Le Mali a enterré l'accord d'Alger sans même un faire-part. Après avoir ignoré l'offre de médiation d'Abdelmadjid Tebboune, Bamako a opté pour un nouveau pacte de paix, 100 % malien, fruit d'un long dialogue national. Une manière limpide de signifier au régime algérien qu'il n'est plus ni utile, ni crédible dans la région. Le régime algérien pensait encore jouer les grands médiateurs du Sahel. Mais à Bamako, on a changé de partition. Les autorités maliennes ont officiellement tourné la page de l'accord d'Alger de 2015, préférant un tout nouveau « Pacte national pour la paix et la réconciliation », fruit d'un dialogue purement malien, sans tuteur auto-proclamé. Et au grand dam d'Alger, elles l'ont fait sans lui accorder ne serait-ce qu'un rôle de figurant. Selon la presse malienne, le document a été remis il y a quelques jours au président de la transition, le général Assimi Goïta. Ce texte résulte de mois de consultations avec les forces vives de la nation : gouvernement, société civile, anciens responsables. Aux oubliettes donc, le format d'Alger. C'est désormais un processus souverain, à l'image de ce que Goïta décrit comme « une étape historique vers la pleine souveraineté nationale ». Un tel virage n'a rien d'anodin. Il intervient dans un contexte de fortes tensions entre le Mali et l'Algérie. En 2023 déjà, Bamako s'était retirée de l'accord signé en grande pompe à Alger. Depuis, les griefs s'accumulent : soutien de l'Algérie à certains groupes armés hostiles au pouvoir malien, tolérance suspecte envers des incursions transfrontalières, et tout récemment, une cargaison d'armes interceptée sur le sol malien, attribuée — sans être nommée — à un voisin bien connu. Mais le camouflet le plus cinglant est sans doute le silence. À l'offre de médiation formulée par Abdelmadjid Tebboune il y a quelques jours dans un entretien médiatisé, Bamako n'a opposé qu'une indifférence glaciale. Pas de réponse. Pas de déclaration. Pas même un refus diplomatique. Le message est clair : le Mali n'a plus besoin de l'Algérie. Ce désaveu résonne d'autant plus fort que la diplomatie algérienne revendiquait, depuis 2015, le rôle de « faiseur de paix » dans la région. Mais pour Bamako, cette paix version Alger n'a jamais dépassé le papier. Le nord du pays reste instable, les groupes armés n'ont pas été désarmés, et l'influence d'Alger a fondu comme neige au soleil. La nouvelle dynamique malienne s'inscrit dans une logique plus large de rupture. En rejoignant le « Pacte des États du Sahel » avec le Niger et le Burkina Faso, le Mali s'est clairement orienté vers d'autres horizons. Et c'est sans surprise que la presse malienne évoque l'intérêt croissant de Bamako pour « d'autres initiatives régionales », en particulier la dynamique impulsée par le Maroc à travers l'Initiative Atlantique. Une alternative sérieuse, sans arrière-pensées ni volonté de tutelle. Le processus malien est désormais conduit par un vieux routier de la scène politique, Ousmane Issoufi Maïga, 80 ans, rappelé du repos pour piloter un dialogue national de 18 mois. Un choix consensuel, salué par toutes les composantes du pays. Le texte sera bientôt soumis à l'approbation du Conseil national de transition, avec à la clé la création d'un observatoire dédié au suivi de sa mise en œuvre. À Alger, on peut toujours sortir les communiqués et agiter les micros. Mais à Bamako, l'heure n'est plus aux faux-semblants. Le Mali trace sa voie, et n'a manifestement plus de temps à perdre avec les illusions algériennes.