Le culte des saints, bien peu orthodoxe, est très développé au Maroc. Il est tellement ancré dans l'esprit des gens, qu'il prend les proportions et le caractère d'une véritable anthropolâtrie. À la mosquée où se réunissent les fidèles, se sont ajoutés des milliers de sanctuaires. Le culte maraboutique revêt deux formes : le culte du saint vivant et le culte du saint défunt. Le plus souvent, c'est la même famille qui en tire tous les profits, car « la baraka » est héréditaire. Les descendants qui sont les détenteurs des vertus de l'ancêtre vénéré ont droit au respect et parfois même à l'adoration de la foule. Lorsque le marabout peut se dire descendant du prophète, il est « Chérif ». C'est ce qui explique que Moulay Driss ait pu fonder une dynastie. Le Mahdi quant à lui, est un être privilégié, d'abord caché et ignoré. Il se révèle soudain dans certaines heures graves, à un groupe de croyants, pour rétablir la justice, la paix, la sécurité… C'est le cas D'ibn Toumert, le mahdi des Masmouda. Il existe une troisième catégorie de marabouts : ceux qui ne sont ni chérifs, ni des hommes d'une nécessité sociale ou politique. Ils se sont imposés par leur savoir, les bonnes œuvres, des pratiques mystiques comme l'ascétisme…Parfois même, la folie ou le fait d'être un simple d'esprit, sont des critères de sainteté. Le marabout peut être aussi une femme. Les saintes sont particulièrement répandues au Maroc : Lalla Messaouda, mère du Saadien El Mansour à Marrakech, est l'objet d'un culte. Le marabout pour lequel, souvent les fidèles créent une généalogie remontant au prophète, doit se maintenir dans l'admiration de ses disciples. Sa renommée atteint rarement une grande extension. La tombe des marabouts devient le but de nombreux pèlerinages. Et si les descendants des saints l'entretiennent pieusement, le culte s'incruste dans la tradition. Des maisons s'élèvent à côté du sépulcre, avec un lieu pour les offrandes, une mosquée et parfois une médersa. Lorsque l'ensemble est complet, il forme ce que l'on nomme «une Zaouia». Dès lors, le peuple avait parfois plus de confiance au marabout, qu'à l'imam voire même au Sultan. Il a foi en sa bénédiction qui fertilise la terre, fait prospérer les troupeaux, soulage dans les dures heures de la vie, et ouvre aux hommes les portes du paradis. Souvent au milieu des conflits perpétuels et de l'anarchie, les marabouts ont représenté un peu de savoir, de justice et de paix. Vénérés comme des saints de leur vivant, ils sont considérés comme des intermédiaires entre Dieu et les hommes. Leurs lieux de retraites ou leurs tombeaux étaient (et sont parfois encore aujourd'hui), des havres où l'on peut trouver refuge. Et au moment où les sultans saadiens étaient incapables de défendre l'Islam contre les Européens (mélangeant souvent croisades et profits de la colonisation), les saints locaux tenaient la première place. C'est ainsi qu'au XVIIe siècle, le Maroc s'est souvent exalté à la voix de ses nombreux marabouts.