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Prison centrale de Kénitra : Farah Abdelkader et les quatre femmes
Publié dans La Gazette du Maroc le 09 - 04 - 2007

Le 3 mai 1998 à Khénifra, un fait divers d'abord d'une grande banalité se transforme en une histoire de Serial Killer qui sévit dans le milieu des Chikhates de la région de l'Atlas. Une femme est trouvée morte, ligotée et achevée. La piste mène à Farah Abdelkader qui mènera à son tour à trois autres larrons. Au total, ce sont les cadavres de quatre femmes qui sont exhumés pour l'ouverture d'un procès qui prend des allures de psychose dans toute la région de l'Atlas. Farah Abdelkader et ses compagnons d'infortune sont jugés à Meknès avant d'atterrir dans le couloir de la mort, du pavillon B de la prison centrale de Kénitra. Les complices sont condamnés à perpétuité et partagent le quotidien de celui qui a porté le chapeau dans toute cette affaire.
Quand Farah Abdelkader, numéro d'écrou 25045 parle de l'année 1998, il sert les dents comme pour écraser les mots qui font voir toute l'horreur d'un moment qu'il voudrait oublier.
Ce retour en arrière dans les méandres de la mémoire est un supplice. Il est forcé de revivre en imagination, le corps ligoté de son amante, morte, raide, achevée, inerte, sans le moindre souffle qui pourrait raviver en lui une vague promesse de pardon. Oui, Farah Abdelkader est arrêté un matin de mai 1998 pour le meurtre de sa maîtresse, Mouna, une bacchante de l'Atlas, une de ces voluptueuses créatures de l'extase qui font tourner les têtes et vous entrouvrent les portes du désir.
L'idylle tourne court sous le poids de la jalousie
«Nous avons passé de très bons moments ensemble. Au début, je la fréquentais comme tant d'autres hommes, mais avec le temps et l'habitude, nous sommes devenus très proches. Et à partir d'un certain moment, Mouna est devenue ma maîtresse et là, je lui ai interdit d'offrir ses charmes à quelqu'un d'autre. C'était clair entre nous. Moi, je veillais à ce qu'elle ne manque de rien et elle d'assurer le reste. Avec le temps, j'ai pris l'habitude de venir chez elle à Khénifra avec d'autres amis pour faire la fête. Il y avait toujours d'autres femmes avec Mouna et vous pouvez imaginer le type de soirées que nous vivions». Abdelkader Farah n'est pas heureux.
Comment revenir sur ces belles pages de sa vie passée dans les bras de cette femme, qu'il décrit volontiers comme une beauté à damner tous les saints avec la cohorte de Belzébuth, d'Azazel et autres Méduses de l'au-delà, sans cette pointe lancinante de rage qui perce au bout de la langue ? «Le pire pour moi est d'assumer le meurtre de Mouna. J'y pense, et entre nous, je ne peux pas me faire à l'idée que je suis condamné à mort pour le meurtre de cette femme avec qui j'ai tant partagé dans la joie et la douleur. Je ne dis pas que notre relation était calme, vous savez ce que c'est que d'être avec une femme qui était d'abord une prostituée, une chikha ! Mais, nous avons eu de très grands moments ». Ce qu'Abdelkader ne dira pas, par timidité, pudeur ou simple retenue d'un homme qui veut garder pour lui un brin de cette intimité à jamais perdue, oui, ce qu'il ne dira pas, c'est qu'il était fou amoureux de cette femme. Epris, transi de passion, déchiré de jalousie, rongé par le doute, frappé par le scalp de la fin.
Que de soirées arrosées, éthérées et duveteuses…
«C'était l'une des plus belles pages de ma vie. Vous savez, je suis un gars de la région. Je suis né à Beni Mellal, dans un petit village où tous les hommes allaient à Khénifra, Imouzzar, Ifrane, Azrou, Kasbah Tadla, Zaouiat Chikh pour voir des femmes. Et les femmes de la région sont très belles, croyez-moi ». On comprend bien que pour un type qui a vécu dans la promesse de soirées torrides avec des femmes de ce calibre, la rencontre de Mouna a été l'entrée de plain-pied dans le monde feutré du sexe, de la volupté, du plaisir et autres dérivés de nourritures terrestres. «Une soirée à Khnifra? C'est simple : des chikhates, du vin, de la danse, de la musique et le reste. Il y avait de tout, des jeunes, des moins jeunes, mais que des filles de la zone qui venaient parfois de Lhajeb ou Aïn Louh, et les nuits pouvaient se prolonger jusqu'au petit matin. Mouna était heureuse avec moi. C'est ce que je pensais. «En tout cas, elle ne manquait de rien». Pris dans les filets d'une telle vie, Abdelakader n'avait plus le sens de la mesure. Sa vie se résumait en une longue nuit avec Mouna. Tous les jours, c'était la même nuit d'amour, de passion, de corps enlacés, de sueurs mêlées et de rêves inachevés. Il le dit lui-même, il était envoûté par cette femme. «Ma vie entière tournait autour d'elle. Je n'avais plus rien en tête. Mouna et rien d'autre. Je travaillais et tout partait dans l'entretien de cette liaison. Elle demandait beaucoup comme tant d'autres femmes, et moi, je ne pouvais rien lui refuser».
