Dans les rayons impeccablement agencés des supermarchés Marjane, un label attire désormais l'attention : « Filière M ». Derrière cette marque maison, ce n'est pas une simple signature marketing qui se joue, mais la volonté affichée de bâtir une nouvelle relation de confiance entre les producteurs marocains et les consommateurs. Marjane veut prouver que le « Made in Morocco » peut être synonyme de qualité, de transparence et de responsabilité environnementale. Lancée en 2019, la Filière M s'est imposée comme le socle d'une stratégie nationale de production contrôlée. Fruits, légumes, viandes ou poissons passent entre les mailles d'un réseau de contrôle exigeant, à la fois interne et externe. Les producteurs partenaires, qu'ils soient exploitants individuels ou membres de coopératives, signent un cahier des charges rigoureux qui interdit certains traitements chimiques et impose une traçabilité complète, du champ à l'étal. Cette rigueur s'accompagne d'un engagement environnemental concret : irrigation au goutte-à-goutte, économie d'eau pouvant atteindre 50 %, et appui technique pour réduire l'empreinte écologique des cultures. Mais au-delà des labels et des protocoles, Marjane semble vouloir repositionner son image : celle d'un acteur de la grande distribution conscient de son rôle dans la souveraineté alimentaire du pays. En soutenant plus de 60 producteurs marocains, dont une quinzaine de coopératives, l'entreprise tisse un maillage territorial solide. Près de 118 produits portent aujourd'hui la signature « Filière M », et le chiffre d'affaires généré par ce programme a progressé de 21 % entre 2023 et 2024 — un signe que le pari du local séduit. La démarche ne s'arrête pas à la vitrine. Marjane s'est associée à l'Agence de Développement Agricole (ADA) à travers le programme « Alliances Productives ». Cette collaboration, dotée d'un budget de plus de 4,6 millions de dirhams, soutient la structuration de six filières agricoles — argan, miel, légumineuses, arboriculture, entre autres. Objectif : professionnaliser les coopératives rurales, renforcer leurs capacités logistiques et les intégrer au circuit de distribution moderne. Pour de nombreux petits producteurs, c'est la porte d'entrée vers un marché stable et rémunérateur. Sur le plan réglementaire, Marjane s'appuie sur l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), garant des normes marocaines. En respectant ces standards, le groupe affiche des taux d'audit impressionnants : 92 % de conformité, selon ses données internes. Ces résultats viennent appuyer une stratégie d'image fondée sur la rigueur et la proximité, à rebours de la méfiance souvent associée à la grande distribution. Filiale du groupe Al Mada, Marjane revendique plus de 200 points de vente à travers le pays. Mais derrière cette puissance commerciale, le géant cherche à réaffirmer son ancrage national en s'appuyant sur les producteurs marocains. En promouvant un « Made in Morocco » exigeant, traçable et durable, l'enseigne veut se positionner non plus seulement comme un distributeur, mais comme un maillon clé de la chaîne agricole marocaine. Une manière de rappeler que, dans un marché en quête de confiance et de transparence, les circuits courts peuvent aussi rimer avec modernité.