – ces fameux « événements culturels » qui servent souvent de paravent à des dépenses douteuses. Plus grave encore : l'existence de réseaux officieux entre élus et entrepreneurs privés. Le système est rodé : pour chaque projet financé sur fonds publics, des « commissions » sont prélevées au passage. Un pourcentage qui vient garnir les comptes personnels des élus indélicats. Cette opération coup de poing marque un tournant dans la gouvernance locale. Après des années de laisser-faire, l'État reprend la main et impose ses règles du jeu. Les élus véreux sont prévenus : l'ère de l'impunité touche à sa fin. En attendant, dans les mairies concernées, l'heure est aux calculs et aux stratégies de survie. Certains maires tentent déjà de négocier en sous-main leur retour en grâce. D'autres préparent leur défense, espérant que l'orage passera. Mais une chose est sûre : le temps des vaches grasses est révolu.