Kebir Mustapha Ammi est écrivain franco-marocain. Dans cette interview accordée à Maroc Diplomatique, l'auteur revient sur son dernier roman, « Le Coiffeur aux mains rouges » (Elyzad), lequel interroge la guerre d'Algérie et ses atrocités. « Le Coiffeur aux mains rouges » a reçu, le 4 octobre 2025, le prix Moussa Konaté au festival Vins Noirs à Limoges. Maroc Diplomatique : Votre roman pointe du doigt, en filigrane, l'instrumentalisation de la guerre d'Algérie à des fins politiques. Une problématique toujours actuelle 63 ans plus tard ? Mustapha Ammi. Le roman pointe du doigt l'instrumentalisation de la guerre d'Algérie des deux côtés de la Méditerranée, en France et en Algérie. Chacun voulant s'approprier une mémoire aux dépens de l'autre partie. Chacun croyant détenir la vérité humaine... C'est cela que je voulais dire et dénoncer en filigrane. Et cela est insupportable. Car la vérité n'appartient pas à un seul bord, elle est toujours partagée. Il faut accepter que l'autre, fut-il notre adversaire, possède une part de vérité. C'est ainsi qu'on peut avancer. Lorsqu'on comprend que nous avons besoin des autres et qu'on ne peut aller nulle part en les ignorant. Il faut toujours avoir la force et la sagesse de s'asseoir autour d'une table et de débattre avec l'autre. Lire aussi : Livres : « Mira el Mar », ou quand le roman d'un immigré espagnol au Maroc nous interpelle Ce roman interroge plus globalement la question des rapports humains. « Le Coiffeur aux mains rouges » est une ode à la paix, malgré les drames du passé ? Oui absolument. Comme partout ailleurs. Je pense aux 45 conflits qui déchirent notre humanité. Ce roman vaut pour toutes les guerres, tous les conflits. Le jury du prix Moussa Konaté au festival Vins Noirs à Limoges et les lecteurs l'ont compris. Et j'en suis heureux. C'est une ode à la paix... au désir d'avancer, de bâtir des ponts aux quatre coins du monde. Pourquoi s'emparer de cette thématique (la guerre d'Algérie) alors que vous êtes Marocain ? Il ne vous a pas échappé que, dans « Le coiffeur aux mains rouges », le narrateur est Français et que toute l'action de ce roman se passe en France. Cela donne tout son sens à cette histoire. Je voulais aborder la question centrale de ce roman du côté français, d'un point de vue français, et en France, pays où je vis depuis longtemps. Vous savez, un romancier se glisse dans toutes les identités, y compris meurtrières, pour sonder l'âme où se débattent et prennent tout leur sens, le Bien et le Mal. Le romancier essaie de comprendre le plus largement possible les ressorts de notre condition humaine. Plus trivialement, je vous dirais qu'il ne faut pas regarder seulement ce qui se passe sous notre nez. Dans mes romans – éminemment marocains – « le ciel sans détours », « les vertus immorales », « Ben Aicha », je parle du Maroc et du monde, je parle des rapports que nous entretenons avec les Autres. Ceux-là, les Autres, sont incontournables si l'on veut savoir qui on est. « Le coiffeur aux mains rouges » est un miroir tendu pour voir ou approcher, sinon saisir, ce qui se passe sous le visage tranquille des choses.