Le Maroc a été représenté à la 16ème édition du festival international du film panafricain qui a eu lieu à Cannes entre le 17 et le 21 avril 2019, par 2 films seulement. Ce sont le film «Le chant du cygne» de Yazid El Kadiri, dans la catégorie du court-métrage et le film «Monsters» qui a concouru dans la catégorie long métrage. «Monsters» qui a été réalisé par Mohamed Fauzi, connu aussi sous le nom «Aksel Rifman», est un film Amazigh primé pour meilleur scénario et meilleur rôle principal, à la 12ème édition du festival Issni N'Ourgh international du film amazigh d'Agadir. Ce même film a été le seul à représenter le Maroc au festival du film d'Hiver à New-York. Au Maroc, par contre, les organisateurs du festival du film de Tanger ont refusé de mettre ce film dans la compétition officielle du festival, chose que le producteur du film, Abderrahim Harbal, considère injuste, et affirme qu'il n'arrive pas à comprendre les critères adoptés par les administrations des festivals marocains, durant le processus de sélection des réalisations convoquées aux festivals. «L'absence des films amazighs des festivals du film sur le plan national est due au processus de sélection qui ne prend pas en considération les spécificités de la culture amazighe. En effet rares sont les festivals nationaux qui désignent, dans leurs comités de sélection, des représentants de la culture et du film amazigh», a-t-il affirmé. Notre pays encourt depuis des années de nombreux changements culturels qui mettent en valeur le multiculturalisme marocain. Rachid Bouksim, directeur artistique du festival Issni N'Ourgh international du film amazigh d'Agadir, considère que malgré toutes les avancées majeures que le Maroc a pu réaliser, la culture amazighe se trouve encore obligée d'affronter des «mentalités refusant d'accepter que la langue et la culture amazighe fassent partie de la Constitution, ces mentalités souvent présentes dans les festivals refusent de prendre en considération les films amazighs». Diversité d'opinions Quand on parle de cinéma, on parle surtout de diversité et de différence d'opinions, c'est le cas en ce qui concerne notre sujet aujourd'hui. Les spécialistes du domaine ne sont pas tous satisfaits du niveau des productions cinématographiques amazighes. Pour Khalil Damoun, président de l'Association marocaine des critiques du cinéma, l'absence du film amazigh des festivals au niveau national est une question de qualité, puisque «le film Amazigh est une catégorie qui est restée réservée à un public spécifique et numériquement restreint, cette situation a dû limiter le développement de la qualité des productions». Par contre, les dernières années ont connu une forte montée des productions cinématographiques Amazighes,. A l'origine, ce sont des jeunes réalisateurs qui essaient, comme l'affirme le président de l'AMCC, de «niveler le cinéma amazigh en traitant des sujets qui intéressent l'ensemble du public marocain, mais ce processus nécessite du temps et de la formation». La formation est un axe essentiel dans le développement du traitement cinématographique dans les réalisations amazighes. Car selon Mohamed Belfqih, enseignant en audiovisuel et critique de cinéma, «les films en langue Amazighe sont généralement d'une bonne qualité technique, mais connaissent des faiblesses sur le volet du traitement, qui a tendance à sous-estimer le public», la solution est, donc, de respecter les capacités intellectuelles et son aptitude à analyser les contenus audiovisuels qu'ils consomment, indifféremment de la langue avec laquelle le film avait été tourné. Inégalité financière Une grande partie des réalisations marocaines comptent sur les subventions de l'Etat pour couvrir les dépenses et équilibrer la balance, et ceci à cause des revenus modestes des salles de cinéma. La situation est plus grave pour le cinéma amazigh, Abderrahim Harbal, directeur d'une boîte de production spécialisée dans les œuvres en Amazigh, nous a déclaré que le 7ème Art Amazigh ne bénéficie pas assez des souvent des subventions du Centre cinématographique marocain, d'autant plus ces contributions financières sont bien inférieures à celles dispensées pour les productions en langue arabe. La solution selon Harbal est de mettre à disposition du cinéma amazigh, des aides financières dédiées, à l'instar de l'expérience du subventionnement du film documentaire Hassani, et de cesser «d'octroyer les subventions seulement à des réalisateurs de renommée, pour donner la chance aux jeunes inconnues d'apporter leurs touches et leur vision». Cela rejoint les propos de Rachid Bouksim, qui appelle à la nécessité de soutenir les jeunes réalisateurs à produire de plus en plus de films amazighs. «Le projet de création d'un fonds d'aide régional par la région Souss-Massa-Deraa en partenariat avec le ministère de la culture et de la communication, avec un budget de 6 millions de dirhams. Ce fond qui sera dédié au cinéma dans la région du Souss-Massa-Deraa pourrait contribuer à la réalisation de films de bonne qualité, que j'espère seront plus présent dans les festivals nationaux du film», a-t-il observé. Par contre, de nombreux jeunes réalisateurs ne sont pas tentés par le 7ème Art amazigh, et cela pour des raisons que Driss Boussarhane, jeune réalisateur amazigh, résume en disant que «le cinéma amazigh n'est pas rentable sur le plan économique, ce qui désintéresse la plupart des producteurs. D'autre part, il est plus difficile de se créer une réputation en produisant des films en amazigh, sur une scène majoritairement arabophone». Carence en production Le cinéma amazigh au Maroc est relativement jeune, puisqu'il ne date que du début des années 90s. En chiffres, la totalité des productions est d'environ 200 films produits depuis le début de ce mouvement artistique. Dans ce cadre, Bouksim reproche aux producteurs de compter seulement sur les subventions étatiques pour réaliser leurs œuvres cinématographiques, ce qui les a réduit à des «prestataires de services», causant ainsi une crise de production. Ceci est confirmé par le chercheur à l'Institut Royal de la Culture Amazighe, Hasnaoui Ibrahim. Spécialisé dans le cinéma, il considère que l'absentéisme du cinéma amazigh des festivals, est le résultat direct de la crise de production. «Il faut qu'on ait une grande production, car avec un nombre supérieur de films produits chaque année, viendra une meilleure qualité et une plus grande représentativité dans les festivals nationaux», a-t-il insisté. Le cinéma amazigh marocain est un trésor audiovisuel très important, qui mérite d'être étudié, préservé et développé, car c'est l'expression du multiculturalisme de notre pays et des identités diverses mais soudées et réunies sous les mêmes couleurs. Khalid Boujamid- Hespress