Surtout que la menace de la voir filer dans les bras d'un autre était de plus en plus pressante. Abdelkader devait trouver les sous pour faire vivre sa maîtresse, qui elle, selon lui, ne se souciait guère de son origine.
Le doute prend corps et l'homme perd la tête
Farah Abdelkader dont on lira le parcours entier dans le prochain numéro de la Gazette (son enfance, sa vie à Beni Mellal, sa femme, ses trois enfants, le passage par Al Hoceima, le tremblement de terre qui a mis sa famille à la rue…), raconte qu'à un moment précis de son idylle, il avait touché du doigt que la fin était proche : «je ne sais pas pourquoi, mais je sentais que les choses allaient de plus en plus mal. J'avais un mauvais pressentiment». Mauvaises pensées, le cœur serré, le souffle court, un poids immense sur la poitrine, la gorge prise dans un étau, c'est bien là la définition d'un homme amoureux qui craint le pire. Un homme qui vit avec le doute de voir l'objet de sa passion lui tourner le dos et filer sous d'autres cieux, sous d'autres draps. «J'ai essayé de comprendre, mais il n'y avait rien à saisir dans tout cela. En plus, il lui fallait toujours plus pour être heureuse. Et à cette période, je ne peux pas dire que l'argent coulait à flots». Un autre tracas, de taille celui-ci, vient s'incruster dans la chair d'un couple qui vivait des moments magnifiques d'amour. Le doute, la peur, le manque d'argent : il y a de quoi achever un Titan. Pourtant Abdelkader dit avoir résister en attendant de trouver un moyen de sauver sa vie avec Mouna. C'est le début d'un autre chapitre de sa vie sur lequel il n'est pas disert. C'est là aussi que les copains entrent en scène et décident de mener à plusieurs une partie de jeu bizarre avec le destin, le leur et celui d'autres femmes qui étaient durant toutes ces années leurs maîtresses.
Une femme ligotée, raide
morte, le tout déguisé en vol
«Il me fallait trouver un moyen pour avoir de l'argent. Alors, avec mes amis, nous avions décidé de voler la maison de Mouna, la femme avec qui j'étais. C'était le seul moyen que j'avais dans l'immédiat pour me faire des sous. On avait bien pensé la chose. Il n'y avait pas le moindre souci. On aurait pris quelques objets, on les aurait vendus et la vie repartait de plus belle pendant quelques temps. Mais les choses ont mal tourné». Abdelkader n'a rien trouvé de mieux que de commettre son larcin chez lui. Parce que le nid de leur passion, la maison de Mouna, était aussi sa maison. Rien de mieux que de se voler soi-même pour n'éveiller aucun soupçon. Et c'est ce plan qui qui allait tuer leur idylle et tout le reste. Abdelkader ne le savait pas encore. Le plan était arrêté. Mes amis sont arrivés chez Mouna, et ont pris un téléviseur, la parabole avec son terminal, quelques bricoles qu'ils allaient écouler dans un souk voisin, de quoi se faire quelques milliers de dirhams et offrir des nuits arrosées aux femmes, avec Mouna, leur victime. «Une fois dans la maison, nous avons été surpris par la présence de Mouna. Heureusement que nous étions couverts. Elle pensait que nous étions des voleurs des alentours. Nous l'avions ligoté, pris le téléviseur, la parabole et d'autres objets et nous sommes partis». C'est ce qu'Abdelkader a déclaré devant le juge avant de changer de version. «Quand nous avions quitté la maison, Mouna était ligotée et vivante». Pourtant, quand la police est arrivée Mouna était morte. Qui l'avait tuée ? Abdelkader dira jusqu'à la fin des temps que ce n'est pas lui. Comment pouvons-nous imaginer qu'il pouvait tuer son amour, la femme dont il était épris? Non, c'est impossible. «Ce n'est pas moi». Mais Mouna est morte, étranglée. Tous les indices menaient vers lui et ses amis. Et comme trois autres crimes similaires n'étaient pas encore élucidés, le lien a été fait avec le meurtre de Mouna et voilà les quatre copains accusés de quatre meurtres. Oui, en plus de Mouna, trois autres femmes étaient mortes dans les mêmes circonstances dans la même région. D'un simple vol au départ, nous sommes devant une bande de Serial Killer.
Un homme dans la tourmente
Abdelkader Farah sait que son destin est scellé. Il n'espère aucune réouverture de son dossier. L'homme ne se fait plus aucune illusion sur ce qui lui reste à tirer dans le couloir de la mort. Mais une chose le tue à petit feu : sa femme et ses trois enfants. Cet homme est déchiré par le sort de toute une famille qui vit aujourd'hui dans la rue dans la région d'Al Hoceïma.
Après le tremblement de terre qui a frappé la ville, ils ont perdu leur maison. Sans le moindre soutien, livrés à eux-mêmes, les enfants ont perdu leur scolarité, leurs espoirs et ont enterré leurs rêves. Quant à la mère, elle est toujours là à soutenir son époux qu'elle visite quand elle le peut à Kénitra. Abdelkader dit qu'il est prêt à payer, mais que ses enfants et sa femme ne payent pas pour un crime qui n'est pas le leur.


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