La nouvelle fonctionnalité de X (anciennement Twitter), permettant de connaître le pays d'origine des comptes, jette une lumière crue sur des réseaux d'influence mondiale. Entre comptes pro-Trump opérant depuis l'Asie du Sud-Est et campagnes de désinformation ciblant le Maroc, les Country Labels ont permis de dévoiler en si peu de temps la mécanique complexe des manipulations numériques. Le weekend dernier, le réseau social d'Elon Musk s'est enflammé avec le lancement d'un nouvel outil permettant d'afficher la localisation géographique des comptes X, une innovation présentée comme un gage de transparence. Pour les experts de la plateforme, il s'agit d'une première étape importante pour garantir l'intégrité du forum mondial. La plateforme précise néanmoins que ces données peuvent varier ou être imprécises, notamment en cas de VPN ou de déplacements récents. Le déploiement de cette fonctionnalité a rapidement révélé l'influence étrangère sur les réseaux sociaux. Par exemples, des dizaines de comptes pro-Trump semblaient opérer depuis le Nigeria, le Bangladesh ou l'Europe de l'Est. Des chercheurs avaient déjà mis en garde lors de la présidentielle américaine de 2024 contre un réseau de comptes pro-Trump opérant depuis l'étranger, baptisé « Femmes indépendantes soutenant Trump», utilisant des photos volées d'influenceuses européennes. Aujourd'hui, les nouvelles de X confirment que plusieurs de ces comptes sont en réalité basés en Thaïlande et certains entretiennent des liens avec la Birmanie. Par ailleurs, cette révélation a mis en lumière un problème fondamental des réseaux sociaux contemporains : la monétisation de la controverse. Des acteurs rémunérés attisent délibérément les polémiques, car elles attirent l'attention et génèrent des interactions. C'est ce qui a été constatée au Maroc. En effet, la mise en service officielle de la fonctionnalité « Country Labels » a exposé des campagnes de désinformation ciblant le Maroc. Plusieurs comptes prétendant appartenir au mouvement Génération Z 212, qui avait orchestré des manifestations fin septembre et octobre, sont en réalité gérés depuis l'Algérie et le Canada, et non depuis les quartiers populaires de Casablanca, Tanger ou Fès comme ils le faisaient croire. Ces comptes, non officiels, ont été identifiés comme les instigateurs d'appels au sabotage et d'atteintes aux biens publics et privés. Si certaines motivations sont clairement liées à l'Algérie, d'autres pages gérées depuis le Canada semblent exploitées par des individus en fuite de la justice marocaine. L'une des plus grandes opérations de désinformation visant le Maroc depuis des années. L'analyse des comptes a montré une sophistication remarquable : imitation parfaite de la darija, utilisation des proverbes et expressions locales, exploitation de sujets sensibles comme la cherté de la vie, la corruption ou la qualité des services publics pour attiser la colère populaire. Les attaques étaient minutieusement coordonnées pour coïncider avec les succès diplomatiques du Royaume, notamment sur la question du Sahara, afin de brouiller l'image des réalisations nationales. Après la révélation des localisations, les observateurs ont constaté une panique numérique au sein de ces réseaux : suppression frénétique de milliers de publications, modification soudaine des identités et photos de comptes, jusqu'au silence complet de pages auparavant très actives. Pour les experts, cette opération s'inscrit dans le cadre des « guerres de quatrième génération » visant à créer une fracture entre les citoyens et leurs institutions.